*Antistaphylococciques (généralités)
Résumé de la fiche
1. Staphylocoque
Définition : Cocci Gram positif de 1 µm de diamètre formant des amas en forme de grappe de raisin (staphylo en grec signifie raisin).
Les 2 principales espèces pathogènes sont :
- S. aureus (coagulase positive), également appelé staphylocoque doré, colonisateur occasionnel de l'Homme, son gite principal est le nez, il est à l'origine d'infection suppuratives ou toxiniques
- S. epidermidis (coagulase négative) fait partie du microbiote cutané de l'Homme, il est généralement impliqué dans des infections associées aux soins
Le staphylocoque peut devenir pathogène lors :
- de la pénétration du germe dans l’organisme après rupture de la barrière cutanée (brûlure, blessure, cathéter…)
- de la rupture de l’équilibre hôte-bactérie (virose, diabète, antibiothérapie…)
S. aureus présente de nombreux facteurs de virulence (adhésines, protéines d'échappement immunitaire, toxines...)
La production d’exoenzymes et de toxines est à l'origine d'infections tissulaires nécrosantes
La transmission est principalement interhumaine directe (dissémination manuportée)
2. les antibiotiques antistaphylococciques
Les antistaphylococciques de référence sont les pénicillines M (oxacilline, cloxacilline) - lien sur la fiche des ß-lactamines) , les glycopeptides (vancomycine, teicoplanine) - lien sur la fiche des glycopeptides).
D’autres sont utilisés pour leur administration orale et/ou leur bonne diffusion tissulaire ( fluoroquinolones - lien sur la fiche quinolones - oxazolidinones, lincosamines, lien sur la fiche lincosamines oxazolidinones , fosfomycine - lien sur la fiche fosfomycine, daptomycine, rifampicine - lien sur la fiche rifampicine, acide fusidique). - lien sur la fiche acide fusidique
3. Résistance
La méticilline permet de classer la résistance du staphylocoque en S. aureus résistant à la méticilline (SARM) et S. aureus sensible à la méticilline (SAMS).
Les SARM font partie des bactéries multirésistantes (BMR)
En France :
95% des S. aureus sont résistants à la pénicilline G et A par production d'une pénicillinase.
La résistance de S. aureus à la méticilline concerne principalement le milieu hospitalier. En 2021, 11% des souches de S. aureus sont résistantes à la méticilline en France.
Les souches de SARM sont également résistantes aux autres bétalactamines et fréquemment aux fluoroquinolones et aux macrolides.
Parmi les aminosides, 94% des SARM sont sensibles à la gentamicine.
Les SARM sont généralement sensibles aux glycopeptides. On estime la prévalence des souches de sensibilité intermédiaire à la vancomycine (VISA) à 6% en France.
4. Choix thérapeutique
En dehors des infections cutanéo-muqueuses non compliquées ne présentant pas d'indication à une antibiothérapie, un prélèvement bactériologique avec antibiogramme est nécessaire avant d’entreprendre le traitement. L’antibiothérapie peut être démarrée avant le résultat bactériologique sur une base probabiliste, en particulier pour les infections cutanéomuqueuses compliquées ou les infections profondes.
L’antibiothérapie probabiliste est choisie en fonction du terrain du patient (fonction rénale, poids, pathologie sous-jacente, gravité de l’infection, présence de localisations secondaires), de l’origine privilégiée de la bactérie (communautaire ou nosocomiale) et de l’écologie du service ( communautaire : Méti-S. Si nosocomiale : Méti-R, notion d'infection associée aux soins).
Le traitement doit ensuite être adapté à l’antibiogramme selon le profil de sensibilité de la souche identifiée et sa concentration minimale inhibitrice (CMI) si déterminée.
La porte d'entrée doit idéalement être éradiquée (ablation matériel, cathéter…).
Les fluoroquinolones, la fosfomycine, l’acide fusidique, les aminosides et la rifampicine ne doivent pas être utilisées en monothérapie.
