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pharmaco-medicale

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Curares

Résumé de la fiche

La d-tubocuranine, substance de référence des curares non dépolarisants était utilisée pour ses propriétés paralysantes bien avant le développement de ses applications en anesthésiologie. 

En effet, cet extrait végétal purifié du Chondodendron tomensum était utilisé comme poison paralysant par les Indiens d’Amazonie et d’Amérique centrale. 

Après la description, par Claude Bernard, de son mécanisme d’action au sein de la jonction neuromusculaire, l’introduction de la d-tubocuranine en anesthésie a permis une véritable révolution de cette discipline. 

Si cette substance n’est plus utilisée, de nombreux curares non dépolarisants sont actuellement disponibles (atracurium, cisatracurium, mivacurium, pancuronium, rocuronium, vécuronium) permettant l’induction d’une myorelaxation par antagonisme compétitif de l’acétylcholine au niveau des récepteurs nicotiniques musculaires. 

Un curare dépolarisant de brève durée d’action, le suxaméthonium, permet d’obtenir les mêmes effets par genèse d’une dépolarisation persistante des récepteurs nicotiniques de la jonction neuromusculaire. 

L’utilisation de ces médicaments, indispensables dans bon nombre de procédures d’anesthésie, peut cependant être limitée par la survenue d’effets indésirables. La plupart des curares sont en effet susceptibles d’induire des réactions histaminoïdes voire un choc anaphylactique alors que le suxaméthonium peut être à l’origine de tableaux d’hyperkaliémie, de complications cardiovasculaires et plus rarement d’hyperthermie maligne. Il faut citer par ailleurs la possibilité d’un surdosage. 

Le surdosage en curare non dépolarisant, à l’exclusion du mivacurium, peut être corrigé par l’utilisation d’un anticholinestérasique injectable (néostigmine). 

En revanche, pour le suxaméthonium et le mivacurium, la curarisation anormalement prolongée peut résulter d’un déficit quantitatif ou qualitatif en pseudo-cholinestérase. En raison d’un effet inhibiteur partiel sur la pseudo-cholinestérase, la néostigmine va contribuer à l’aggravation du tableau clinique, imposant ainsi une prise en charge purement symptomatique. 

Pour l’ensemble de ces raisons, l’utilisation des curares est réservée aux anesthésistes et aux médecins qui en ont l’expérience. L’intensité et la durée des effets des curares s’avérant difficilement prévisible à l’échelon individuel, il est en outre conseillé d’effectuer un monitorage précis du bloc neuromusculaire par une méthode électrophysiologique.

Item(s) ECN

133 : Anesthésie locale, locorégionale et générale

Rappel physiopathologique

Les curares étaient utilisés de longue date, en particulier par les indiens d’Amazonie et d’Amérique centrale, mais ce n’est qu’au XIXe siècle que le physiologiste Claude Bernard a situé l’action de ces substances au niveau de la jonction neuromusculaire. 

En effet, l’observation chez l’animal de l’absence d’effet d’une stimulation nerveuse sur la contraction musculaire de muscles striés squelettiques après traitement par curare alors que celle-ci est possible lorsque le muscle lui-même est stimulé, permet de conclure à l’implication de la jonction neuromusculaire dans les effets de ces substances. 

Il faudra cependant attendre le XXe siècle et une connaissance plus précise de la physiologie de la jonction neuromusculaire (animation-jonction neuromusculaire), en particulier le rôle respectif de la libération de l’acétylcholine et l’activation des récepteurs nicotiniques musculaires, pour comprendre le mécanisme d’action précis des curares et distinguer les curares non dépolarisants des curares dépolarisants. 

Ainsi, comme nous le détaillons par ailleurs, les premiers agissent principalement par antagonisme spécifique de l’acétylcholine sur les récepteurs nicotiniques musculaires alors que les seconds induisent un état persistant de dépolarisation des récepteurs nicotiniques, mécanismes permettant un blocage complet de la transmission neuromusculaire et par conséquent une myorelaxation.

