*Médicaments de la plaque neuromusculaire : Les points essentiels
Résumé de la fiche
La contraction musculaire normale dépend du bon fonctionnement de la jonction neuromusculaire qui permet la transformation du signal électrique nerveux en contraction mécanique. Ce couplage électromécanique met en jeu un neurotransmetteur, l’acétylcholine, des récepteurs nicotiniques musculaires et une enzyme de dégradation du neurotransmetteur, l’acétylcholinestérase.
La modulation pharmacologique de la jonction neuromusculaire chez l’homme est parfois rendue nécessaire par l’existence d’une situation pathologique liée à un défaut (myasthénie et syndromes apparentés) ou un excès (dystonies) de la transmission neuromusculaire ou encore lorsqu’il est nécessaire d’induire une myorelaxation complète (anesthésie et ventilation assistée en réanimation).
Trois classes de médicaments sont utilisés : les anticholinestérasiques, la toxine botulique et les curares (non dépolarisants et dépolarisants). Leurs mécanismes d’action mettent en jeu respectivement l’inhibition de la dégradation de l'acétylcholine, le blocage de la libération de l’acétylcholine, le blocage des récepteurs post-synaptiques de l’acétylcholine ou une dépolarisation soutenue en partie liée à la libération massive d’acétylcholine.
Les caractéristiques pharmacodynamiques et pharmacocinétiques de ces différents produits permettent enfin de rendre compte de leurs indications, de leur mode d’utilisation, de leurs effets indésirables ainsi que de leurs contre-indications.
Item(s) ECN
133 : Anesthésie locale, locorégionale et généraleRappel physiopathologique
La jonction neuromusculaire est une structure anatomo-physiologique spécialisée qui par l’intermédiaire d’un neurotransmetteur, l’acétylcholine, permet la transformation d’un influx électrique en activité mécanique. D’un point de vue anatomique, un ensemble d’une centaine de fibres musculaires placées sous le contrôle d’une fibre nerveuse provenant de la division d’un moto-neurone spinal constitue une "unité motrice". Les potentiels d’action sont véhiculés le long des nerfs moteurs jusqu’à la terminaison nerveuse où la dépolarisation déclenche un influx d'ions Ca2+ par l'ouverture des canaux calciques voltage-dépendants et la libération de l’acétylcholine contenue dans des vésicules par un mécanisme d’exocytose.
L’acétylcholine diffuse au travers de l’espace jonctionnel et se lie aux récepteurs nicotiniques post-synaptiques situés sur les fibres musculaires de la plaque motrice. La liaison réversible de l’acétylcholine à ces récepteurs induit l’ouverture d’un canal perméable aux ions Na+ et à un moindre degré aux ions K+, permettant une dépolarisation de la membrane des cellules musculaires dénommée potentiel de plaque motrice. Si cette dépolarisation est suffisante, elle permet de générer un potentiel d’action et la contraction musculaire. L’acétylcholine libérée en excès est alors rapidement hydrolysée par l’acétylcholinestérase présente dans l'espace synaptique.
Dans ces conditions, la modulation pharmacologique de la jonction neuromusculaire semble intéressante dans au moins 3 situations : les pathologies où existent un défaut (myasthénie et syndromes apparentés) ou un excès (dystonies, spasme hémifacial, spasticité…) de la transmission neuromusculaire ou encore les situtions cliniques pour lesquelles il est nécessaire d’induire un bloc neuromusculaire complet (anesthésie, ventilation assistée en réanimation).
Médicaments existants
- Inhibiteurs de l’acétylcholinestérase :
La pyridostigmine, l’ambénonium, la néostigmine et l’édrophonium sont les 4 principaux représentants de cette classe thérapeutique. Ils sont utilisés comme traitement symptomatique ou de la myasthénie, des syndromes apparentés ou encore pour la décurarisation post-opératoire en cas d'utilisation des curares non dépolarisants (voir anti-myasthéniques).
- Toxines botuliniques :
Les toxines botuliniques de type A et plus récemment de type B sont utilisées par injection locale pour bloquer la transmission neuromusculaire dans des pathologies où il existe une facilitation anormale de celle-ci (dystonie, blépharospasme, spasme hémi-facial…) (voir toxines botuliniques).
- Curares :
Les curares sont des médicaments qui permettent d’induire un blocage neuromusculaire complet utile lors des procédures d’anesthésie, en particulier lors de l’intubation endotrachéale. On distingue des agents non dépolarisants (atracurium, cisatracurium, mivacurium, pancuronium, rocuronium, vécuronium) et un agent dépolarisant, le suxaméthonium (voir curares).
Mécanismes d’action des différentes molécules
- Anti-myasthéniques :
Il s'agit de molécules parasympathomimétiques inhibiteurs de l'acétylcholinesterase. Ils favorisent la transmission neuromusculaire par inhibition de l’acétylcholinestérase, une enzyme qui hydrolyse l’acétylcholine présente en excès au sein de la fente synaptique. Ainsi, le maintien d’une plus grande quantité d’acétylcholine dans la jonction neuromusculaire va indirectement permettre l’amélioration de la contraction musculaire.
