Autres antirétroviraux
Résumé de la fiche
Item(s) ECN
173 : Prescription et surveillance des anti-infectieux chez l'adulte et l'enfantMédicaments existants
DCI
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Sigle
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Noms commerciaux
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Présentation
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Posologie
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Influence des repas
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Enfuvirtide
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T20
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FUZEON
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Solutions injectables
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Ad : 90 mg X 2/j en S.C.
Enfant > 6 ans : fonction du poids
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Pas d’objet (Administration
parentérale
uniquement)
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Maraviroc
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MVC
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CELSENTRI
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comprimés
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Ad : 150 - 600 mg X 2 en fonction des associations ave les autres ARV
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Pas d’influence
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Raltégravir
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RAL
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ISENTRESS
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comprimés
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Ad : 400 mg X 2
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Non significative du fait de la très grande variabilité PK
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Elvitégravir (+ cobicistat)
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EVG / Cobi
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STRIBILD
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comprimés
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Ad: 150 mg X 1
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Prise au cours d'un repas
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Dolutégravir
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DTG
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TIVICAY
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comprimés
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Ad : 50 mg X 1
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Non significative sauf si mutations de résistances (dans ce cas : prise au moment des repas)
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Mécanismes d’action des différentes molécules
1-Inhibition de l’entrée du VIH dans la cellule hôte
L'entrée du virus dans la cellule hôte est l’étape indispensable au processus infectieux qui commence par l’accrochage de la gp120 du virus sur le récepteur CD4 de la cellule hôte. Puis interviennent des co-récepteurs de la cellule hôte, CCR5 ou CXCR4, qui vont permettre l’insertion membranaire d’une autre protéine virale (la gp41) conduisant ainsi à la fusion entre enveloppe virale et membrane cellulaire. Elle comporte schématiquement 2 étapes presque simultanées, fixation de glycoprotéines de l’enveloppe du virus sur un récepteur de la membrane cellulaire puis fusion ponctuelle de leurs membranes, par l'intermédiaire de leurs protéines de surface, notamment :
2-Inhibition de l’intégrase
Le raltégravir, le dolutégravir, l'elvitégravir et le cabotégravir (sans doute disponible courant 2019) sont des inhibiteurs de l’activité catalytique de l’intégrase du VIH. Cette enzyme catalyse l’étape d’insertion et de transfert de l’ADN viral dans le génome de la cellule hôte. L’intégration du VIH dans le génome de la cellule hôte se fait en 3 étapes : la première est un « 3’processing » suivi de la formation d’un complexe de réintégration et enfin de l’étape de transfert de brin. L’inhibition de cette dernière étape conduit à la dégradation de l’ADN viral non intégré et bloque ainsi la réplication virale et l’infection de nouvelles cellules.
Effets utiles en clinique
L’objectif du traitement antirétroviral est de stabiliser l’infection dans un état d’équilibre immuno-virologique, sans réplication virale et sans évolution clinique. L’effet recherché à court terme est une réduction rapide de l’ARN plasmatique (« charge virale ») associée à long terme à une bonne tolérance et à une observance rigoureuse dans le but de maintenir une charge virale indétectable le plus longtemps possible. La restauration d’une réponse immune adaptée est également recherchée dans le but de protéger le patient des infections opportunistes. Pour cela, l’association de molécules de différentes classes pharmacologiques est la règle.
L’enfuvirtide est indiqué dans le traitement de l’infection par le VIH-1 en association avec d’autres antirétroviraux, chez les patients en échec à un traitement comprenant au moins un inhibiteur de protéases ou un analogue nucléosidique ou non nucléosidique de la transcriptase inverse ou avec une intolérance à ces traitements.
Le maraviroc est indiqué dans le traitement de l’infection par le VIH-1 à tropisme pur CCR5 chez l’adulte prétraité par des antirétroviraux et en association avec d’autres médicaments antirétroviraux.
Le raltégravir est indiqué dans le traitement de l’infection par le VIH-1 en association avec d’autres agents antirétroviraux, chez des patients adultes prétraités ayant une charge virale détectable sous traitement antirétroviral en cours. Cette famille comprend également le dolutégravir, l'elvitégravir et bientôt sans doute le cabotégravir
Le cabotégravir, en association avec la rilpivirine, un inhibiteur non-nucléosidique de la transcriptase inverse, pourrait être administré par voie intramusculaire une seule fois par mois.
