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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Pharmacocinétique

Quantification de l'effet des médicaments

Les points essentiels

Quantification des effets des médicaments (pharmacodynamie)

1. Définition

La pharmacodynamie appliquée à la clinique est l’étude des effets d’un médicament sur l’organisme. Elle est complémentaire de la pharmacocinétique qui explore les effets de l’organisme sur les médicaments (Figure 1). Un effet peut être décrit par son intensité, son délai d'apparition et sa durée. La pharmacodynamie peut s'intéresser aux effets bénéfiques mais aussi aux effets indésirables ou toxiques.

2. Pourquoi quantifier l’effet ?

Les effets peuvent être mesurés à différents stades du développement du médicament. Lors du développement préclinique, les effets peuvent être mesuré dans des modèles in vitro ou dans des modèles animaux. Chez l'hommé, les effets sont mesurés afin d'évaluer l'efficacité ou la toxicité d'une molécule, soit durant les essais cliniques, soit durant la pratique médicale quotidienne.

La mesure des effets peut être directe à l'échelle individuelle ou de la population (nombre de crises convulsives lors d'un traitement antiépileptique, nombre de thromboses lors d'un traitement anticoagulant...) ou indirecte à l'aide de « critères intermédiaires » qui sont un reflet de la pathologie traitée (par exemple, des antihypertenseurs sont prescrits pour diminuer la mortalité par hémorragie cérébrale et la mesure de leur efficacité à l'échelle individuelle se fait par la mesure de la pression artérielle. De manière similaire on vérifiera la glycémie lors d’un traitement antidiabétique ou le LDL cholestérol sous hypocholestérolémiant…).

Pour comparer des médicaments (voir "relations concentrations-effets et "dose-effet-clinique")

La comparaison des propriétés pharmacodynamiques de médicaments porte sur plusieurs critères :

  • Efficacité : effet maximal, délai d'obtention de l'effet, durée de l'effet, résistances...
  • Tolérance : toxicité aiguë, chronique, effets à long terme → permet d'établir la balance bénéfice/risque

3.4.1 figure1

Pour déterminer des posologies

La prescription de tout médicament nécessite de définir la dose par prise et la fréquence des prises. La posologie devra être prévue pour chaque population susceptible de recevoir le médicament (du nouveau-né au sujet âgé, de l’insuffisant rénal à l’insuffisant cardiaque) et pour chaque indication. La détermination de la posologie optimale pour chaque population se fait au cours des études cliniques. Les paramètres pharmacocinétiques sont déterminés, puis des modèles pharmacocinétiques sont obtenus à l'aide d'équations mathématiques, servant à prédire les doses unitaires et fréquences d'administration nécessaires à l'obtention de concentration efficaces et sûres chez la plupart des patients. 

3. Comment quantifier l'effet des médicaments ?

Plusieurs approches sont possibles qui sont complémentaires et qui peuvent être combinées dans une même étude.

En décrivant les effets en fonction du temps

Une mesure répétée de l'effet, permet de décrire après une dose unique le temps nécessaire pour atteindre un effet maximal, la valeur de cet effet maximal et la durée de l'effet. Ces analyses purement descriptives sont liées à la dose, à la voie d'administration et au type de paramètre d'effet mesuré. Dans le cas d'échelles d'évaluation qui sont longues à réaliser ou qui entrainent en effet d’apprentissage, il n'est pas toujours possible de répéter trop souvent et trop longtemps les tests, ce qui oblige à limiter les évaluations.

En décrivant les effets en fonction de la dose

Des études comportant plusieurs doses en administration unique permettent de bien décrire la gamme de dose utile pour obtenir un effet. Elles doivent être complétées par des administrations répétées qui vérifieront entre-autres si l'effet persiste ou si un épuisement est à craindre.

En établissant une relation entre la concentration et l’effet en fonction du temps (PK/PD, fig.2a et 2b)

Les analyses PK/PD doivent prendre en compte le fait que certains métabolites peuvent être à l’origine d’un effet, ce qui rend difficile la distinction entre l’effet obtenu du médicament lui-même de celui provoqué par ses métabolites. Dans ce cas, la concentration plasmatique à prendre en compte n’est pas forcement uniquement la concentration du médicament administré mais la somme des concentrations des produits actifs.

Figure 2a

3.4.1 figure2a

Figure 2b

3.4.1 figure2b

Plusieurs types d’analyse, de complexités différentes sont possibles :

Des études de corrélations simples où une relation est recherchée entre des paramètres pharmacocinétiques (AUC, Cmax) et des paramètres dynamiques (effet maximal observé).

