*Antipsychotiques : Les points essentiels
Résumé de la fiche
Les antipsychotiques représentent une classe pharmacologique dont le plus petit dénominateur commun est d'être des antagonistes des récepteurs D2. La synthèse de la chlorpromazine, dans le début des années cinquante et son utilisation en psychiatrie ont révolutionné la prise en charge des malades psychotiques et fondé la psychopharmacologie.
Ces molécules peuvent être classées selon leur structure chimique. Il existe également d'autres classifications qui s'appuient sur leur spectre pharmacologique (liaison aux autres sous-types de récepteurs dopaminergiques, ou aux récepteurs sérotonergiques, cholinergiques, adrénergiques, histaminergiques...) ou leur profil thérapeutique (incisifs, sédatifs...). La distinction la plus importante est de différencier les antipsychotiques dits classiques (aussi appelés neuroleptiques du fait de leurs effets indésirables), de ceux appelés atypiques. La dichotomie d'antipsychotiques atypique versus typique faisant débat, on parle désormais plus facilement d'antipsychotiques de 1ère et de 2nde génération (AP1G et AP2G).
Les antipsychotiques sont prescrits pour le traitement étiologique des psychoses de l'adulte, en particulier schizophréniques, mais la meilleure acceptabilité des nouvelles molécules permet un élargissement de leurs indications vers l'enfant (psychoses et schizophrénie infantile, autisme) et la personne âgée (agitation, agressivité, troubles psychocomportementaux des démences en traitements courts), par exemple.
Le chapitre des effets indésirables est dominé par les effets neurologiques, en particulier extrapyramidaux consécutifs au blocage des récepteurs dopaminergiques des voies nigrostriées, moins fréquents cependant avec les nouvelles molécules. D'autres effets indésirables sont souvent mal acceptés et peuvent conduire à l'interruption du traitement (prise de poids, troubles de la libido). L'allongement du QTc et le risque cardiovasculaire font l'objet d'une préoccupation particulière. L'agranulocytose, induite avec une fréquence de 1 % par la clozapine, nécessite une surveillance hématologique réglementée.
Item(s) ECN
74 : Prescription et surveillance des psychotropes (R2C)330 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant (R2C)
63 : Trouble schizophrénique de l’adolescent et de l’adulte (R2C)
64 : Trouble bipolaire de l’adolescent et de l’adulte (R2C)
65 : Trouble délirant persistant (R2C)
Rappel physiopathologique
Comprendre les propriétés pharmacologiques des différents antipsychotiques permet une utilisation rationnelle de chacun d’entre eux selon leurs interactions avec les neurotransmetteurs, ces interactions expliquant à la fois les effets cliniques recherchés et les effets indésirables.
L'implication du système dopaminergique dans la schizophrénie a été postulée dès 1963 par Carlsson et Lindqvist. Les principaux arguments en faveur du rôle prédominant de la dopamine dans cette pathologie s'appuient (figure 1) :
- sur les effets cliniques : il n'existe pas actuellement de médicament actif dans ces maladies qui ne soit pas antagoniste des récepteurs D2 (même si ce n'est pas toujours le récepteur pour lequel elle présente la plus grande affinité). Toutes les tentatives pour développer des antipsychotiques ciblés sur le système sérotonergique ou sur d’autres sous-types de récepteurs dopaminergiques, sans activité anti-D2 ont échoué.
- sur les effets cliniques des agonistes dopaminergiques, directs ou indirects, qui, aggravent les symptômes de ces patients,
- sur les effets des drogues dont le mécanisme d'action principal est d'augmenter les concentrations synaptiques de la dopamine (amphétaminiques, cocaïniques, cannabiniques, ...) et qui peuvent induire des pharmacopsychoses, avec états délirants aigus mimant certains symptômes de la schizophrénie,
- et plus récemment sur les données de l'imagerie cérébrale obtenues chez l'homme.
Ces arguments conduisent à formuler l'hypothèse que la symptomatologie productive, dite positive (délires, hallucinations, agitation...), observée chez ces malades serait liée à un hyperfonctionnement dopaminergique de la voie mésolimbique allant de l'aire tegmentale ventrale au système limbique. Ce mécanisme serait le même pour la psychose pharmaco-induite et les épisodes maniaques. L’hyperactivité des neurones dopaminergiques peut également jouer un rôle dans les symptômes agressifs des patients schizophrènes.