Tableau 1 : Résistance aux antibiotiques du staphylocoque
CMI (mg/L) |
||
Sensibles |
Résistant |
|
Oxacilline (S. aureus, lugdunensis et saprophyticus) |
≤ 2 |
>2 |
Vancomycine |
≤ 2 |
> 2 |
Linezolide | ≤ 4 | >4 |
Ciprofloxacine/Lévofloxacine (S. aureus) | ≤ 0.001 | >1 |
Fosfomycine | ≤ 32 | > 32 |
Acide fusidique |
≤ 1 | > 1 |
Cotrimoxazole | ≤ 2 | >4 |
Daptomycine | ≤ 1 | > 1 |
Clindamycine | ≤ 0.25 | >0.25 |
5. En pratique hospitalière
Evaluer la sensibilité à la méticilline puis aux fluoroquinolones et aux macrolides.
Si souche Méti-S : pénicilline M +/- gentamicine selon le site infectieux et présence ou non de matériel
Si souche Méti-R : pas de béta-lactamines (hors ceftaroline/ceftobiprole) Glycopeptides pouvant être associés à la gentamicine ou un autre antibiotique par voie parentérale selon l’antibiogramme, le site infectieux et présence ou non de matériel
6. Suivi thérapeutique pharmacologique
Permet d’améliorer l’efficacité et de prévenir la toxicité.
Pour les bêta-lactamines : activité bactéricide temps-dépendante, index PK/PD : %fT>CMI
Pour la daptomycine : activité bactéricide concentration-dépendante, index PK/PD Cmax/CMI
Pour les glycopeptides : activité bactéricide exposition-dépendante : index PK/PD : AUC/CMI
Pour le linézolide : activité bactériostatique exposition-dépendante : index PK/PD : AUC/CMI
Pour les fluoroquinolones : activité bactéricide exposition-dépendante : index PK/PD: AUC/CMI
Pour la rifampicine : activité bactériostatique concentration-dépendante, index PK/PD Cmax/CMI
Pour la clindamycine : activité bactéricide temps-dépendante, index PK/PD : %fT>CMI
Item(s) ECN
177 : Prescription et surveillance des anti-infectieux chez l’adulte et l’enfant330 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant
152 : Endocardite infectieuse
156 : Infections ostéo articulaires (IOA) de l’enfant et de l’adulte
157 : Bactériémie/Fongémie de l’adulte et de l’enfant
155 : Infections cutanéo-muqueuses et des phanères, bactériennes et mycosiques de l’adulte et de l’enfant
Rappel physiopathologique
Le staphylocoques dorés colonisent environ 30% de la population générale.
. Dans certaines conditions le staphylocoque peut devenir pathogène ou contaminer d’autres individus par:
- pénétration de la bactérie dans l’organisme après rupture de la barrière cutanée (blessures, injections, interventions, brûlures…)
- rupture de l’équilibre hôte/bactérie à la suite de certaines circonstances (diabète, alcoolisme, antibiothérapie à large spectre …)
Dans les deux cas, il en résulte une infection due à la multiplication bactérienne et la production d’enzymes et/ou de toxines. Ceci explique l’extension de l’infection pouvant aboutir à un sepsis ou un choc septique mais aussi l’apparition de localisations secondaires. Ces "métastatases septiques" peuvent entretenir une bactériémie.
Figure 1 : physiopathologie des infections stapylococciques
Figure 2 : principales localisations des infections staphylococciques
Staphylococcies cutanéomuqueuses : impétigo, folliculite, furoncle, anthrax, rash scarlatiniformes dans le syndrome de choc toxique, syndrome de Lyell staphylococcique
Staphylococcies ostéoarticulaires : ostéomyélite aiguë, infection ostéo-articulaires
Staphylococcies pleuropulmonaires : le plus souvent chez le nourrisson
Bactériémies/endocardites staphylococciques
Staphylococcies toxiniques : ingestion d’entérotoxine préformée dans l’aliment, syndrome de choc toxique ou Toxic Shock Syndrome (toxine TSST-1) (fièvre, rashs cutanés, diarrhée).
