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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Dosage des médicaments (Suivi Thérapeutique Pharmacologique)

Exemples de dosages en clinique

Les points essentiels


Cours sur le suivi thérapeutique pharmacologique, du Dr. J-B Woillard, Limoges

Les médicaments nécessitant un suivi thérapeutique pharmacologique (STP) sont ceux à index thérapeutique étroit pour lesquels la zone thérapeutique a été associée à une efficacité clinique, ou à l’absence de toxicité dans une grande population traitée.

Peu de médicaments nécessitent réellement un STP en routine.  Parmi les médicaments justifiant d’un STP, cette obligation n’est que rarement mentionnée dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP).

En revanche, certaines sociétés savantes de Pharmacologie recommandent le STP de médicaments appartenant à différentes classes pharmaco-thérapeutiques : les antiépileptiques, les antibiotiques aminosides ou glycopeptides, les immunosuppresseurs, certains antidépresseurs ou neuroleptiques, certains anticancéreux,...  (tableau 1).

Il est probable que le STP va continuer à se développer pour les traitements des pathologies graves, dont l'efficacité et/ou la toxicité engagent le pronostic vital.

Parmi les médicaments courants, c’est souvent la pratique clinique qui définit ceux pour lesquels le STP est indispensable et ceux pour lesquels il est une aide à la l’optimisation du traitement et apparaît donc souhaitable.

A cet égard, le dosage du médicament effectué dans le but de suivre la prise effective d’un traitement, participe à l’optimisation thérapeutique lorsque le résultat est utilisé pour donner des conseils favorisant l’observance (ex :Inhibiteur de protéase : Lopinavir, saquinavir, …).

Selon les propriétés du médicament, l’indice d’exposition pourra être :

  • la concentration maximale (Cmax),
  • la concentration résiduelle (Cmin),
  • la surface sous la courbe des concentrations en fonction du temps (ASC),
  • une concentration à un temps donné après l’administration (ex. : Ct=2h).

Pour chaque médicament justifiant d’un STP, des valeurs normales sont disponibles et permettent d’évaluer l’exposition du patient.

Toutefois, une nouvelle approche où le patient est son propre témoin, est de plus en plus proposée. L’évolution de ses propres concentrations, lors de différentes visites, permet d’interpréter une diminution de réponse (ou une augmentation) comme étant liée à une variabilité de nature pharmacocinétique et non pas à une modification de sa pathologie. 

En parallèle, on peut tenter de définir les caractéristiques des médicaments pour lesquels le STP n’est pas justifié :

  • Ceux dont l’effet peut être mesuré par un index d’effet clinique ou biologique simple (anti-hypertenseurs, antidiabétiques, anticoagulants, etc.).
  • Ceux pour lesquels la variabilité interindividuelle est faible ou pour lesquels la marge thérapeutique est très large (ex : AINS, corticoïdes, traitements hormonaux, certains antibiotiques, etc.).
  • Ceux dont la zone thérapeutique est mal connue (certains antidépresseurs, neuroleptiques, nouveaux antiépileptiques, etc.). Ces derniers pourraient donc probablement bénéficier du STP si des essais cliniques étaient conduits pour apporter cette information.

Tableau 1 : Médicaments dont le suivi thérapeutique pharmacologique (STP) est proposé par les Sociétés Savantes internationales de Pharmacologie.

Médicaments Principes actifs Indices d’exposition
Antiépileptiques acide valproïque, phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital, thiopental, lamotrigine, oxcarbazépine

Concentration résiduelle (Cmin)

Anti-viraux et

anti-rétroviraux

ganciclovir

saquinavir, ritonavir, nelfinavir, indinavir, amprénavir, lopinavir, atazanavir.

analogues non-nucléosidiques

Concentration résiduelle (Cmin)

Antibiotiques

vancomycine, teicoplanine

amikacine, gentamicine, tobramycine

Concentration résiduelle (Cmin) ou Concentration circulante (perfusion continue)

Concentration résiduelle (Cmin) et/ou maximale (Cmax)

Autres anti-infectieux isoniazide, rifabutine, rifampicine, itraconazole, fluconazole, voriconazole

Concentration résiduelle (Cmin)

Médicaments psychotropes

amitriptyline, clomipramine, imipramine, nortriptyline

lithium, clozapine

Concentration résiduelle (Cmin)

Médicaments à visée cardiaque digoxine, quinidine, hydroquinidine, flécaïnide, amiodarone

Concentration résiduelle (Cmin)

 

Immunosuppresseurs

ciclosporine, tacrolimus, sirolimus, évérolimus,

acide mycophenolique

Concentration résiduelle (Cmin) et/ou ASC
Anticancéreux méthotrexate, 5-FU, carboplatine Concentration résiduelle (Cmin) et/ou ASC
Divers théophylline, méthadone, buprénorphine, cotinine Concentration résiduelle (Cmin)

Pour en savoir plus sur l'organisation du STP en France, vous pouvez consulter la page du groupe de travail STP et personnalisation des traitements de la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique

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Notions complémentaires

  • STP des aminosides

Les aminosides sont des antibiotiques bactéricides réservés aux infections sévères en milieu hospitalier. Afin d’optimiser leur efficacité et de limiter l’émergence de résistance, ils doivent être utilisés à une posologie efficace d’emblée. Toutefois, la durée de traitement doit être limitée afin de minimiser leur toxicité résultant de leur accumulation dans certains tissus (oreille interne et cortex rénal).