A l’inverse, les symptômes cognitifs et négatifs primaires de la schizophrénie (indifférence, anhédonie, retrait social...) seraient consécutifs à un déficit de l’activité dopaminergique des projections neuronales allant de l'aire tegmentale ventrale vers le cortex préfrontal dorsolatéral (voie mésocorticale). Les symptômes affectifs et autres symptômes négatifs de schizophrénie peuvent être dus à un déficit de l’activité dopaminergique des projections mésocorticales allant vers le cortex préfrontal ventromédian.
Figure 1 : principales voies dopaminergiques impliquées dans la schizophrénie
- Voie dopaminergique mésolimbique : Elle se projette de l’aire tegmentale ventrale dans le tronc cérébral vers le noyau accumbens dans le striatum ventral. L’hyperactivité de cette voie serait à l’origine des délires et des hallucinations.
- Voie mésocorticale : On distingue la voie mésocorticale qui va vers le cortex préfrontal dorsolatéral et celle qui va vers le cortex préfrontal ventromédian. La première est impliquée dans les symptômes négatifs et cognitifs de la schizophrénie, l’expression des symptômes serait due à une hypoactivité de cette voie. La voie mésocorticale allant vers le cortex préfrontal ventromédian contrôlent les symptômes négatifs et affectifs. Là encore ces symptômes seraient dus à une hypoactivité de cette voie.
Autres voies dopaminergiques :
- Voie dopaminergique nigrostriée : cette voie fait partie du système nerveux extrapyramidal. Un déficit en dopamine peut entrainer un syndrome extra-pyramidal (parkinsonien), un excès de dopamine peut provoquer des mouvements hyperkinétiques.
- Voie tubéro-infundibulaire : elle régule la libération de prolactine, la dopamine (=Prolactin inhibitor factor PIF) inhibe sa sécrétion.
Mais d'autres systèmes sont également concernés, en particulier le système sétotonergique, mais aussi le système glutamatergique, noradrénergique, cholinergique, histaminergique.
Nombre d'antipsychotiques, parmi AP2G (rispéridone, olanzapine, etc.), sont des antagonistes puissants des récepteurs à la sérotonine 5-HT2A . La sérotonine exerçant un tonus inhibiteur sur la transmission dopaminergique, par le biais des hétérorécepteurs présynaptiques, cet effet, paradoxalement, favorise la transmission dopaminergique, effet qui trouve son intérêt au niveau du cortex frontal (moindre iatrgénie sur les symptômes négatifs) et de la voie nigro-striée (moindre iatrogénie extra-pyramidale).
Médicaments existants
Il existe plusieurs classifications des antipsychotiques.
Celle fondée sur leurs structures chimiques conduit à distinguer neuf groupes de substances, qui sont indiqués ci-dessous, avec le nom du chef de file.
Substances |
Nom du chef de file |
Date d'obtention de l’AMM |
PHENOTHIAZINES |
chlorpromazine |
1952 |
BUTYROPHENONES |
halopéridol |
1968 |
BENZAMIDES |
sulpiride |
1968 |
THIOXANTHENES |
flupentixol |
1975 |
DIBENZODIAZEPINES |
clozapine |
1991 |
DIAZEPINES |
olanzapine |
1996 |
DIBENZO-OXAZEPINES |
loxapine |
1978 |
DIPHENYLPIPERIDINES |
pimozide |
1971 |
BENZISOXALOLES |
rispéridone |
1996 |
AUTRES | aripiprazole | 2004 |
Les antipsychotiques peuvent également être classés en fonction de leur spectre de liaison avec les différents types de récepteurs, dopaminergiques et non dopaminergiques, ainsi que sur la possibilité, ou non, de différencier des effets pré- ou post-synaptiques. Ces caractéristiques définiront plus précisément leur profil pharmacologique, et donc thérapeutique, comme une partie de leurs effets indésirables ("si un médicament a un nom, il a 36 prénoms").
Il existe également une classification dite thérapeutique qui situe ces médicaments selon qu'ils sont plus ou moins anti-délirants (incisifs) ou au sédatifs.
Une distinction importante est de définir ce qu'il est convenu d'appeler les antipsychotiques atypiques, ou de seconde génération, par rapport aux molécules conventionnelles.
La définition la plus consensuelle est clinique et fait référence à la moindre fréquence d'effets indésirables de type extrapyramidaux que sont susceptibles d'induire les antipsychotiques atypiques (ce qui correspond sur le plan de la pharmacologie préclinique à une moindre capacité à induire des catalepsies). Mais ces molécules atypiques ne peuvent pas être caractérisées par un profil pharmacologique unique, ce qui limite ce concept ; plusieurs mécanismes différents peuvent prétendre rendre compte d'un comportement atypique (voir mécanismes d'action). Appartiennent aux AP2G les médicaments les plus récemment commercialisés (ou recommercialisé) : l'amisulpride, l'aripiprazole, la clozapine, l'olanzapine, et la quétiapine et la rispéridone (ainsi que son métabolite actif la palipéridone disponible uniquement en forme injectable retard). Les AP2G sont comparativement aux AP1G plus pourvoyeurs de prise de poids et de syndrome métabolique, à l'exception de l'aripiprazole.