Pharmacodynamie des effets utiles en clinique
Plusieurs études cliniques ont permis de démontrer l’efficacité de ces nouvelles molécules. Elles sont résumées ci-dessous.
Le raltégravir est une molécule puissante et rapidement efficace sur la charge virale. Les essais cliniques ont montré qu’elle peut induire une baisse de celle-ci de 2 log et plus en 2 à 4 semaines. En association à deux INTIs, près de 90% des patients naïfs de traitement ont une charge virale indétectable (< 50 cp/mL) en 24 semaines. Après 48 semaines de traitement, environ 86 % des patients sont toujours indétectables. Chez des patients en échec virologique avec une multirésistance, 60 % des patients ont une CV < 50 cp/mL à 16 semaines.
Le maraviroc inhibe la réplication des souches de laboratoire et d’isolats cliniques du VIH-1 à tropisme CCR5 dans des modèles d’infection aiguë des lymphocytes T. Cette inhibition s’avère puissante in vitro avec une CI90 à 2 nmole/L. Cet antirétroviral a un effet additif in vitro avec la plupart des autres antirétroviraux. In vivo, la concentration résiduelle de maraviroc dans le plasma est prédictive de l’efficacité thérapeutique. Des patients déjà traités par antirétroviraux et recevant du maraviroc ont montré une baisse d’environ 2 log de leur charge virale. Il existe une relation entre la valeur de la concentration résiduelle (> 75 ng/mL) et l’efficacité virologique.
L’enfuvirtide inhibe, in vitro, la réplication de l’HIV-1 dans les cellules mononuclées du sang du cordon ou du sang périphérique, dans les cellules dendritiques matures ou pas et dans les macrophages. La prédominance de l’un ou l’autre des co-récepteurs n’influence pas l’activité. De même, la résistance du virus aux autres antirétroviraux n’a as d’impact sur l’activité de l’enfuvirtide. Les essais cliniques chez des patients en échec ont confirmé la contribution positive de cet antirétroviral et cela d’autant plus que les molécules associées gardaient une certaine efficacité.
Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique
Tableau récapitulatif des données pharmacocinétiques concernant les 3 nouveaux ARV commercialisées en France
(1) paramètres moyens variant selon le site d’injection
(2) la prise avec repas lipidique réduit la biodisponibilité
(3) la prise d’un repas réduit la Cmax et augmente le Tmax sans modifier significativement l’exposition
Caractéristiques PK |
Enfuvirtide(1) |
Maraviroc |
Raltégravir |
Absorption |
- |
variable |
variable |
Biodisponibilité |
70 à 89% (s.c.) |
25 à 35% (selon dose)(2) |
Non déterminée (3) |
Tmax |
7 h |
O,5 à 4 h |
3h |
Cmax |
3 à 6 mg/L |
270 µg/L |
2,85 à 4,5 µmole/L |
Cmin |
1 à 3,4 mg/L |
35 µ/L |
60 à 109 nmole/L (à jeun) |
Volume de distribution |
4,4 à 6,6 l |
194 l |
Non déterminé |
Liaison aux protéines |
97% |
76% |
83% |
Passage LCR |
Très faible |
Assez bon |
Assez bon |
Métabolisme |
Peptidases (métabolite actif représentant 20% de l’activité) |
Hépatique CYP3A4 (métabolite inactif) |
UGT1A1 (essentiellement) + CYP450 (faiblement) |
Effet sur CYP |
Pas d’effet |
Peu d’effet |
Pas d’effet |
Elimination |
Hydrolysé en acides aminés |
Rénale (25%) et biliaire |
Rénale (7 à 14%) et biliaire |
½ vie d’élimination |
3 à 4 h |
14 à 18 h |
7 à 12h |
Source de la variabilité de la réponse
Le maraviroc est un substrat du CYP3A4. Son administration concomitante à des inducteurs du CYP3A4 peut diminuer ses concentrations et réduire son effet thérapeutique. A l’inverse, l’administration concomitante à des inhibiteurs de CYP3A4 peut entraîner une augmentation de la concentration plasmatique de maraviroc. En conséquence, un ajustement de la dose de maraviroc est recommandé en cas d’administration concomitante à des inhibiteurs ou des inducteurs puissants du CYP3A4.
- Inhibiteurs de CYP3A4 ayant entraîné des augmentations de la Cmax et de l’ASC et nécessitant une diminution de posologie du maraviroc (150 mg) : kétoconazole, association lopinavir/ritonavir, ritonavir, association darunavir/ritonavir, association saquinavir/ritonavir et atazanavir (accompagné ou non de ritonavir)
- Inducteurs de CYP3A4 ayant entraîné une diminution de la Cmax et de l’ASC et nécessitant une augmentation de la posologie du maraviroc (600mg) : rifampicine, éfavirenz et étravirine.
