L'addictovigilance
points essentiels (Item 325-11-A)
- L’addictovigilance a pour objet la surveillance, l’évaluation, la prévention et la gestion du risque de mésusage et de pharmacodépendance lié à la consommation de toute substance psychoactive, médicamenteuse ou non, plante ou produit, à l’exclusion de l’alcool et du tabac.
- L’addictovigilance en France repose sur un réseau de 13 Centres d’Évaluation et d’Information sur la pharmacodépendance - Addictovigilance (CEIP-A) piloté par l’ANSM.
- Les missions des centres d'addictovigilance sont : (i) le recueil de l’information nécessaire à l’évaluation du potentiel de mésusage et de pharmacodépendance, (ii) l'information et la formation des professionnels de santé, (iii) la recherche et (iv) l'expertise, le conseil et la réalisation d'enquêtes.
- L’évaluation en addictovigilance est réalisée d’une part grâce à l’évaluation pharmacologique et médicale des notifications et d’autre part en analysant les résultats des différents outils pharmacoépidémiologiques
L'addictovigilance, de quoi parle t'on ?
L'addictovigilance est la suveillance, l'évaluation, la prévention et la gestion du risque d'abus, d'usage détourné et de pharmacodépendance de toute substance psychoactive, qu'elle soit médicamenteuse ou non, à l'exclusion de l'alcool et du tabac.
Elle a plusieurs missions : (i) le recueil de l’information nécessaire à l’évaluation du potentiel d’abus et de dépendance, (ii) l'information et la formation des professionnels de santé, suite aux questions posées ou notifications, mais aussi dans le cadre de la formation initiale, spécialisée et continue, (iii) la recherche, contribution au progrès scientifique sur le potentiel de mésusage et de pharmacodépendance des substances psychoactives, et (iv) l'expertise, le conseil et la réalisation d'enquêtes : l’enquête nationale d’addictovigilance, demandée par l’ANSM est réalisée par un rapporteur. Elle a pour objectif l’évaluation du risque d’abus, de dépendance, de mésusage et d’usage détourné d’une substance psychoactive médicamenteuse ou non afin de confirmer un signal potentiel, caractériser un signal avéré, surveiller le profil de risque d’un médicament, ou mesurer l’impact d’une mesure réglementaire.
Il est à noter que depuis la parution du DSM5, la dernière version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, la définition de l'abus et de la pharmacodépendance sont réunis sous une même définition : celle du trouble de l'usage, avec une gradation en fonction de la sévérité du trouble (pour le détail, cf notions complémentaires).
L'ORGANISATION DE L'ADDICTOVIGILANCE
L'addictovigilance est portée par un réseau de 13 centres régionaux (appelés centre d'addictovigilance ou encore "CEIP" pour Centre d'évaluation et d'information sur la Pharmacodépendance) répartis sur le territoire. Créé en 1990, ce réseau français d'addictovigilance est constitué de pharmacologues experts en addictovigilance, travaillant en interface avec différents partenaires (médecins, pharmaciens, toxicologues, structures spécialisées en addictologie…) et coordonné par l'Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et des produits de Santé (ANSM). Les centres d'addictovigilances sont distincts des services d'addictologie et des services de pharmacovigilance.
L'évaluation en addictovigilance
POURQUOI ?
L'évaluation en addictovigilance répond à une problématique de santé publique. En effet, elle permet de répondre à la question : " ce médicament/substance a t'il un potentiel de dépendance ?" et d'identifier les nouvelles tendances et modes d'utilisation des substances psychoactives. Elle permet également de mettre en évidence, au delà des caractéristiques communes, des différences en fonction des substances pouvant mener à des décisions réglementaires, un plan de geste de risque et une communication auprès des professionnels de santé.
Quand ?
Pour les médicaments, l'évaluation peut se faire à toutes les étapes du développement : préclinique, galénique, essais cliniques, etc... Mais c'est au cours de la phase IV (phase post-AMM) que cette évaluation est la plus précise car elle permet une évaluation du potentiel de mésusage et de pharmacodépendance en population réelle.
COMMENT ?
L'évaluation en addictovigilance est multimodale et repose sur :
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L'analyse des notifications spontanées issues des professionnels de santé et particuliers
La déclaration des cas de mésusage ou de pharmacodépendance grave est obligatoire pour les médecins. « Tout médecin, chirurgien dentiste ou sage-femme ayant constaté un cas de pharmacodépendance grave ou d’abus grave d’une substance, plante, médicament ou autre produit mentionné à l’article R. 519-2, en fait la déclaration immédiate au CEIP sur le territoire duquel ce cas a été constaté. » « De même, tout pharmacien ayant eu connaissance d’un cas de pharmacodépendance grave ou d’abus grave de médicament, plante ou autre produit qu’il a délivré, le déclare aussitôt au CEIP sur le territoire duquel ce cas a été constaté. »
La notification peut se faire en appelant le Centre d’addictovigilance de sa région, en remplissant une fiche de déclaration ou en ligne sur le portail des signalements (https://signalement.social-sante.gouv.fr/#/accueil).