En pratique, cette disctinction entre antipsychotiques typiques et atypiques, peut être questionnée. La différence par rapport aux effets extrapyramidaux est régulièrement mis en cause dans les études récentes de pharmacoépidémiologie. Il semble que l'atypicité soit vraie pour la clozapine mais pas forcement pour les autres antipsychotiques de deuxième génération.
Il existe également des médicaments dont la propriété pharmacologique principale est aussi d'antagoniser les récepteurs D2, tels certains antiémétiques (métoclopramide, métopimazine, dompéridone), le véralipride (prescrit dans les troubles fonctionnels de la ménopause), ou des anticalciques dérivés des phénotiazines (cinarizine, flunarizine) mais qui sont pourtant dépourvus d'effets antipsychotiques, ne traversant pas à des concentrations suffisantes la barrière hémato-encéphalique. Leur prescription devra toutefois rester prudente chez les patients à risque.
Concernant leur relation structure-activité, les antipsychotiques dérivent d'une même structure chimique primaire constituée d'un noyau benzénique relié à un segment diatomique et à une chaîne dicarbonée associée à un azote bisubstitué. Ce squelette commun confère à ces médicaments une configuration superposable à celle de la dopamine et est favorable à leur fixation sur les récepteurs dopaminergiques.
Ce squelette commun étant dérivé des phénothiazines, il existe des molécules qui, bien que présentant cette structure, n'appartiennent pas à la classe des antipsychotiques (antihistaminiques, par exemple).
Mécanismes d’action des différentes molécules
Tous les antipsychotiques sont des antagonistes des récepteurs dopaminergiques de type D2 (à l'exception de l'aripiprazole qui est un agoniste partiel D2), c'est leur plus petit dénominateur commun. Il s'agit là de leur cible primaire, sans que leurs effets subséquents sur le long terme (stimulation de la synthèse de la dopamine, hypersensiblité des récepteurs, …), ou leurs conséquences fonctionnelles, voire sur l'expression génomique soit précisément connues.
En théorie, la moindre incidence d'effets extrapyramidaux avec les AP2G, ainsi que la moindre iatrogénie sur la symptomatologie négative, pourrait s'expliquer par une une affinité moindre pour le récepteur D2 (clozapine, quetiapine), le mécanisme d'agonisme partiel (aripiprazole) ou par l'antagonisme simultané des récepteurs 5-HT2A.
Physiologiquement, la dopamine freine la libération d'acétylcholine. Le blocage des récepteurs dopaminergiques, cible principale des antipsychotiques, lève ce frein et induit une libération excessive d'acétylcholine et un déséquilibre entre les concentrations de dopamine et d'acétylcholine, à l'origine de mouvements anormaux.
Si un même médicament possède à la fois des propriétés antagonistes des récepteurs dopaminergiques et muscariniques, il permettra une autolimitation de la surstimulation cholinergique et un moindre risque de voir apparaître des effets extrapyramidaux. Parmi les antipsychotiques conventionnels, ceux qui possèdent des propriétés atropiniques marquées induisent moins d'effets de ce type que les autres.
Un raisonnement similaire se fait avec le système sérotonergique. La sérotonine inhibe la libération de la dopamine, mais le degré de contrôle varie selon les structures. La fixation conjointe d'un antipsychotique sur les récepteurs D2 et sur les hétérorécepteurs de type 5-HT2A, localisés sur des neurones dopaminergiques, autolimite le blocage dopaminergique dans les structures renfermant une forte densité de récepteurs sérotoninergiques. Cette double action rendrait compte du moindre risque d'effets extrapyramidaux (moins d'effets sur la voie nigrostriée) et de la meilleure efficacité sur les symptômes négatifs (moins de blocage cortical dopaminergique), ou du moins une moindre iatrogénie.
Une autre approche postule que tous les AP2G auraient une plus faible affinité et surtout se dissocieraient plus rapidement du récepteur D2 (hit and run).
Ces mécanismes restent bien sûr réductionnistes et schématiques face à la complexité de la pathologie psychiatrique, mais ils procurent une base pour une compréhension plus subtile et plus approfondie de ces phénomènes.