Médicaments existants

 6 médicaments sont actuellement disponibles pour l’anesthésie en France.

 On distingue, selon le mécanisme d’action, un curare dépolarisant, le suxaméthonium et 5 curares non dépolarisants : l’atracurium, le cisatracurium, le mivacurium (famille des benzylisoquinidines), le rocuronium et le vécuronium (curares stéroïdiens). 

Il est intéressant de rappeler par ailleurs qu’il existe un lien étroit entre la structure chimique de ces molécules et leur activité. 

En particulier, l’existence d’un ou plusieurs groupements ammonium quaternaire semble être important pour le développement de l’effet myorelaxant ainsi que pour la survenue de certains effets indésirables. Par exemple, le vécuronium qui n’est porteur que d’un seul de ces fragments, ne possède pas ou très peu d‘effets vagolytiques.

Mécanismes d’action des différentes molécules

Le principal mécanisme d’action selon lequel les curarisants non dépolarisants bloquent la transmission neuromusculaire est un antagonisme compétitif de la fixation de l’acétylcholine sur les récepteurs nicotiniques musculaires (animation-mécanisme d’action des curares). 

Dans ces conditions et à l’exclusion du mivacurium, l’utilisation d’un inhibiteur de l’acétylcholinestérase (néostigmine) va permettre d’augmenter la quantité d’acétylcholine présente au sein de la jonction neuromusculaire et par compétition de fixation sur les récepteurs nicotiniques permettre d’accélérer la disparition des effets myorelaxants. 

D’autres mécanismes d’action de ces curares restent discutés comme une diminution de la libération d’acétylcholine via l’activation des récepteurs cholinergiques pré-synaptiques ou encore la suppression de la dépolarisation musculaire par obstruction directe du canal ionique des récepteurs nicotiniques. Ces deux mécanismes permettraient de rendre compte de certains effets observés en clinique, à savoir respectivement l’affaiblissement progressif de la réponse musculaire et l’existence d’un affaiblissement post-tétanique. 

Le suxaméthonium, curare dépolarisant, induit quant à lui une paralysie par dépolarisation persistante des canaux sodiques de la jonction neuromusculaire (animation-mécanisme d’action des curares). Celle-ci résulte pour l’essentiel d’un effet acétylcholinomimétique direct conséquence de l’analogie structurale entre le suxaméthonium et l’acétylcholine. 

Le suxaméthonium pourrait aussi permettre le développement d’une dépolarisation prolongée via la libération massive d’acétylcholine par stimulation des récepteurs pré-synaptiques. 

Dans ce contexte, les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase n’ont pas d’effet, leur utilisation est d’autre part à même de prolonger les effets du suxaméthonium en diminuant sa dégradation par les pseudo-cholinestérases.

Effets utiles en clinique

Ces médicaments permettent, en particulier, d’induire un état de relaxation musculaire qui facilite l’intubation endo-trachéale et la ventilation artificielle contrôlée que celle-ci soit rendue nécessaire par un acte chirurgical ou qu’elle survienne au cours d’une situation de réanimation. Les curares permettent par ailleurs la réalisation d’anesthésies moins profondes, ce qui les rend particulièrement intéressant chez les patients à haut risque. Il convient de préciser enfin que la plupart de ces indications médicales sont valides à la fois pour l’adulte, l’enfant et le nourrisson.

 

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Les effets cliniques des curarisants sont la résultante directe de leurs effets bloquant sur la jonction neuromusculaire. Sur le plan clinique et électromyographique, il est néanmoins possible de caractériser les blocs consécutifs à l’utilisation d’un curare dépolarisant de ceux résultants de l’utilisation d’un curare non dépolarisant. 