L'analyse de notifications est basée sur les critères de gravité du trouble de l'usage de substances avec un focus sur les comportements de transgression concernant le mode d'obtention ou l'usage. Les cas notifiés sont ensuite centralisés dans une base nationale gérée par l’ANSM puis transmis dans la base européenne et de l’OMS.
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Les outils pharmacoépidémiologiques
L'usage d'outils pharmacoépidémiologiques est d'autant plus important en addictovigilance que l'information est difficile à recueillir, particulièrement pour les substances illicites. La réalisation de ces outils implique la participation d'un grand nombre de partenaires, soulignant la nécessité d'un réseau territorial.
Parmi les outils pharmacoépidémiologique, on peut citer :
- L'enquête OSIAP qui analyse les ordonnances suspectes, ce qui permet un focus sur le mode d'obtention des médicaments. Cette enquête implique les pharmacies d'officine.
- L'enquête OPPIDUM qui évalue l'usage de substances psychoactives auprès de patients consommateurs. Cette enquête fait intervenir un réseau de structures spécialisées dans la prise en charge des addictions.
- L'enquête ASOS qui analyse les prescriptions d'antalgiques stupéfiants rapportées par les pharmaciens d'officine.
- Les enquêtes DRAMES-DTA qui analysent les décès liés aux substances psychoactives, l'enquête DTA s'intéressant plus particulièrement aux décès liés aux antalgiques. Cette enquête implique les experts médico-légaux.
- L'enquête Soumission Chimique qui évalue les détournements d'usage réalisés à visée de soumission chimique. Cette enquête implique des experts médico-légaux et les services d'urgences.
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Une recherche ciblée via des études spécifiques
Au total
L'addictovigilance permet, à partir des données recueillies, de caractériser le risque de mésusage et de pharmacodépendance d'une substance psychoactive, de mettre en oeuvre des protocoles de recherche si nécessaire, de proposer des mesures et d'évaluer l'impact de ces mesures.
Exemples d'évaluation en addictovigilance
La codéine
Suite à un signal d'addictovigilance concernant des conduites de "purple drank" chez des adolescents (association de sirop codéiné antitussif avec des antihistaminiques et du soda) ayant conduit à des complications graves, l'année 2017 a marqué la fin de la dose d'exonération de la codéine avec la nécessité d'une prescription médicale obligatoire.
La prégabaline
A partir de 2018, une intensification de l'usage problématique de prégabaline a été remontée par les réseaux d'addictovigilance. En effet, en 2020, il s'agissait du médicament le plus présent dans les ordonnances falsifiées (évaluées dans l'enquête OSIAP) et une augmentation quantitative et qualitative des notifications a été constatée avec une recherche d'effet euphorisant et anxiolytique. De plus, une interaction prégabaline-opioïdes a été mise en évidence avec augmentation du risque de décès par overdose opiacée chez des sujets dépandants aux opioides et expéosés à la prégabaline. Ces constats ont conduit en 2021 à l'obligation de prescription sur ordonnance sécurisée et à une durée de prescription limitée à 6 mois.
Le protoxyde d'azote
Devant l'augmentation du mésusage de ce gaz propulseur (augmentation des quantités consommées, usage à visée récréative et anxiolytique) avec des complications à court terme (asphyxie, perte de connaissance, brulures) et lors d'usages plus prolongés (troubles de l'usage, atteintes neurologiques, troubles psychiatriques et cardiovasculaires), une loi de prévention des usages dangereux du protoxyde d’azote en milieu de soin a été adoptée en juin 2021. Outre l’interdiction de la vente de protoxyde d'azote aux mineurs, la loi prévoit également l’interdiction de la vente ou de l’offre, y compris aux personnes majeures dans les débits de boissons (bars, discothèques, débits de boisson temporaires) et débits de tabac (3 750 € d’amende). Elle prévoit aussi la possibilité de limiter le nombre de cartouches achetables, et interdit la vente et la distribution d’accessoires facilitant la consommation.
LE TRAMADOL
Devant la remontée de signaux d'usages problématiques de tramadol (mésusage dans le contexte de la douleur ou pour la recherche d'effets récréatifs, anxiolytiques ou hypnotiques, usage chez les mineurs, implication dans des décès), la prescription est limitée à 3 mois depuis 2020. De plus, depuis 2024, des conditionnements avec moins de comprimés par boite sont disponibles.
LE ZOLPIDEM
Devant un constat de l'augmentation du mésusage de ce médicament (à visée hypnotique ou récréative, avec un usage jusqu'à plusieurs dizaines de comprimés par jour), le zolpidem fait depuis janvier 2017 l'objet d'une prescription sur ordonnance sécurisée.
Pour en savoir plus : https://addictovigilance.fr/
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