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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Toxine botulique

Résumé de la fiche

Depuis la fin du XVIIIe siècle, la toxine botulique est connue pour être responsable du botulisme, une paralysie généralisée souvent mortelle développée au décours de l’ingestion de cette neurotoxine. Plus récemment, la possibilité d’injection par voie locale a permis une utilisation de la toxine botulique à des fins thérapeutiques. S’il est décrit 7 sérotypes de cette neurotoxine, seuls les sérotypes A et B sont actuellement utilisés en clinique.

De par ses interactions avec les mécanismes d’exocytose, la toxine botulique bloque la libération d’acétylcholine au niveau de la jonction musculaire. Son utilisation se fait par des injections locales. En dépit d’un blocage irréversible de la transmission neuromusculaire, la répétition du traitement s’avère nécessaire après un délai de quelques mois (2 à 3 mois en moyenne), principalement en raison de phénomène de repousse axonale.

L’utilisation de ce produit doit théoriquement être réservée à des médecins expérimentés, dans le cadre d’indications validées, afin de limiter l’utilisation abusive de cet agent pharmacologique ainsi que certains de ses effets indésirables telle qu’une paralysie plus sévère liée à une diffusion loco-régionale.

En raison d’une relative innocuité de ce médicament lors de son administration par voie locale, les indications thérapeutiques de la toxine botulique sont multiples et concerne des domaines aussi variés que l’ophtalmologie, la neurologie, la pathologie ORL, la rééducation fonctionnelle, l’urologie ou encore l'esthétique.

 

Rappel physiopathologique

La toxine botulique, la plus puissante des neurotoxines, est produite par une bactérie anaérobie, le Clostridium botulinum. Elle est responsable d’une intoxication alimentaire grave parfois mortelle, le botulisme, dont le tableau clinique est constitué d’une paralysie généralisée symétrique et descendante s’accompagnant d’une sécheresse oculaire et salivaire, de troubles visuels, d’une dysphagie, d’une insuffisance respiratoire, l’ensemble fréquemment complété par une atteinte du système nerveux autonome associant un iléus paralytique, une rétention urinaire et une hypotension artérielle orthostatique sévère. 

On distingue actuellement 7 types de toxine botulique (A, B, C1, D, E, F, G) dont seuls les sérotypes A et B sont utilisés en clinique. La toxine botulique est constituée d’une simple chaîne polypeptidique qui devient biologiquement active en se scindant en une chaîne lourde et une chaîne légère reliées entre elles par un pont disulfure. La chaîne lourde est le support de la spécificité de chaque sérotype ainsi que du point d’impact au niveau des mécanismes d’exocytose dans la terminaison pré-synaptique. Elle permet également la fixation neuronale sélective et l’internalisation de la chaîne légère dans le cytoplasme du neurone. Cette dernière constitue la partie active capable d’agir sur les complexes protéiques de la terminaison neuronale. 

Quel que soit son type, la toxine botulique agit sur la terminaison nerveuse pré-synaptique cholinergique. Si ce mode d’action concerne surtout la jonction neuromusculaire, la toxine est aussi à même de bloquer les terminaisons pré- et post-synaptiques ganglionnaires du système nerveux autonome. Actuellement, l’utilisation thérapeutique est limitée à l’injection locale des toxines de sérotypes A et plus récemment B au cours de nombreuses pathologies où existent un excès de la transmission neuromusculaire.

Médicaments existants

Si deux sérotypes de toxine botulique sont actuellement prescrits à titre thérapeutique en France (toxines de type A et B), il convient de distinguer  toxines de type A, fabriquées et distribuées par des laboratoires différents (tableau toxines botuliques). 

Les unités utilisées pour quantifier l’activité de chaque toxine est spécifiques à chaque laboratoire commercialisant la toxine botulique. Les unités de chaque laboratoires sont donc spécifiques pour la préparation concernée et ne doivent pas être interchangées avec d'autres préparations de toxine botulique. 

