Lamotrigine comme régulateur de l'humeur
Résumé de la fiche
La lamotrigine est un antiépileptique bloquant de façon voltage-dépendante les canaux sodiques activés. Son AMM en tant que thymorégulateur est restreinte à la prévention des épisodes dépressifs chez les patients présentant un trouble bipolaire de type I. Elle n'a pas d'effet curatif dans l'épisode maniaque.
Son profil pharmacocinétique se caractérise par un métabolisme par glucuronidation et une absence de métabolisation par le CYP 450. Les autres anticonvulsivants peuvent modifier la pharmacocinétique de la lamotrigine et la contraception hormonale augmente par deux sa clairance.
A la différence des autres anticonvulsivants, son emploi est possible durant la grossesse (et chez la femme en âge de procréer) en raison d'un risque tératogène faible voire absent aux doses usuelles.
Le principal risque de la lamotrigine concerne le risque cutané pouvant évoluer vers un syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson. Ce risque survient préférentiellement durant les huit premières semaines de traitement et impose un schéma d'augmentation progressive des doses sur plusieurs semaines à l'initiation du traitement ou en cas d'arrêt de plus de cinq demi-vies. Toute éruption cutanée ou autre signe évocateur impose la suspension du traitement.
Du fait des variabilités pharmacocinétique, le suivi thérapeutique pharmacologie est recommandé.
Item(s) ECN
64 : Troubles bipolaires de l’adolescent et de l’adulte74 : Prescription et surveillance des psychotropes
330 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l'adulte et chez l'enfant
Médicaments existants
Lamotrigine (à partir de 18 ans dans l'indication trouble de l'humeur)
Mécanismes d’action des différentes molécules
La lamotrigine bloque préférentiellement et de façon voltage-dépendante les canaux sodiques activés. Une possible action sur les canaux calciques et potassiques est évoquée. La lamotrigine pourrait réduire la transmission excitatrice du glutamate.
Effets utiles en clinique
La lamotrigine possède comme seule indication en tant que thymorégulateur la prévention des épisodes dépressifs chez les patients présentant un trouble bipolaire de type I et qui ont une prédominance d'épisodes dépressifs.
La lamotrigine est dépourvue d'efficacité antimaniaque. Sa place dans le traitement curatif de la dépression bipolaire est débattue, l'indication n'étant pas retenue dans son RCP mais certaines recommandations internationales comme la CANMAT positionnent tout de même la lamotrigine en première intention de cette situation.
La lamotrigine est peu voire pas associée à un risque tératogène pour les enfants exposés in utero comparativement aux autres anticonvulsivants. Cette donnée en fait une option de choix dans la prise en charge des femmes en âge de procréer / enceintes requierant d'un thymorégulateur par anticonvulsivant.
Pharmacodynamie des effets utiles en clinique
La physiopathologie des troubles bipolaires étant mal connue, la façon dont la lamotrigine exerce son action dans cette pathologie est incertaine bien que le blocage des canaux sodiques soit potentiellement impliqué.
Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique
La lamotrigine est rapidement et complètement absorbée au niveau intestinal avec un effet de premier passage hépatique négligeable. Le pic plasmatique est atteint environ 2,5 heures après l'administration orale de la lamotrigine. La nourriture retarde légèrement le pic de concentration plasmatique mais sans modifier la quantité absorbée.
Le taux de liaison de la lamotrigine aux protéines plasmatiques est de 55 % ; il est peu probable qu'un déplacement de la liaison de la lamotrigine aux protéines plasmatiques entraîne un effet toxique.
Les UDP-glucuronyltransférases ont été identifiées comme les enzymes responsables du métabolisme de la lamotrigine. La lamotrigine n'est pas métabolisée par les CYP 450 et n'est ni inducteur ni inhibiteur des enzymes de phase I.
La clairance de la lamotrigine est initialement métabolique avec l'élimination consécutive de dérivés glucuronoconjugués dans les urines. Moins de 10 % sont excrétés inchangés dans les urines. La demi-vie plasmatique apparente chez le sujet sain est estimée à approximativement 33 heures (valeurs limites allant de 14 à 103 heures).
La clairance de la lamotrigine peut être augmentée par 2 quand elle est associée à une contraception hormonale (risque d'inefficacité, nécéssité d'ajustement posologique). Les contraceptions séquencées (par exemple : 3 semaines d'hormones, 1 semaine de placebo) vont faire varier grandement les concentrations à l'équilibre au cours du mois.
