Diurétiques thiazidiques
Résumé de la fiche
Les diurétiques thiazidiques agissent au niveau du segment de dilution (segment proximal du tubule contourné distal). Ils induisent une augmentation de la diurése (moins puissante que les diurétiques de l'anse), de l'excrétion du sodium (natriurétiques) et du potassium (kaliurétiques). De ce fait, ils induisent une contraction des volumes extra-cellulaires qui peut conduire à une déshydratation extra-cellulaire, une insuffisance rénale fonctionnelle et une hypotension artérielle (en particulier orthostatique). Ils augmentent le risque d'hypokaliémie (diurétiques hypokaliémiants) et d'hyponatrémie.
Leur effet diurétique est moins rapide, moins puissant, plus progressif et plus prolongé que les diurétiques de l'anse et présentent un effet maximal limité quelque soit la dose.
Leur principale indication est l'HTA essentielle à fonction rénale conservée. Ils sont inactifs chez les insuffisants rénaux chroniques sévères.
Item(s) ECN
221 : Hypertension artérielle de l'adulte232 : Insuffisance cardiaque de l'adulte
254 : OEdèmes des membres inférieurs localisés ou généralisés
264 : Prescription et surveillance des diurétiques
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant
Rappel physiopathologique
Les diurétiques thiazidiques agissent par blocage du cotransport électroneutre Na+/Cl-, probénécide dépendant, au niveau du segment de dilution (segment proximal du tube contourné distal, figure 1).
Ils diminuent la clairance de l'eau libre, sans modifier le Tc H2o (pas d'effet sur le pouvoir de concentration urinaire mais limitation de capacité à éliminer des urines diluées)
Figure 1
Médicaments existants
- Hydrochlorothiazide (le plus prescrit et le plus utilisé)
- Apparentés aux diurétiques thiazidiques :
- Indapamide
- Chlortalidone
Mécanismes d’action des différentes molécules
Les diurétiques thiazidiques agissent par blocage du cotransport électroneutre Na+/Cl-, probénécide dépendant, au niveau du segment de dilution (segment proximal du tube contourné distal).
Ils induisent au niveau urinaire donc une hypernatriurie, une hyperkaliurie, une hyperchlorurie, une hypocalciurie, une augmentation de l’élimination d’H+ (acidification urinaire), une hypo-uricosurie (si le traitement est prolongé) et une perte en magnésium.
Au niveau sanguin, ils induisent principalement une hypokaliémie associée à une hyponatrémie.
Effets utiles en clinique
L'indication principale est l'hypertension artérielle (HTA) essentielle à fonction rénale conservée.
Les autres indications sont :
- Réduction des oedèmes de l’insuffisance cardiaque congestive (potentialisent les effets des diurétiques), de la cirrhose décompensée et d'origine rénaux
- Réduction du risque de récidive de la lithiase calcique
Les diurétiques thiazidiques n'ont aucune indication en urgence, à l'inverse des diurétiques de l'anse.
Ces médicaments sont en général associés à un régime pauvre en sel, dont ils partagent l'indication (HTA)
Pharmacodynamie des effets utiles en clinique
Les diurétiques thiazidiques dans un premier temps augmentent la natriurèse et diminuent la volémie. Cette déplétion sodée et cette diminution de la volémie sont responsables d’une baisse de la pression artérielle.
L'inhibition de la réabsorption de NaCl entraine également une stimulation indirecte de la réabsorption du Ca2+.
Leur action diurétique est :
- progressive, après un temps de latence,
- modérée (< 5% du flux tubulaire),
- prolongée,
- non dose dépendante,
- limitée par la diminution de la charge sodée, et la chute du débit de filtration glomérulaire
Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique
Résorption digestive |
Fixation protéique (%) |
Demi-vie plasmatique (h) |
Excrétion |
||
Hydrochlorothiazide |
80 % |
40% |
6-25 |
Urinaire (inchangé >95%) |
Retrouvé dans le lait maternel |
Indapamide |
> 90% |
40% |
18 |
Urinaire (inchangé 5%) |
|
Chlortalidone |
50-75% |
75% |
25-50 |
Urinaire 50% (inchangé 60%) |
Passe dans le lait maternel |
Source de la variabilité de la réponse
- Insuffisance rénale chronique
Les thiazidiques etaient dans le passé deconseillés dans l' insuffisance renale parce que suspectés de perdre leur efficacité, un concepte dementi par des essais cliniques et metaanalyses plus recentes. En particulier les diuretiques apparentés aux thiazidiques comme indapamide et chlortalidone sont considerés efficaces en presence d' un debit de filtration glomerulaire DFG <30 ml/min per 1.73m et conseillés par les recommandations KDIGO si le bloqueurs du SRAS et les inhibiteurs calciques ne sont pas suffisantes à attaindre la cible tensionnelle
- Interactions médicamenteuses
- Réponse des populations pathologiques particulières
Situations à risque ou déconseillées
- Hypovolémie et déshydradation extracellulaire (risque de majorer l'hypovolémie)
- Hypotension artérielle (risque de majorer l'hypotension)
- Hyponatrémie (risque d’aggravation)
- Association avec médicaments entraînant une hyponatrémie (IPP, antidépresseurs...)