Toxine

Nom commercial

Indications (AMM*)

Toxine type A - Allergan

   Botox®  Vistabel®

Troubles de l’oculomotricité 

Blépharospasme

Spasme hémifacial

Torticolis spasmodique

Déformation dynamique du pied en équin

Spasticité du membre supérieur après AVC

Rides liées au froncement des sourcils

Toxine type A - Speywood

   Dysport®

Blépharospasme

Spasme hémifacial

Torticolis spasmodique

Déformation dynamique du pied en équin

Spasticité du membre supérieur après AVC

Toxine type A 

Toxine type B Neurobloc® Dystonie cervicale (torticolis spasmodique)

Mécanismes d’action des différentes molécules

La toxine botulique bloque la transmission neuromusculaire en empêchant la libération de l’acétylcholine par exocytose au niveau de la terminaison neuronale.

La chaine lourde de la toxine se fixe aux récepteurs cholinergiques avec une forte affinité puis est internalisée par endocytose dans la terminaison nerveuse. Puis la chaine légère est transloquée dans le cytosol après formation d'un pore dans la membrane de la vésicule et va induire le clivage d'une protéine indispensable à la libération de l'acétylcholine, la SNAP25 par une activité endopeptidase.

Le caractère irréversible du blocage de la transmission neuromusculaire résulte quant à lui de la dénervation chimique induite par la toxine à laquelle s’associe une atrophie musculaire. Cependant, compte tenu de la repousse des terminaisons nerveuses (sprouting) et de l’expression de nouveaux récepteurs à l’acétylcholine, la transmission neuromusculaire peut se rétablir après quelques semaines, justifiant alors le renouvellement du traitement.

Effets utiles en clinique

La toxine botulique est utilisée le traitement symptomatique des dystonies, terme qui désigne un trouble moteur caractérisé par des contractions musculaires involontaires, soutenues, responsables de postures ou de mouvements anormaux parfois très invalidants, en particulier dans le blépharospasme (contracture des orbiculaires palpébraux), le torticolis spasmodique ou le spasme hémifacial...

Limitant l’excès de transmission neuromusculaire, la toxine est aussi utilisée dans le traitement de la spasticité musculaire, en particulier du membre supérieur après un accident vasculaire cérébral ou encore chez l’enfant infirme moteur cérébral dans les déformations en équin du pied.

 

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Dans la plupart des indications médicales où la toxine botulique est utilisée, les effets observés résultent du blocage de la transmission neuromusculaire dont l’excès est responsable des symptômes éprouvés par le patient. Bien que théoriquement irréversible, le blocage de la transmission neuromusculaire s’estompe en raison de phénomènes de repousse axonale avec la possibilité dans ce contexte de réapparition des symptômes cliniques imposant ainsi la répétition des injections. 


Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

En raison de la nature du produit, aucune étude de pharmacocinétique n’a été conduite chez l’homme. Il y a cependant peu d’arguments pour une distribution systémique après administration de doses thérapeutiques, la toxine serait de plus rapidement métabolisée par des protéases. 

Le délai et la durée d’action de la toxine varient principalement selon le sérotype (plus bref avec le sérotype B) et le site injecté. A titre indicatif, dans le blépharospasme, l’effet apparaît dans les 3 jours et serait maximal dès la première ou deuxième semaine pour persister environ 3 mois. En revanche, dans le torticolis spasmodique et les pathologies concernant des groupes musculaires plus volumineux (spasticité par exemple), l’amélioration clinique survient généralement au cours des 2 semaines suivant l’injection pour être maximale vers la sixième semaine, la durée d’action pouvant dans ce cadre être particulièrement variable (2 à 33 semaines). 

Il convient enfin de rappeler que la disparition de l’effet du traitement n’est pas liée aux caractéristiques pharmacocinétiques du produit mais au développement de nouveaux bourgeons nerveux.

Source de la variabilité de la réponse

La plus importante source de variabilité de la réponse est sans doute la qualité de l’injection et la quantité de toxine utilisée. D’autre part, quelle que soit le sérotype de la toxine, les doses nécessaires à l’amélioration du tableau clinique sont variables selon les patients et la pathologie considérée. Il convient donc d’utiliser les doses minimales efficaces et d’espacer les injections d’au moins 2 mois chez l’adulte et 3 mois chez l’enfant. 

Il faudra aussi tenir compte du type de toxine utilisée et éviter, chez un même patient, les changements de médicament au fil du temps, le calcul des doses nécessaires demeurant dans ce contexte hasardeux. 