Ainsi, l’administration de suxaméthonium est responsable d’un bloc dit de phase I qui associe : fasciculations musculaires préalables à la myorelaxation, bloc neuromusculaire rapide avec absence de toute réponse à l’électromyogramme, discret affaiblissement progressif de la réponse musculaire à des stimulations électriques répétées (stimulation par « trains de 4 », rapport T4/T1 supérieur à 70 %), absence d’affaiblissement progressif de la réponse musculaire lors d’une stimulation à haute fréquence (stimulation tétanique à 50 Hz), absence de facilitation post-tétanique (pas d’amélioration de la réponse musculaire à une stimulation isolée faisant suite à une stimulation tétanique), décurarisation rapide et spontanée, antagonisme partiel du bloc en cas d’administration préalable d’un curare non dépolarisant alors que l’utilisation d’un inhibiteur des cholinestérases va augmenté l’intensité de celui-ci. 

Du fait de la désensibilisation des récepteurs post-synaptiques et du blocage des récepteurs pré-synaptiques, ce bloc de phase I sera suivi d’un bloc dit de phase II. 

Le bloc de phase II est par ailleurs observé lors de l’administration d’un curare non dépolarisant et se caractérise par : l’absence de fasciculations préalables à la myorelaxation, l’affaiblissement de la réponse musculaire à une stimulation répétée (rapport T4/T1 < 30 %), l’épuisement tétanique de la réponse musculaire lors d’une stimulation haute fréquence, une facilitation post-tétanique (augmentation de la réponse musculaire à un stimulus isolé au décours d’une stimulation tétanique), la neutralisation du bloc par les inhibiteurs de cholinestérases, le renforcement du bloc par l’administration d’un curare dépolarisant. 

Enfin, l’administration d’une dose excessive de suxaméthonium (2 à 8 mg/kg) permet elle aussi l’apparition d’un bloc de phase II parfois précédé d’un bloc de transition caractérisé par l’affaiblissement modéré à prononcé de la réponse musculaire après stimulation par trains de 4 (rapport T4/T1 < 40-70%), une décurarisation spontanée rapide, peu ou pas d’effet des inhibiteurs de cholinestérases.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Très ionisées et hydrosolubles, ces molécules  ne traversent les membranes cellulaires que lentement. La distribution se limite ainsi à l’espace extra-cellulaire (volume de distribution 0,2 à 0,5 L/kg). 

L’une des particularités de ces produits est que l’effet pharmacologique survient en décalage par rapport au pic plasmatique obtenu après l’injection intra-veineuse. Ce phénomène d’hystérésis est d’autant plus prolongé que la dose est injectée lentement. 

Le délai d’apparition de l’effet dépend aussi d’autres facteurs tels que le type de curare utilisé (tableau 1), la dose administrée, l’importance de la perfusion musculaire ou encore la sensibilité des récepteurs. 

Le maintien de taux plasmatiques constants permet cependant la persistance d’une myorelaxation de qualité. La décurarisation dépend quant à elle de la vitesse à laquelle le curare quitte la jonction neuromusculaire que ce soit par redistribution vers d’autres tissus ou par élimination. 

Pour nombre des curares stéroïdiens non dépolarisants  ont un métabolisme hépatique et une élimination rénale alors que le métabolisme des curares de la famille des benzylisoquinolines est indépendant de la fonction hépatique et rénale (tableau 1). Concernant le suxaméthonium, sa distribution dans l’espace extra-cellulaire et aux jonctions neuromusculaires est rapide (tableau 1) alors que dans le même temps débute son hydrolyse dans le plasma par les pseudo-cholinestérases. Dans ces conditions, le suxaméthonium est rapidement dégradé en choline et en acide succinique et moins de 10 % de celui-ci est retrouvé inchangé dans les urines.

Tableau 1 : Pharmacocinétique des curares

Médicament

Début de l’effet (min)

Durée (min)

Mode d’élimination

Atracurium

2 – 4

30 – 40

Réaction de Hofmann* et hydrolyse de type estérasique indépendante des pseudo-cholinestérases

Cisatracurium

2 – 5

45 – 90

Réaction de Hofmann*

Mivacurium

2 – 4

12 – 18

Hydrolyse (pseudo-cholinestérases)

Pancuronium

4 – 6

120 – 180

Métabolisme hépatique

Élimination rénale

Rocuronium

1 – 2

30 – 40

Métabolisme hépatique

Élimination rénale

Suxaméthonium

1 – 1,5

6 – 8

Hydrolyse (pseudo-cholinestérases)

Vécuronium

2 – 4

30 – 40

Métabolisme hépatique

Élimination rénale

* Processus chimique qui survient à pH et T° physiologiques, les métabolites obtenus sont inactifs.