Médicaments existants
- Pénicillines M (oxacilline, cloxacilline), cefazoline, ceftaroline, ceftobiprole lien sur la fiche betalactamines
- Glycopeptides (vancomycine, teicoplanine) lien sur la fiche glycopeptides et lipoglycopeptides (dalbavancine)
- Daptomycine lien sur la fiche daptomycine
- Fluoroquinolones, (ciprofloxacine, lévofloxacine) lien sur la fiche quinolones
- Aminoglycosides (gentamicine) lien sur la fiche aminosides
- Fosfomycine lien sur la fiche fosfomycine
- Acide fusidique lien sur la fiche acide fusidique
- Lincosamides (clindamycine) lien sur la fiche synergistines lincosamides
- Synergistines (pristinamycine, lien sur la fiche synergistines lincosamides
-Sulfamides (cotrimoxazole, lien sur la fiche sulfamides)
Effets utiles en clinique
|
|||||
Cible |
Indications |
||||
Oxa/cloxacilline Cefazoline |
SAMS |
Endocardite Infections ostéoarticulaires (aigu) Infection peau et tissus mous |
|||
Vancomycine/teicoplanine (dalbavancine) | SARM | Infections ostéoarticulaires Endocardite |
|||
Daptomycine |
SAMS SARM |
Endocardite Infections ostéoarticulaires Infection peau et tissus mous |
|||
Fosfomycine |
SARM |
Utilisation possible en association Méningite |
|||
Linézolide | SARM |
Infections peau et tissus mous Infections bronchopulmonaires Utilisation possible : infections ostéoarticulaires |
|||
Cipro/lévofloxacine | SAMS |
Pneumopathies Infections compliquées de la peau et tissus mous Infections ostéoarticulaires (relais) |
|||
Acide fusidique |
SARM |
Utilisation possible en association (relais) Infections ostéoarticulaires Infections peau et tissus mous |
|||
Clindamycine |
SAMS SARM |
Infections peau et tissus mous (association selon sensibilité de la souche à l'erythromycine) |
|||
Rifampicine |
SAMS SARM |
Infections ostéoarticulaires sur matériel en association, (relais) Infections ostéoarticulaires en association, (relais) |
|||
Cotrimoxazole | SARM | Utilisation possible sur infections urinaires, respiratoires, cutanées | |||
Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique
Tableau 2 : pharmacocinétique des antistaphylococciques |
Source de la variabilité de la réponse
Tableau 3 : Interactions médicamenteuses | ||
Médicaments |
Principaux facteurs aggravant |
|
Oxa/cloxacilline Céfazoline |
Pas d’interaction connue | |
Vancomycine/teicoplanine | Amikacine, gentamicine, tobramycine : majoration du risque de survenue d'une néphrotoxicité en cas de surexposition | Insufficance rénale |
Daptomycine | Statines : risque de rhabdomyolyse en cas de co-administration avec des statines | |
Fosfomycine | Pas d’interaction connue pour la forme IV | |
Linézolide |
Cotrimoxazole : risque majoré de myelosuppression Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine en cas de co-administration : risque de syndrome sérotoninergique ( inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, antidépresseurs tricycliques, agonistes des récepteurs 5HT1 sérotoninergiques (triptans), inhibiteurs de la monoamine oxydase A ou B |
|
Ciprofloxacine/lévofloxacine |
Risque d'allongement de l'intervalle QT en cas d'association à un médicament connu pour allonger le QT Cations bivalents : risque de chélation des fluoroquinolones en cas de prise concomitante (diminution drastique de l'absorption) |
|
Acide fusidique |
Statines : une coadministration majore le risque de survenue d'effets indésirables des inhibiteurs d'HMG-CoA réductase, en particulier pour les statines métabolisées par le CYP3A4 |
Insuffisance hépatique |
Clindamycine | Risque de modification de l'exposition en présence d'inducteurs ou inhibiteurs du CYP 3A4 | |
Rifampicine |
Médicament substrats du CYP1A2, CYP3A4, CYP3A5, CYP3A7, CYP2C9, CYP2C19, UGT, de la PgP. L’administration concomitante de la rifampicine avec les substrats de ces enzymes/transporteurs peut entraîner une diminution drastique de l'exposition en molécule mère et une forte augmentation des métabolites pour les substrats des CyP et/ou UGT Diminution de l'exposition à l'acide fusidique au linézolide et à la clindamycine en cas de co-administration |