- Toxines botuliniques :
L’utilisation médicale de la toxine botulinique repose sur la possibilité de bloquer, par injection locale, la transmission neuromusculaire. Cet effet résulte de l’inhibition irréversible de la libération d’acétylcholine au niveau de la jonction neuromusculaire par stabilisation des vésicules présynaptiques. Ce blocage irréversible se complète de la dégénérescence du ou des rameaux nerveux concernés permettant ainsi un bloc neuromusculaire prolongé. Dans ce contexte, la restauration de la conduction neuromusculaire ne s’effectue qu’après plusieurs semaines, délai nécessaire à la formation de nouvelles terminaisons :
- Curares :
Les curares permettent un blocage réversible de la transmission neuromusculaire par inhibition des récepteurs cholinergiques nicotiniques post-synaptiques par fixation compétitive (curares non dépolarisants) ou par genèse d’un état de dépolarisation prolongé consécutif à l’insensibilisation des récepteurs nicotiniques par effet cholinomimétique direct et/ou libération massive de l’acétylcholine. L'impossibilité de l'alternance dépolarisation-repolarisation nécessaire à la transmission neuro-musulaire maitient la fibre musculaire en état de relaxation (curares dépolarisants) (animation-mécanisme d’action des curares).
Effets utiles en clinique
La diversité des mécanismes d’action des médicaments de la jonction neuromusculaire permet la prise en charge de nombreuses pathologies où la transmission neuromusculaire est altérée qu'il s'agisse d'un défaut ou d'un excès (i.e. anticholinestérasiques dans la myasthénie et toxine botulinique dans les dystonies).
D’autre part, les médicaments de la jonction neuromusculaire apportent une aide importante dans les procédures d’anesthésie générale (curares, anticholinestérasiques) ou comme outil diagnostique à la disposition du clinicien (anticholinestérasiques au cours de la myasthénie).
Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique
Les caractéristiques pharmacocinétiques des différents modulant la modulation de la transmission neuromusculaire sont variables et impactent leur utilisation médicale.
Pour les curares notamment, la vitesse d'installation et la durée d'action sont des caractérisatiques importantes à prendre en compte. Les curares dépolarisants (suxaméthonium) ont une vitesse d'action rapide (30 secondes) et un effet de brève (6 à 13 minutes) durée permettant leur utilisation comme adjuvants des anesthésies générales dans les situations urgentes ou les actes chirurgicaux brefs. Les curares non polarisants sont classés en fonction de leur durée d'action (courte ou intermédiaire).
Précautions d’emploi
Quelque soit la classe thérapeutique considérée, le maniement des médicaments de la jonction neuromusculaire est difficile et requière le plus souvent une grande expertise.
Les prescripteurs doivent parfaitement connaître les risques résultants d’associations médicamenteuses (anticholinestérasiques et curares en particulier) ainsi que ceux résultant d’un mésusage ou d’erreurs techniques dans la préparation et l’administration du médicament (curares et toxine botulique). Les curares et la toxine botulinique sont réservés à l'usage hospitalier.
Effets indésirables
En dehors d’effets indésirables imprévisibles tels les réactions allergiques et les effets résultant d’une susceptibilité génétique particulière (curare dépolarisant), la plupart des effets indésirables des médicaments de la jonction neuromusculaire sont prévisibles.
Ces effets indésirables résultent le plus souvent des propriétés pharmacodynamiques et du caractère diffus des cibles pharmacologiques de ces médicaments (anticholinestérasiques, curares).
Pour la toxine botulinique, les effets indésirables sont uniquement loco-régionaux et consécutifs le plus souvent à une erreur ou un accident lors de son utilisation (tableau 1).
Tableau 1 Principaux effets indésirables des médicaments de la jonction neuromusculaire*
Classes thérapeutiques |
Médicaments |
Nature de l’effet |
Traitement |
Anti-cholinestérasiques |
Tous |
Activation nicotinique Activation muscarinique |
- Diminution de la dose - Injection d’atropine |
Toxine botulinique |
Toxines botuliniques de type A et B |
Hypersensibilité Diffusion loco-régionale du bloc neuromusculaire |
Aucun |
Curares |
Curare dépolarisant - Suxaméthonium |
Effets fréquents : - Douleurs musculaires post-opératoires - Réactions histaminoïdes - Hyperkaliémie - Troubles cardiovasculaires - Augmentation transitoire de la pression intra-oculaire, intra-crânienne et gastrique |
- Traitement symptomatique - Troubles du rythme en partie prévenus par injection d’atropine |
Effets rares : - Hyperthermie maligne - Réaction anaphylactique - Bronchospasme et spasme des masséters |
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Autres effets : Apnée et/ou déficits prolongés |
- Traitement symptomatique |
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Curares non dépolarisants - Tous |
- Choc anaphylactique et autres réactions histaminoïdes cutanées ou systémiques. |
- Traitement symptomatique |
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- Atracurium |
- Convulsions |
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- Atracurium / cisatracurium |
- Faiblesse musculaire/myopathies |
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- Mivacurium |
- Curarisation prolongée |
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- Pancuronium |
- Effets vagolytiques cardiaques et oculaires |
*Pour le détail se reporter aux tableaux effets indésirables de chaque classe thérapeutique
Surveillance des effets
En dehors des curares où il semble nécessaire d’établir un monitorage électromyographique précis, les effets des médicaments de la jonction neuromusculaire sont appréciés quasi- exclusivement par l’analyse clinique des symptômes présentés par les patients dans le cadre des pathologies ou procédures concernées.