Source de la variabilité de la réponse

De nombreuses causes de variabilité inter- et intra-individuelles interviennent dans la réponse aux curares. 

On peut citer ainsi la concentration plasmatique (suxaméthonium), la constante d’affinité pour les récepteurs nicotiniques (curares non dépolarisants), l’excrétion urinaire (pancuronium, rocuronium, vécuronium), la perfusion musculaire, les troubles de l’équilibre hydro-électrolytique (suxaméthonium) ou acido-basique (atracurium, cisacurium), l’âge, les pathologies associées (insuffisance cardiaque) ou encore les interactions médicamenteuses (tableau 2). 

Ces nombreuses interactions médicamenteuses sont d’ailleurs particulièrement problématiques dans la mesure où l‘effet des curares peut être amplifié par de nombreux médicaments utilisés au cours de l’acte anesthésique.

Les médicaments potentialisant l'effet curarisant : anesthésiques volatiles, anesthésiques locaux (excepté pour le cisatracurium), certains antibiotiques (aminosides, myxines, lincosamides, les cyclines, clindamycine, spectinomycine), les antiarythmiques tels que le propranolol, la quinidine (excepté pour cisatracurium et suxaméthonium), les sels de lithium et de magnésium, le dantrolène (excepé pour cisatracurium et suxaméthonium)  et la kétamine.  L'effet du suxaméthonium est renforcé par les substances ayant une activité sur les cholinestérases  (cyclophosphamide, oestroprogestatifs contraceptifs oraux, chlorpromazine, procaïne, métoclopramide). L'effet des curares non polarisants peut être diminué par les inducteurs enzymatiques (carbamazépine, phénytoïne...).

D’autre part, l’association de curares non dépolarisants entre eux peut aussi contribuer à augmenter la durée du bloc neuromusculaire. 

Le suxaméthonium semble dans ce contexte avoir une place un peu particulière dans la mesure où son administration aura des effets différents selon qu’elle ait lieu avant ou après l’injection d’un curare non dépolarisant, conduisant le plus souvent à un bloc complexe qui rend par ailleurs difficile l’utilisation des inhibiteurs de cholinestérases à visée antagoniste. 

D’autre part, l’existence d’un déficit quantitatif (grossesse, nouveau-né, cancer évolutif, état infectieux…) ou qualitatif (anomalie génétique) en pseudo-cholinestérase pourra être responsable, en raison du défaut d’hydrolyse, d’une augmentation de la durée d’action de certains curares (mivacurium, suxaméthonium) et conduire ainsi à un état de curarisation anormalement prolongé. La curarisation prolongée est causée par une accumulation du curares et de ses métabolites actifs. Ceci peut être le cas des curares stéroïdiens chez les insuffisants hépatiques et rénaux.

Ainsi, la très grande diversité des facteurs de variabilité rend compte de la difficulté à prévoir de manière certaine chez un sujet donné la réponse aux curares, ce qui impose une grande prudence dans leur utilisation ainsi qu’une surveillance adaptée.

 

 

Situations à risque ou déconseillées

Quel que soit le curare, l’utilisation en est contre-indiquée en cas d’antécédent d’hypersensibilité à l’un des constituants. 

De même, une pathologie de la jonction neuromusculaire contre-indique théoriquement l’utilisation de ces médicaments. 

Il existe par ailleurs des contre-indications plus spécifiques. 

En effet, le suxaméthonium est contre-indiqué en cas d’antécédent personnel ou familial d’hyperthermie maligne. 