|
Cotrimoxazole |
Linézolide : risque majoré de myelosuppression |
âge élevé |
Effets indésirables
Tableau 4 : Profil de securité des antistaphylococciques | |||
Effets indésirables |
Surveillance |
Conduite à tenir |
|
Oxa/cloxacilline Céfazoline |
néphrototoxicité neurotoxicité |
fonction rénale | |
Acide fusidique | Troubles digestifs pour la forme orale Veinite, thrombophlébite au lieu d’injection Ictère avec hyperbilirubinémie avec ou sans augmentation des PAL |
fonction hépatique | |
Vancomycine
Teicoplanine |
Réactions anaphylactoïdes : rash cutané, red man syndrom Néphrotoxicité Néphrotoxicité |
vitesse de perfusion fonction rénale fonction rénale
|
Perfusion a minima sur 60 min Eviter association aux médicaments néphrotoxiques Eviter association aux médicaments néphrotoxiques
|
Daptomycine |
augmentation des CPK pneumopathie a éosinophile (rares cas) |
surveillance CPK | éviter l'association avec d'autres myotoxiques |
Linézolide |
toxicité hématologique acidose lactique neuropathies
|
NFS lactates sanguins fonction rénale
|
surveillance rapprochée en cas de durée traitement prolongée |
Ciprofloxacine/lévofloxacine |
toxicité neurologique
affections cardiaques (allongement QT)
affections musculo-squelettiques |
ECG |
Eviter association aux médicaments allongeant le QT Discuter la réalisation d'un ECG avant l'initiation du traitement |
Fosfomycine |
Veinite |
Ionogramme sanguin |
Perfusion lente sur 4h |
Clindamycine | Troubles digestifs | ||
Rifampicine | Troubles digestifs | ||
Cotrimoxazole |
Toxicité hématologique Réaction cutanée |
NFS | Eviter l'administration d'autres myélotoxiques |
Surveillance des effets
Tableau 5 : suivi thérapeutique pharmacologique des antistaphyloccociques | ||||||
Voie et posologie Recommandée |
Mesure des concentrations recommandée |
AUC (mg.h/L |
Cmax (mg/L) |
Cmin (mg/L) |
Css perfusion continue (mg/L) |
|
cefazoline | jusqu'à 80-100 mg/kg IV (adaptation selon la fonction rénale) | Oui | 20-80 (en l'absence de documentation) | 20-80 (en l'absence de documentation) | ||
oxa/cloxacilline
|
jusqu'à 100-200 mg/kg IV (adaptation selon la fonction rénale) | Oui | 20-50 (en l'absence de documentation) | 20-50 (en l'absence de documentation) | ||
acide fusidique |
PO : (3x500 mg) IV : 20 mg/kg/j en 3 fois |
Non | ||||
vancomycine |
IV Dose de charge : 15 mg/kg sur 60 min En discontinue : 15-20 mg/kg/j en continue : jusqu'à 30-60 mg/kg/j (adaptation à la fonction rénale) |
Oui |
15-20 (en l'absence de documentation)
<40 (toxicité) |
15-25 (en l'absence de documentation) <40 (toxicité) |
||
teicoplanine |
IV, IM Dose de charge : 6 mg/kg/12h pendant 48h Entretien : jusqu'à 6 mg/kg/j (adaptation à la fonction rénale) |
Oui | 10-30 (en l'absence de documentation) | |||
daptomycine |
IV 10 mg/kg/j
|
Oui | 60-100 (en l'absence de documentation) | <25 (toxicité) | ||
fosfomycine |
IV, 8 à 16 g/j (4g en 4h), adaptation à la fonction rénale |
Non |
- |
- |
- |
|
linézolide | IV, PO jusqu'à 600 mg*2/j, adaptation à la fonction rénale | Oui |
>2 (efficacité en l'absence de documentation) <7 (toxicité) |
|||
ciprofloxacine/levofloxacine | IV, PO jusqu'à 750 mg*2/j (ciprofloxacine), jusqu'à 500 mg*2/j (lévofloxacine), adaptation à la fonction rénale et au poids | Oui | >110 en l'absence de documentation (efficacité) | |||
cotrimoxazole | IV, PO jusqu'à 3200/640 mg/j répartis en deux prises par jour, adaptation à la fonction rénale | Oui | sulfamethoxazole/triméthoprime < 200/8 ( seuil de toxicité généralement admis) | |||
rifampicine | IV, PO jusqu'à 10 mg/kg en une à deux prises par jour (PO) | Oui | 8-24 (efficacité) | |||
clindamycine | IV, PO 400 à 900 mg*3/j, adaptation au poids | Oui | >2 (en l'absence de documentation) |
Tableau 5 : suivi thérapeutique pharmacologique des antistaphyloccociques