-Justification du STP des aminosides :

Il est justifié par :

- Une efficacité et une toxicité liées aux concentrations, l’efficacité étant dépendante de l’obtention d’uneconcentration maximale (Cmax) élevée, la toxicité (néphrotoxicité et ototoxicité) étant liée à la persistance de concentrations résiduelles (Cmin) trop élevées, traduisant leur accumulation cellulaire.

Une variabilité pharmacocinétique intra- et inter-individuelle importante, en rapport avec un volume de distribution et une élimination rénale variables.

La nécessité d’adapter la posologie à la sensibilité du germe isolé chez le patient

-Le STP des aminosides en pratique :

Quel milieu biologique prélever ?

Le dosage des aminosides s’effectue sur sérum, le sang devant donc être prélevé sur tube sec sans anticoagulant (bouchon rouge).

Quand doser ?

- Les traitements par aminosides sont généralement de courte durée (5 à 8 jours) et leur efficacité est liée à l’obtention très précoce de concentrations efficaces : La première mesure de Cmax doit donc être réalisée dès les premières injections.

- La surveillance de la toxicité repose sur la mesure de la concentration résiduelle (Cmin), qui doit être inférieure à un seuil, différent pour chaque médicament de la classe.

- A noter que l’état d’équilibre est très rapidement atteint chez le sujet normal (t1/2 = 2 à 3h) mais peut nécessiter un délai plus long chez le sujet insuffisant rénal (t1/2 pouvant atteindre 40h).

Quels sont les patients concernés ?

Le dosage des aminosides est justifié chez les patients à risque de Cmax trop faible ou de Cmin trop élevée.

- Des Cmax trop faibles, potentiellement inefficaces, seront obtenues dans toutes les situations où le volume de distribution (Vd) est augmenté. Les aminosides se distribuant exclusivement dans l’eau extracellulaire, une augmentation du Vd sera rencontrée chez les patients présentant un 3è secteur (ascite, oedèmes,…), chez les nouveau-nés, chez les grands brûlés, chez les patients atteints d’hémopathie maligne ou de mucoviscidose,…

- Des Cmin trop élevées, potentiellement toxiques, seront obtenues dans toutes les situations où l’élimination est réduite. Les aminosides étant éliminés par filtration glomérulaire exclusive, sans subir de métabolisme préalable, une diminution de clairance sera rencontrée chez les sujets insuffisants rénaux, les sujets âgés, les prématurés,…

Le STP des aminosides devra être effectué de façon systématique chez tous les patients à risque. L’instabilité hémodynamique des patients de réanimation justifie également qu’ils en bénéficient pendant toute la durée du traitement.

Résultats attendus et interprétation :

La cible de Cmax doit être modulée en fonction de la CMI du germe, avec comme objectif d’obtenir un quotient inhibiteur (QI = Cmax/CMI) supérieur à 8. En pratique, une Cmax supérieure à 20 mg/L (amikacine) ou à 10 mg/L (netilmicine, gentamicine, tobramicine) est habituellement efficace sur les germes classés sensibles.

Le seuil de non-toxicité est de 5 mg/L pour l’amikacine et de 2 mg/L pour les autres représentants de la classe.

L’adaptation de posologie devra permettre de répondre au double objectif, particulier à cette classe, d’obtention d’une Cmax élevée et d’une Cmin faible (figure 1). Ainsi, on privilégiera le plus souvent une augmentation de la dose unitaire et un espacement des administrations. Devant une insuffisance rénale, une adaptation basée sur l’espacement des perfusions permet de répondre à ces objectifs de traitement (figure 2).

Ces observations ont été à la base de la mise en œuvre du concept d’administration uniquotidienne des aminosides, par lequel la dose journalière n’est plus fractionnée en 2 ou 3 perfusions mais est administrée en une seule fois. Ce mode d’administration permet d’atteindre les objectifs de concentrations chez la plupart des patients et rend moins nécessaire le STP.

  • STP du tacrolimus

Le tacrolimus est un immunosuppresseur inhibiteur de la calcineurine indiqué dans le traitement du rejet de greffon cortico-résistant (tout organe), et dans la prévention et le traitement du rejet aigu en transplantation rénale, hépatique, cardiaque….

-Justification du STP du tacrolimus :

Le STP du tacrolimus est obligatoire dans la mesure où il spécifié dans le « Résumé des Caractéristiques du Produit » (RCP) conditionnant son Autorisation de Mise sur le Marché.