De même, le suxaméthonium ne peut être utilisé chez les patients présentant une maladie neuromusculaire, en particulier en cas de myopathie ou de maladie de Steinert. 

Son utilisation est aussi contre-indiquée chez les patients présentant une hyperkaliémie ou une situation à risque de fuite potassique (brûlures étendues, traumatisme musculaire grave, paraplégie ou hémiplégie récente,  tétanos, immobilisation prolongée, neuropathie de réanimation). L

’existence d’un déficit congénital ou acquis en pseudo-cholinestérase est une contre-indication à l’utilisation du suxaméthonium et du mivacurium. Ce dernier est par ailleurs contre-indiqué chez les nouveau-nés de moins de 2 mois. 

La grossesse et l’allaitement constituent des contre-indications relatives à l’utilisation des curares, en particulier de l’atracrium et du rocuronium. 

Enfin, le pancuronium doit être contre-indiqué ou utilisé avec une grande prudence chez les patients porteurs de pathologies cardiaques ou valvulaires.

Précautions d’emploi

Outre l’existence d’un risque d’hypersensibilité (atopie, asthme), la possibilité d’interactions médicamenteuses ou encore la présence d’une altération des fonctions hépatiques ou rénales, il existe quelques précautions d’emploi d’ordre pratique. 

En premier lieu, les curares ne peuvent être utilisés que sous la responsabilité d’un anesthésiste ou d’un médecin qualifié pour leur utilisation. Du matériel d’intubation trachéale, de ventilation et d’oxygénation artérielle doit être disponible. 

D’autre part, certains curares pouvant être dégradé par une réaction chimique dépendant des caractéristiques du milieu (atracurium, cisatracurium par exemple), certains solvants doivent être évités, en particulier les solvants alcalins comme le ringer lactate ou le mélange dans la perfusion avec du thiopental sodique, du kétorolac, du trométamol ou encore l’émulsion injectable de propofol. 

En revanche, les solutés glucosés ou de chlorure de sodium peuvent être utilisés sans problèmes particuliers. 

Pour le rocuronium, il convient d’éviter par ailleurs le mélange avec l’amoxicilline, l’amphothéricine, l’azathioprine, la céfalozine, la cloxacilline, la dexaméthasone, le diazépam, l’énoxamone, l’érythromycine, la famotidine, le furosémide, l’hydrocortisone, l’insuline, l’intralipide, le méthohexital, la prednisolone, le triméthoprime et la vancomycine. 

De manière générale, lorsque d’autres substances sont administrées dans la même tubulure que le curare, il convient de procéder à un rinçage soigneux avec un volume adéquat de solution intraveineuse adaptée, par exemple du chlorure de sodium.

Effets indésirables

Les effets indésirables des curares résultent pour partie de la modulation des récepteurs cholinergiques nicotiniques et muscariniques ainsi que de propriétés ganglioplégiques (tableau 3). 

Ainsi, par exemple, la tachycardie observée au décours de l’administration du pancuronium résulte de l’antagonisme des récepteurs muscariniques cardiaques. 

A l’inverse, le suxaméthonium, curare dépolarisant, possède une activité agoniste muscarinique qui explique les bradycardies et les troubles du rythmes parfois observés lors de l’injection de ce médicament. 

Il faut cependant tenir compte, dans la survenue de ces effets, de l’existence de facteurs favorisants, en particulier l’existence d’une hypoxie, d’une hypercapnie, la prise préalable de digitaliques, d’aminophylline ou encore l’utilisation conjointe d’halothane. 

Une prémédication par atropine permet le plus souvent de limiter la survenue de tels effets. Parmi les effets indésirables qui posent parfois d’importants problèmes, il convient de rappeler que la plupart des curares induisent la libération d’histamine par les mastocytes, favorisant ainsi des réactions histaminoïdes cutanées ou systémiques pouvant parfois conduire à un véritable choc anaphylactique. 