Il n’est pas toujours facile d’identifier le(s) paramètre(s) pharmacocinétique(s) corrélé(s) avec l’effet. Le plus souvent une corrélation est recherchée entre la concentration résiduelle (concentration qui précéde la prise de médicament) et l’effet. Si cette corrélation est la plus facile à rechercher, elle est souvent d’un intérêt limité. En effet, l’exposition de l’organisme au médicament est mieux reflétée par la surface sous la courbe (AUC). Cependant ce paramètre nécessite plusieurs prélèvements pour être calculé ce qui n’est pas toujours réalisé. D’autres médicaments ont un effet plutôt corrélé à la concentration maximale (Cmax) mais là encore, il n’est pas facile de prélever le patient au moment opportun.
Dans tous les cas, ce n’est pas parce qu’une corrélation entre un paramètre pharmacocinétique et un paramètre pharmacodynamique n’a pas été mis en évidence, qu’il n’existe pas de lien entre la pharmacocinétique et la pharmacodynamie d’un médicament.

Des modélisations pharmacocinétiques-pharmacodynamiques (voir relation "dose-effet-clinique")

Au modèle pharmacocinétique compartimental est ajouté un modèle pharmacodynamique. La modélisation établit un lien entre la dose administrée, les concentrations plasmatiques mesurées et l’effet obtenu. Plusieurs modèles mathématiques sont décrits pour analyser différents types d’effet. Quel que soit le modèle retenu, il doit décrire le plus fidèlement et le plus simplement possible (parcimonie) les données observées. Comme plusieurs modèles mathématiques différents peuvent décrire un même phénomène biologique avec une précision identique, il est illusoire de vouloir expliquer une cinétique d’effet par une équation mathématique et a fortiori un mécanisme d’action. L’objectif de la modélisation est de reproduire « artificiellement » un phénomène biologique afin de pouvoir le quantifier, le comparer et procéder à des simulations.

Références:

Pharmacokinetic and Pharmacodynamic Data Analysis: concepts and applications. 2ne édition par Johan Gabrielsson et Daniel Weinar, Swedish Pharmaceutical Press, Stockholm, Suède.

Kimbo HC, Reel S, Holford N, FRACP, Peck C. Prediction of the outcome of a phase 3 clinical trial of an antischizophrenic agent (quetiapine fumarate) by simulation with a population pharmacokinetic and pharmacodynamic model. Clin Pharmacol Ther 2000; 68: 568-577.

Population analysis of the pharmacokietics and pharmacodynamics of seratrodast in patients with mild to moderate asthma. Samara E, Cao G, Locke C, Granneman G, Dean R, Killian A. Clin Pharmacol Ther 1997; 62: 426-435.

Pharmacodynamic modeling of time-dependent transduction systems. Mager D, Jusko W. Clin Pharmacol Ther 2001; 70: 210-216.

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Cinétique de l’effet indirect

- Le décalage entre le profil des concentrations plasmatiques en fonction du temps et l’évolution de l’effet en fonction du temps est représenté dans la figure 1, points essentiels. A chaque temps, une mesure de l’effet et un prélèvement plasmatique sont réalisés. Cette représentation permet de visualiser que le temps nécessaire pour obtenir la concentration maximale est différent du temps nécessaire pour obtenir l’effet maximum. Ce décalage reflète la lenteur des processus intervenant entre l’arrivée du médicament dans le sang (l’exposition) et la mesure de l’effet. Il peut être lié à différentes circonstances pharmacocinétiques et/ou pharmacodynamiques, par exemple :

• Le médicament entraîne une succession de réactions biochimiques aboutissant à l’effet mesuré.
• Le médicament doit subir des transformations pour entraîner un effet.
• Le médicament doit passer à travers des barrières biologiques pour atteindre sa cible.
• L’effet mesuré est la conséquence d’une exposition prolongée.

- Une autre représentation consiste à associer à chaque concentration, l’effet obtenu au même moment (figure 2a, points essentiels). L’augmentation des concentrations jusqu’à un maximum correspond à une lente apparition de l’effet qui persiste alors que les concentrations diminuent. Ainsi, l’effet maximal obtenu ne correspond pas à la concentration maximale observée. La succession des points (concentration-effet) au cours du temps décrit une boucle tournant dans le sens anti-horaire qualifiée d’hystérése. Plus cette boucle est aplatie, plus le décalage entre les concentrations et l’effet est faible. A l’extrême, en cas d’effet direct, nous ne visualiserions qu’une droite de corrélation entre les concentrations et les effets (figure 2b, points essentiels).
Dans certains cas, la succession des points (concentration-effet) décrit au cours du temps une boucle tournant dans le sens horaire. Cela traduit le fait que l’effet diminue alors que les concentrations continuent d’augmenter. Ce phénomène peut, par exemple, se retrouver à l’occasion d’une tolérance de l’organisme au médicament.

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