Il est justifié par :

- Une zone thérapeutique étroite (médicament immunosuppresseur puissant, néphrotoxique, neurotoxique et diabétogène).

Une variabilité pharmacocinétique intra- et inter-individuelle importante, en rapport avec une biodisponibilité orale faible et variable et un métabolisme intestinal et hépatique par le CYP450 3A4, important et variable.

- De nombreuses interactions médicamenteuses (tableau I), avec des conséquences cliniques potentiellement graves en terme d’augmentation de la toxicité ou de diminution de l’efficacité.

- Des relations démontrées entre concentration sanguine et efficacité d’une part, effets toxiquesd’autre part (ex : néphrotoxicité, neurotoxicité,…).

- L’absence d’effet clinique précoce mesurable. En effet, les épisodes de rejet aigu signent un échec thérapeutique et les signes cliniques de toxicité, notamment l’augmentation de la créatininémie, peuvent être retardés. Les signes les plus précoces d’une sous-exposition ou d’un surdosage sont donc respectivement la baisse et l’augmentation des concentrations sanguines du tacrolimus.

Une sur-immunosuppression peut également favoriser et entretenir des infections ou des processus immunoprolifératifs.

-Le STP du tacrolimus en pratique :

Comment ou quoi prélever ?

Le tacrolimus étant largement distribué dans les éléments figurés du sang, en particulier les hématies, et pouvant se redistribuer in vitro vers le secteur plasmatique en fonction des variations de température et de pH, il est recommandé de mesurer les concentrations dans le sang total, prélevé sur anticoagulant de type EDTA (tube à bouchon violet ou rose).

Quand prélever ?

- A l’état d’équilibre : 3 à 10 jours après le début du traitement ou après chaque adaptation de posologie. (La suspicion d’une toxicité constitue une exception à la règle).

- Horaires préférentiels de prélèvement : Le STP repose sur la mesure de la concentration résiduelle (Cmin ou C0 : juste avant une nouvelle administration du médicament). Remarque : Exceptionnellement dans certaines situations cliniques complexes, plusieurs prélèvements peuvent être réalisés entre deux administrations pour estimer l’exposition globale (AUC0-12h).

Résultats attendus et interprétation :

La zone thérapeutique du tacrolimus est habituellement donnée pour la concentration résiduelle (Cmin), qui doit être comprise entre un seuil minimum efficace et une borne supérieure toxique.

La concentration résiduelle efficace minimale cible varie en fonction :

- du type de greffe (rénale et pulmonaire concentration cible différente),

- de l’age du receveur,

- de la période post-greffe (délai entre le contrôle de la concentration sanguine du médicament et la date de greffe)

- mais aussi des autres médicaments immunosuppresseurs associés.

La concentration résiduelle cible est en moyenne de 5 ng/ml, voire 10 ng/ml en période post-transplantation précoce où les risques de rejet sont plus importants.

La concentration maximale (ou seuil de toxicité) est de 20 ng/ml.

En association avec des corticoïdes et l’azathioprine ou le mycophénolate mofétil, la zone thérapeutique des concentrations résiduelles de tacrolimus généralement admise est :

chez l’adulte, de 10 à 15 ng/ml de J0 à J42 puis de 5 à 10 ng/ml au-delà.

chez l’enfant, de 10 à 20 ng/ml en période précoce, de 5 à 15 ng/ml au-delà.

Ces valeurs cibles permettent d’éviter les problèmes majeurs d’inefficacité ou de toxicité, mais la recherche individualisée de la concentration minimale efficace est souhaitable.

Remarque : Des stratégies de prélèvement limité associées à une estimation par régression multilinéaire ont été proposées pour estimer l’AUC0-12h du tacrolimus, qui serait un meilleur index d’exposition que la concentration résiduelle. Toutefois, les zones cibles d’AUC0-12h sont actuellement mal définies.

A noter que la grande variabilité pharmacocinétique chez un patient donné, même à court terme (quelques jours), diminue la fiabilité d’une seule mesure comme facteur prédictif d’efficacité ou de toxicité (figure 3). Des mesures répétées peuvent donc se révéler nécessaires pour authentifier une sur- ou une sous-exposition.

Tableau I : Interactions médicamenteuses pharmacocinétiques avec le tacrolimus

Médicaments augmentant les concentrations sanguines de tacrolimus Médicaments diminuant les concentrations sanguines de tacrolimus

Macrolides et apparentés

(érythromycine, josamycine, pristinamycine, roxithromycine, clarithromycine)

 

Antifongiques imidazolés

(kétoconazole, itraconazole, fluconazole, voriconazole)

 

Inhibiteurs calciques

(nicardipine, nifédipine, diltiazem, vérapamil)

Corticoides, en particulier par voie IV

(prednisolone, méthylprednisolone)

Contraceptifs oraux

Antituberculeux

(rifampicine)

 

Anticonvulsivants

(phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine)

 

Sulfamides

(cotrimoxazole IV)

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