Il arrive aussi parfois que l’administration de curare, en particulier de mivacurium ou de suxaméthonium soit compliqué d’un tableau clinique de curarisation prolongé (déficit moteur et ventilatoire persistant plusieurs heures). 

Ces tableaux résultent d’un déficit en pseudo-cholinestérase parfois prévisible car secondaire à un état physiologique particulier (grossesse, nouveau-né) ou à un état pathologique (cancer évolutif, collagénose, infection). 

Parfois, en revanche, un tel événement s’avère totalement imprévisible car consécutif à un déficit qualitatif des pseudo-cholinestérases en rapport avec une anomalie génétique. De même, une complication grave mais rare du suxaméthonium, l’hyperthermie maligne, résulte elle aussi d’une anomalie génétique et s’avère, en dehors d’un contexte familial, difficilement prévisible.

Tableau 3 : Principaux effets indésirables des curares

Nature de l’effet

Médicament

Facteurs favorisants / commentaires particuliers

Traitement

Choc anaphylactique allergique

Tous les curares

Allergie croisée possible avec les autres curares

Traitement symptomatique

Réactions histaminoïdes cutanées ou systémiques

Tous les curares

Sévérité variable (éruption cutanée à choc)

Traitement symptomatique

Hyperthermie maligne

Suxaméthonium

Anomalie du gène codant pour le récepteur ryanodine musculaire (affection autosomique dominante)

Réanimation et dantroléne 

 

   

Traitement symptomatique

Bradycardie/tachycardie, troubles du rythme cardiaque, hypertension, œdème pulmonaire…

Suxaméthonium

Pancuronium 

Hypoxie, hypercapnie, acidose, niveau des catécholamines endogènes et exogènes, kaliémie, digitalisation, type d’acte chirurgical (niveau de stimulation du système végétatif)

Prévention par atropine

Traitement symptomatique

Curarisation résiduelle 

  Acidose, hypothermie, agents halogénés, insufficence rénale 

Décurarisation pharmacologique : néostigmine et sugammadex (pour curares stéroïdiens)

Spasme des masséters et bronchospasme

Suxaméthonium

L’intensité observée des fasciculations musculaires est prédictive du spasme des masséters

Traitement symptomatique

Augmentation de la pression intra-oculaire, intra-crânienne et gastrique

Suxaméthonium

 

Traitement symptomatique

Diminution de la pression intra-oculaire

Pancuronium

Effet parfois mis à profit en chirurgie oculaire

 

Convulsions

Atracurium

Traumatisme crânien, œdème cérébral, encéphalite virale, encéphalopathie hypoxique, urémie

Traitement symptomatique

Faiblesse musculaire / myopathies

Atracurium

Cisatracurium

Contexte de réanimation , de soins intensifs et/ou de corticothérapie

Traitement symptomatique

Surveillance des effets

L’administration d’un curare contribue finalement à créer un état pathologique. 

En raison de la difficulté à prédire la réponse du patient au traitement, il apparaît important d’évaluer avec précision et de manière continue la curarisation et ce tant au moment de l’utilisation du produit qu’au décours. De ce fait, en plus de la surveillance clinique, il est proposé un monitorage du bloc neuromusculaire par le recours à de petits stimulateurs neuromusculaires (par exemple, stimulation sur le trajet du nerf cubital et recueil en hypothénar). 

A partir d’un stimulus unique de 0,2 à 0,5 ms, on peut définir une intensité de stimulation supra-maximale, c’est à dire un niveau d’intensité supérieur à celui qui donne la réponse musculaire maximale (Twich maximal). 

Chez le patient conscient, on peut alors appliquer un train de 4 stimulations qui permettra d’évaluer la réponse au curare (rapport T4/T1 en particulier). 

On peut aussi appliquer une stimulation tétanique (stimulation à 50 Hz) qui a l’inconvénient d‘être douloureuse. Une telle méthode permet de gérer au mieux la période de curarisation, en particulier lorsque celle-ci se prolonge anormalement. 

Les dosages de curare n’ont en revanche aucun intérêt en pratique clinique.

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