Le potentiel d’interactions médicamenteuses associé à une relation bien définie entre pharmacocinétique et réponse virologique laisse supposer l’intérêt du suivi thérapeutique par la mesure des concentrations plasmatiques du maraviroc chez les patients infectés par le VIH.
En revanche, le maraviroc n’a que peu d’effets sur les isoenzymes du cytochrome P450 et n’influe donc pas sur la biotransformation des médicaments métabolisés par celles-ci.
En cas d’atteinte rénale, un ajustement posologique n’est nécessaire qu’en cas de prise concomitante d’inducteurs ou d’inhibiteurs du CYP3A4.
La résorption digestive du raltégravir est éminemment variable, ce qui conduit à des variations significatives des paramètres d’absorption. La prise concomitante d’un repas a également un impact variable (selon la nature très lipidique ou pas de celui-ci) mais généralement peu significatif. Le métabolisme se faisant essentiellement par glucuro-conjugaison, peu d’interférences avec les molécules métabolisées par les CYP450 sont identifiées. En règle générale, les interactions avec les autres antirétroviraux sont plus rares et de moindre intensité. D’autre part, le raltégravir n’est ni inducteur, ni inhibiteur des CYP450 et de la P-gp. Des interactions significatives ont cependant été retrouvées avec l’atazanavir, surtout en présence de ritonavir, et avec l’efavirenz. D’autres, plus modestes, sont décrites avec l’étravirine ou le tipranavir. Il existe, par ailleurs, un polymorphisme génétique de l’UGT1A1 avec les porteurs de l’allèle UGT1A128/28 qui présentent une activité réduite de cette enzyme, sans conséquence clinique notable.
La faible biodisponibilité de l’enfuvirtide par voie sous-cutanée et le métabolisme par les CYP450 expliquent largement la variabilité pharmacocinétique observée. Il existe une surexposition relative des sujets de sexe féminin. L’enfuvirtide n’est ni inducteur, ni inhibiteur des CYP450 et n’est pas impacté par leur induction ou inhibition. De rares interactions ont été signalées, elles ne sont jamais cliniquement significatives.
Situations à risque ou déconseillées
Tableau récapitulatif des situations à risque et déconseillées concernant l’enfuvirtide, le maraviroc et le raltégravir
DCI |
Contre-indications |
Situations à risque |
Situations déconseillées |
Enfuvirtide |
Insuffisances hépatique ou rénale |
Grossesse |
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Maraviroc |
Patients infectés par des virus à tropisme CXCR4 |
Tuberculose ou infection fongique invasive |
Non recommandé chez l’enfant (absence de données) |
Raltégravir |
Patients dont le traitement antiviral associé n’est plus efficace. Atteintes hépatiques sévères |
Co infections avec les virus VHB et VHC
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Précautions d’emploi
-Maraviroc :
-Le maraviroc doit être exclusivement administré en association avec d’autres antirétroviraux.
-Les adultes exclusivement infectés par le VIH-1 à tropisme CCR5 (ou du moins dont l’essentiel de la population virale présente ce tropisme, CXCR4 minoritaire) devraient prendre du maraviroc. Avant la mise en place du traitement, il est nécessaire de confirmer que seul le VIH-1 à tropisme CCR5 est détecté à l’aide d’une épreuve de tropisme à haute sensibilité.
Le maraviroc n’est pas recommandé chez les patients infectés par le VIH-1 à tropisme CXCR4 ou à tropisme double/mixte en raison de son inefficacité au cours d’une étude de phase II.
-Des cas d’hépatotoxicité ont été signalés chez des patients recevant du maraviroc. Cette hépatotoxicité peut être précédée d’une réaction allergique systémique, comprenant des éruptions cutanées et des démangeaisons, une éosinophilie ou un taux élevé d’IgE. En cas d’hépatite aiguë ou de réaction allergique, l’arrêt du traitement doit être envisagé. L'expérience chez les patients avec une fonction hépatique altérée est limitée, par conséquent, le maraviroc doit être utilisé avec prudence dans cette population.
-Le maraviroc doit être utilisé avec prudence en cas d’antécédents d’hypotension orthostatique ou de médicaments associés connus pour abaisser la tension.