- Hypokaliémie pré existante ou association avec autres médicaments hypokaliémiants ou bradycardisants (laxatifs par exemple, risque d'allongement de l'espace QT et de torsades de pointe)
- Association avec médicaments allongeant l’espace QT (risque de torsade de pointes)
- Insuffisance rénale chronique sévère (inefficacité)
- Goutte (hyperuricémie induite par les diurétiques)
- Patients traités conjointement par des médicaments néphrotoxiques et du lithium
- Encéphalopathie hépatique
- Grossesse et allaitement
- Diarrhée – vomissements (pertes extra rénales de sodium et de potassium)
Précautions d’emploi
- Chez le patient hypovolémique ou hypotendu
- En présence d'une hypokaliémie ou d'une hyponatrémie
- En association avec d'autres médicaments hypokaliémiants, allongeant le QT ou hyponatrémiants
- Association avec le lithium : risque d'augmentation des concentrations de lithium et donc de toxicité
Effets indésirables
- Communs à l'ensemble des diurétiques
- Hypotension artérielle et en particulier hypotension orthostatique chez le sujet agé
- Hyponatrémie (conséquence d'une déshydratation extracellulaire avancée, elle est due à une sécrétion d’ADH non osmotique (inappropriée), on parle d'hyponatrémie de déplétion)
- Hyperuricémie par augmentation de la réabsorption proximale et diminution de la sécrétion tubulaire d’acide urique à l'origine de crises de goutte
- Spécifiques aux diurétiques thiazidiques
- Hypokaliéme avec risque d'allongement du QT et de torsades de pointes
- Alcalose métabolique
- Diminution de la filtration glomérulaire, insuffisance rénale fonctionnelle, ce d’autant que des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et ou des anti inflammatoires non stéroïdiens (AINS) leurs sont associés
- Hypomagnésémie
- Hyperglycémie
- Anomalies du profil lipidique ( augmentation cholestérol total, triglycérides, LDL-cholestérol, diminution HDL-cholestérol)
- Réactions immunoallergiques (rare),
- Impuissance (rare)
- Spécifiques à l' hydrochlorothyazide
- Cancer de la peau non mélanome: Un risque accru de cancer de la peau non mélanome (CPNM) [carcinome basocellulaire (CB) et carcinome épidermoïde (CE)] avec une augmentation de la dose cumulative d'exposition à l'hydrochlorothiazide (HCTZ) a été observé dans deux études épidémiologiques issues du registre danois des cancers. Les actions photosensibilisantes de l’HCTZ pourraient constituer un mécanisme possible du CPNM. Les patients prenant de l’HCTZ doivent être informés du risque de CPNM et être invités à vérifier régulièrement leur peau pour détecter toute nouvelle lésion et à signaler rapidement toute lésion cutanée suspecte. Des mesures préventives possibles telles qu'une exposition limitée au soleil et aux rayons UV et, en cas d'exposition, une protection adéquate devraient être conseillées aux patients afin de minimiser le risque de cancer de la peau. Les lésions cutanées suspectes doivent être examinées rapidement, y compris éventuellement par un examen histologique des biopsies. L'utilisation d’HCTZ peut également devoir être reconsidérée chez les patients ayant déjà présenté un CPNM.
Surveillance des effets
- Surveillance régulière de l’hydratation extracellulaire (poids, oedèmes, tension artérielle, plis cutané)
- ECG réguliers pour surveiller les conséquences d’une hypokaliémie. Surveillance de l'intervalle QT, surtout en présence d'autres médicaments allongeant le QT
- Surveillance biologique : kaliémie, natrémie, créatininémie
- Surveillance clinique: lesions de la peau sous hydrochlorothyazide