 Une diminution de l’efficacité de la toxine botulique peut s’observer après plusieurs injections du fait du développement d’anticorps neutralisants, l’une des alternatives dans ce contexte est le changement de toxine. 

Enfin, les patients âgés de plus de 70 ans ou ceux ayant déjà présenté une atteinte neurogène de la face (pour les indications faciales) sont susceptibles d’être plus sensibles à la toxine botulique et doivent donc être traités par de plus faibles doses lors de la première injection.

Situations à risque ou déconseillées

La toxine botulique est contre-indiquée en cas de pathologie de la jonction neuromusculaire (myasthénie, syndrome de Lambert-Eaton) ainsi qu’en cas de grossesse et d’allaitement. 

Son utilisation est également contre-indiquée en cas d’hypersensibilité connue ou s’il existe une infection au point d’injection. 

En raison d’interactions médicamenteuses potentielles, on retiendra comme contre-indication relative l’utilisation concomitante de médicaments ayant une action directe ou indirecte sur la transmission neuromusculaier (agents curarisants, anticholinesterasiques ou aminosides).

Précautions d’emploi

L’utilisation de la toxine botulique impose le respect de certaines contraintes réglementaires. La toxine botulique est en effet réservée à l’usage des médecins spécialistes en Neurologie, Ophtalmologie, Oto-Rhino-Laryngologie et aux médecins spécialistes en Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, en Dermatologie et en Chirurgie maxillo-faciale qui possèdent une bonne expérience de son utilisation. 

Le stockage doit s’effectuer dans des conditions rigoureuses.

Les injections, dont les posologies sont variables selon l’indication et l’état clinique du patient, doivent être réalisées par voie intramusculaire stricte en 1, 2 ou 3 sites après un repérage précis du muscle concerné. Le matériel utilisé (flacon, seringue) doit être déposé dans un container afin d’être incinéré. En cas de projection accidentelle de la toxine, une solution d’hypochlorite de sodium doit être utilisée pour le nettoyage.

Effets indésirables

L’ensemble des études cliniques réalisées à ce jour n’a pas mis en évidence de toxicité systémique de la toxine botulique aux doses thérapeutiques usuelles. Ainsi, en dehors des cas de réaction allergique, les effets indésirables de la toxine restent localisés au voisinage du site d’injection. 

Ces effets résultent de la diffusion de la toxine au niveau des muscles voisins. Cette diffusion est le plus souvent la conséquence d’une injection trop profonde ou mal orientée ou encore celle de l’utilisation de doses trop importantes. 

L’expression clinique de ces effets indésirables, habituellement transitoires, varie selon l’indication et le site d’injection (tableau effets indésirables de la toxine). La toxicité au long cours n’est en revanche pas connue avec certitude, de même que les doses maximales cumulées qu’il est possible d’utiliser.

Indication thérapeutique

Effets indésirables

Quelle que soit l’indication et le site d’injection

Réactions allergiques
Douleur et rougeur au point d’injection
Ecchymoses

Blépharospasme et spasme hémifacial (lors de l’injection des muscles péri-orbitaires)

Ptosis partiel ou complet (diffusion de la toxine dans le releveur de la paupière)
Diplopie (diffusion de la toxine dans les muscles oculomoteurs)
Autres effets : sécheresse oculaire (4,5 %), larmoiement (2,4 %), photophobie (1,4 %), ectropion (0,8 %), kératite (0,6 %), gonflement des paupières.

Spasme hémifacial (lors de l’injection du releveur de la commissure labiale)

Paralysie faciale

Torticolis spasmodique (surtout si injection du muscle sterno-cléido-mastoïdien)

Dysphagie avec fausses route et pneumopathie d’inhalation
Dysphonie
Faiblesse des muscles du cou

Déformation en équin du pied

Chutes
Douleurs et faiblesse musculaire du membre inférieur

Surveillance des effets

Les effets de la toxine botulique s’apprécient par l’examen clinique. La survenue d’effets indésirables impose de différer une nouvelle injection et de réduire le cas échéant la posologie du traitement. En l’absence de diffusion systémique, les dosages plasmatiques n’ont aucun intérêt.

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