Source de la variabilité de la réponse
Interactions médicamenteuses :
- avec les contraceptifs oraux : diminution des concentrations de lamotrigine. Il est donc conseillé d’éviter l’association à des contraceptifs oraux ou de privilégier une contraception non-séquencée. Pendant toute la durée de l’association, une surveillance clinique avec adaptation de la posologie de la lamotrigine est nécessaire.
- avec le millepertuis : diminution des concentrations plasmatiques et l’efficacité de la lamotrigine (contre-indication)
- avec les autres anti-épileptiques (mais cette situation ne devrait pas se présenter dans le cadre d'un traitement d'un trouble de l'humeur) :
. l’acide valproïque, et par extension le valpromide et le divalproate de sodium : augmentation des concentrations plasmatiques de lamotrigine et de sa toxicité.
. anti-épileptiques inducteurs enzymatiques (phénytoïne, phénobarbital, primidone, carbamazépine et par extension oxcarbazépine) : augmentation du métabolisme de la lamotrigine, pouvant conduire à un éventuel manque d’efficacité
Insuffisants hépatiques : réduction de la posologie de 50% en cas d'insuffisance modérée et 75% si insuffisance sévère
Insufffisants rénaux : des doses possiblement plus faibles peuvent être efficaces en cas d'insuffisance rénale terminale
Situations à risque ou déconseillées
En raison de la toxicité cutanée de la lamotrigine qui peut apparaître au cours de la mise en place du traitement, il est nécessaire de respecter strictement les doses initiales prescrites, les adaptations posologiques et les délais d’augmentation de posologie. En effet, l’augmentation trop rapide des doses ou une dose initiale trop importante favorise largement la survenue de ces réactions cutanées (principalement au cours des huit premières semaines de traitement).
La survenue d’une toxicité cutanée ou allergique doit conduire à l’arrêt de la lamotrigine et à sa contre-indication.
L’utilisation de la lamotrigine est possible pendant la grossesse. La supplémentation par l’acide folique quatre semaines avant la conception et huit semaines après ne semble pas avoir d’effets sur les folates. Une surveillance clinique et biologique est nécessaire puisque une diminution de ses concentrations plasmatiques est possible au cours de la grossesse avec nécéssité d'ajuster les posologies.
Précautions d’emploi
- Tout symptôme cutané (information au patient sur la conduite à tenir en cas d'éruption érythémateuse +/- prurit cutané) ou grippal peut être la révélation d’une hypersensibilité et doit conduire à la suspension du traitement et une consultation médicale.
L'augmentation des posologies dans l'indication trouble bipolaire (sans valproate et/ou inducteur de la glucuronidation) est de 25mg/j les deux premières semaines ; puis 50mg/j les deux semaines suivantes ; puis 100mg/j pendant une semaine et 200mg/j à partir de la 6ème semaine. La posologie générale est comprise entre 100 et 400mg/j. A noter que l'interruption du traitement sur une période dépassant cinq demi-vies impose la reprise du schéma initial d'augmentation progressive de la posologie.
- L’utilisation de la lamotrigine chez les patients insuffisants hépatiques ou rénaux doit être particulierement surveillée.
Effets indésirables
Les risques les plus importants avec la lamotrigine sont :
- les effets indésirables cutanés pouvant être graves, à type de Steven Johnson et syndromes de Lyell, plus particulièrement chez les enfants et le plus souvent durant les 8 premières semaines du traitement. Une augmentation trop rapide des doses favorise la survenue. La présence de symptômes muqueux (conjonctivite bilatérale, odynophagie, gingivite, etc.) associés à une fièvre sont prédictifs d'une évolution défavorable vers une nécroépidemermolyse toxique.
- les réactions d’hypersensibilité, qui peuvent se manifester par une fièvre, un malaise, des symptômes grippaux, une somnolence, une lymphadénopathie, des oedèmes faciaux et quelquefois par des dysfonctionnements hépatiques, une leucopénie et une thrombopénie. La conjonction avec une éruption cutanée est possible.
- des effets plus généraux à type d’œdème de Quincke, photosensibilité, diplopie, vision trouble, conjonctivite, étourdissement, somnolence, insomnie, maux de tête, ataxie, nistagmus, tremblements, fatigue, nausées, vomissements, irritabilité, agression, hallucination, agitation et confusion.
- des effets hépatiques, le plus souvent prévenus par une augmentation très progressive des doses.
Surveillance des effets
La surveillance des signes cutanés en début de traitement est indispensable et l'information doit être transmise au patient sur la nécéssité de suspendre la prise et de prendre un avis médical sans délai.
La variabilité inter et intra-individuelle des concentrations plasmatiques de lamotrigine font que son suivi thérapeutique pharmacologie est recommandé. L'index thérapeutique est [1–6 μg/ml] (valeurs différentes de l'indication épilepsie).