-Les antagonistes du CCR5 pourraient potentiellement diminuer la réponse immunitaire à certaines infections. Cela doit être pris en considération lors du traitement de certaines infections (tuberculose, infection fongiques systémiques). Les données d'utilisation du maraviroc sont limitées chez les patients présentant une pathologie cardiovasculaire sévère, en conséquence des précautions particulières doivent être prises lors du traitement de ces patients.
-Raltégravir :
Du fait de sa barrière génétique relativement faible, le raltégravir doit être utilisé en association avec d'autres agents antirétroviraux actifs.
-Les patients ayant un dysfonctionnement hépatique préexistant, y compris une hépatite chronique, présentent une fréquence plus élevée d'anomalies de la fonction hépatique en cas de traitement par des associations antirétrovirales et doivent être surveillés Les données sur l'utilisation du raltégravir chez les patients co-infectés par le VIH et le virus de l'hépatite B (VHB) ou le virus de l'hépatite C (VHC) sont très limitées. Il y a un risque plus élevé d'effets indésirables hépatiques sévères et potentiellement fatals chez les patients atteints d'une hépatite B ou C, traités par une association antirétrovirale. La sécurité d'emploi et l'efficacité du raltégravir n'ont pas été établies chez les patients ayant des troubles hépatiques sévères sous-jacents. L’utilisation chez les patients ayant une insuffisance hépatique sévère doit se faire avec prudence.
-Enfuvirtide :
-Il n'y a pas de données chez les patients à fonction hépatique altérée.
-Les données sont limitées chez les patients présentant une insuffisance rénale modérée à sévère, ainsi que chez les patients dialysés. L’enfuvirtide doit être utilisé avec précaution dans ces populations.
-Des études chez l'animal ont montré que l'enfuvirtide pouvait perturber certaines fonctions immunes Dans les essais cliniques, une augmentation de la fréquence de certaines infections bactériennes, notamment un taux plus élevé de pneumonie, a été observée chez des patients traités par cet antirétroviral, toutefois, un risque accru de pneumonie bactérienne lié à l'utilisation de l’enfuvirtide n'a pas été confirmé par les données épidémiologiques ultérieures.
Effets indésirables
DCI
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Nature de l’effet indésirable
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En savoir plus sur l’effet indésirable
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Enfuvirtide
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Troubles infectieux | Infections bactériennes |
Troubles cutanés | Nodules au point d’injection | |
Maraviroc
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Troubles gastro-intestinaux | Diarrhée, douleur abdominale, nausée |
Troubles de la nutrition et du métabolisme |
anorexie
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Troubles généraux | Fatigue, céphalées, vertiges, toux | |
Affections psychiatriques | Dépression, insomnie | |
Anomalie biologique de la fonction hépato-biliaire | Elévation ALAT, ASAT, hyperbilirubinémie, élévation gammaGT | |
Raltégravir
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Perturbations hépatiques
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Augmentation des transaminase
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Atteinte musculaire |
Augmentation des CPK (rhabdomyolyse exceptionelle)
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Affections de la peau et du tissu sous-cutané | Rash cutané | |
Affections du système nerveux | Fréquents : sensation vertigineuse, céphalées |
Surveillance des effets
Effets souhaités
L’objectif principal du traitement est l’obtention d’une charge virale indétectable le plus rapidement possible associée à une remontée des CD4. La surveillance repose donc sur le suivi immunovirologique régulier (à M1, M3 puis tous les 3 mois) de la charge virale et du taux de CD4.
Le dosage plasmatique (suivi thérapeutique pharmacologique) contribue également à une bonne prise en charge des patients. En particulier, un ajustement de la dose de maraviroc est recommandé en cas d’administration concomitante à des inhibiteurs ou des inducteurs puissants du CYP3A4. In vivo, la concentration résiduelle de maraviroc dans le plasma est prédictive de l’efficacité thérapeutique. Il existe une relation entre la valeur de la concentration résiduelle (> 75 ng/mL) et l’efficacité virologique.
Effets non souhaités
En raison des cas d’hépatotoxicité déjà décrits avec le maraviroc et le raltégravir, un suivi biologique de la fonction hépatique est souhaitable pendant le traitement.
De même, comme des atteintes musculaires peuvent être observées avec le raltégravir, un suivi des CPK est également souhaitable pendant le traitement.
En dehors des patients présentant un dysfonctionnement hépatique pré-existant, la surveillance de la fonction hépatique lors de traitement par enfuvirtide n’est pas nécessaire.