Effets utiles en clinique
Rappel des 5 composantes de la schizophrénie
- Symptômes positifs ou productifs : délires, hallucinations, altération ou excès du discours et de la communication, discours désorganisé, comportement dissocié, catatonie, agitation.
- Symptômes négatifs : émoussement affectif, retrait émotionnel, pauvreté des relations, passivité, retrait social avec apathie, perturbation de la pensée abstraite, manque de spontanéité, pensée stéréotypée, alogie (appauvrissement de la pensée et du discours), aboulie et apragmatisme (incapacité à entreprendre des actions dans un but précis), anhédonie (diminution du plaisir), déficit attentionnel.
- Symptômes cognitifs : altération de l’attention, fluence verbale altérée, difficulté d’apprentissage.
- Symptômes d’agressivité : agressivité, comportement injurieux, violence.
- Symptômes affectifs (thymiques).
Comme le suggère leur nom de classe, les antipsychotiques sont principalement prescrits dans la prise en charge médicamenteuse des psychoses, et plus particulièrement dans le traitement des épisodes aigus des schizophrénies à symptomatologie positive et dans la prévention de leur récidive, chez l’adulte.
Certains médicaments, en particulier parmi les atypiques notamment la clozapine, peuvent également améliorer les symptômes négatifs et cognitifs et s'avérer bénéfiques pour les formes résistantes.
Les antipsychotiques sont aussi utilisés dans les contextes urgents d'agitations incoercibles et réfractaires aux traitements non-médicamenteux.
Leurs propriétés sédatives peuvent également être mises à profit dans certaines pathologies psychiatriques, l'extension en dehors du champ de la psychiatrie, concernant cette propriété de sédation, ne se justifiant pas. Et il ne faut pas oublier que ces « sédatifs » restent d’abord des neuroleptiques.
La particularité de la clozapine avec son affinité très faible pour les récepteurs dopaminergiques sous-corticaux en fait le seul traitement antipsychotiques ayant une indication dans le traitements des manifestations psychotiques des démences sous-corticales (maladie de parkinson évoluée, démence à corps de Lewy).
Lesndications des antipsychotiques dans les troubles de l'humeur sont résumées dans le tableau suivant
Traitement de la phase maniaque | Traitement de la phase dépressive | Prophylaxie de la rechute | |
Aripiprazole | X | Prévention de la rechute maniaque uniquement | |
Olanzapine | X | X | |
Quetiapine | X | X | X |
Risperidone | X |
La risperidone possède également une indication dans le traitement à court terme (jusqu'à 6 semaines) de l'agressivité persistante chez les personnes présentant une maladie d'Alzheimer et le traitement à court terme (jusqu'à 6 semaines) de l'agressivité persistante chez les enfants (ayant au moins 5 ans) et les adolescents présentant un déficit intellectuel et des troubles des conduites.
Seul l'aripiprazole possède une indication chez les adolescents dans la schizophrénie à partir de 15 ans et le trouble bipolaire à partir de 13 ans. Cette molécule est également employée dans l'irritabilité associée à un trouble autistique ainsi que les tics associés au syndrome de Gilles de la Tourette.
Pharmacodynamie des effets utiles en clinique
Si l'antagonisme D2 à l'origine de leur effet hallucinolytique et anti-délirant est le principal effet recherché des antipyschotiques, l'antagonisme pour les récepteurs alpha-1 adrénergique et H1 à l'origine d'une baisse de la vigilance / sédation peut également être recherché en cas de présence de symptômes tels : insomnie, excitation psycho-motrice, agressivité. L'antogonisme 5-HT2C est évoqué pour les propriétés anxiolytiques de certains antipsychotiques.
L’aripiprazole présente un mécanisme d’action légèrement différent puisqu’il s’agit d’un agoniste dopaminergique D2 partiel, théoriquement très interessant dans la schizophrénie puisque permettant de diminuer l'hyperdopaminergie mesolimbique et de stimuler la voie mésocorticale déficitaire.
Un des métabolites de la quetiapine, la norquetiapine, se comporte comme un inhibiteur du transporteur NET et inhibe donc la recapture pré-synaptique de la noradrénaline. Ainsi, la quetiapine possède une AMM dans le traitement adjuvant de l'épisode dépressif caractérisé unipolaire résistant.
Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique
Le tableau suivant indique les principales caractéristiques pharmacocinétiques du chef de file des différents groupes
Molécule |
Biodisponibilité (%) |
Temps de demi-vie (h) |
Liaison aux protéines plasmatiques (%) |
Métabolisation |
Elimination |
Chlorpromazine |
10-69 |
30 (métabolites 4 semaines) |
95-98 |
Hépatique +++ |
Urinaire et biliaire |
Halopéridol |
60 |
24 |
90 |
Hépatique +++ |
Urinaire et biliaire |
Sulpiride |
25-35 |
7 |
40 |
Faible |
Urinaire, filtration glomérulaire |
Zuclopenthixol |
40 |
20 |
CYP 2D6 |
Fécale |
|
Loxapine |
8 |
Hépatique |
Urinaire |
||
Pimozide |
60 |
50-100 |
CYP 3A4 |
Urinaire et fécale |
|
Clozapine |
55 |
16 |
94 |
CYP 1A2 |
Urinaire (50 %) et fécale |
Olanzapine |
60 |
30 |
93 |
CYP 1A2 et CYP 2D6 |
Urinaire (60 %) |
Rispéridone |
70 |
3-20 polymorphisme |
88 |
CYP 2D6 |
Urinaire (70 %) |
Quétiapine |
|
7 (quétiapine) 12 (norquétiapine) |
83 |
CYP 3A4 |
Urines (70%) |
Aripiprazole |
87 |
75 - 146 |
> 99 |
CYP 3A4 et 2D6 |
Fécale (60%) |
Palipéridone (métabolite actif de la rispéridone) |
100 |
25-49 jours |
74 |
Très peu métabolisé |
Urines (80%) |
Tous les antipsychotiques subissent un métabolisme hépatique complexe, exceptées l'amisulpride et la palipéridone qui sont peu métabolisées. L'effet de premier passage est souvent important. Selon les molécules, différents cytochromes peuvent être impliqués dans la métabolisation. Ces métabolismes produisent de nombreux métabolites, qui peuvent pour certains d'entre eux avoir des demi-vies très longues et participer à l'action thérapeutique (norquétiapine) comme à l'induction des effets indésirables, sans que leur présence soit habituellement prise en compte.
Leur élimination est souvent mixte, urinaire et digestive.
Les antipsychotiques passent dans la circulation fœtale et dans le lait. Ils ne sont pas dialysables.
Certains antipsychotiques dits retards (neuroleptiques d'action prolongée (NAP) ou antipsychotiques à action prolongée (APAP)) sont utilisés pour leur action maintenue pendant plusieurs semaines. La plupart résultent de l'estérification par un acide gras à longue chaîne d'un antipsychotique classique comme la fluphénazine ou la pipotiazine. Ces antipsychotiques sont administrés par voie I.M. et une hydrolyse de l'ester libère progressivement la molécule active. Une autre approche est d'utiliser des molécules à longue demi-vie, tel le penfluridol. Les avantages sont la simplification des modalités de traitement au long cours et la certitude de l’observance ; les inconvénients relèvent de leur sécurité d'emploi, avec notamment le problème de la survenue d’un syndrome malin des neuroleptiques. Ces traitements retards ne bénéficient d'indication que chez les patients schizophrènes et nécéssitent une stabilisation du traitement per os préalable.
Source de la variabilité de la réponse
Interactions médicamenteuses
Interactions pharmacodynamiques de classe : il existe un antagonisme réciproque avec tous les agonistes dopaminergiques, directs ou indirects, ce qui représente une contre-indication sauf pour la clozapine. L'effet sédatif est majoré par la consommation d'alcool et les dépresseurs du système nerveux central. L'association avec des médicaments pouvant induire - des troubles du rythme cardiaque (et en particulier des torsades de pointes), - une bradycardie, - une hypokaliémie est contre-indiquée. Les antihypertenseurs ainsi que les bétabloquants majorent le risque d'hypotension, notamment orthostatique. L'association avec d'autres substances possédant des propriétés anticholinergiques induit une addition des effets indésirables atropiniques.
Interactions pharmacocinétiques de classe : il n'y a pas d'interactions pharmacocinétiques communes à tous les antipsychotiques ; ces interactions dépendent principalement des voies métaboliques empruntées et sont différentes d'un groupe à l'autre. Les molécules fortements métabolisées par le cytochrome 1A2 (clozapine, olanzapine) peuvent voire leurs concentrations plasmatiques diminuées en cas de tabagisme. A l'inverse, l'arrêt brutal du tabac chez un patient antérieurement stabilisé va entraîner une levée de l'induction enzymatique sur le CYP1A2 et exposer à une augmentation brutale des taux plasmatiques avec risques d'effets indésirables (convulsions avec la clozapine).
Réponse des populations physiologiques particulières : Il n’y a pas d’effet de classe, il faut considérer les molécules individuellement.
Réponse des populations pathologiques particulières : Les antipsychotiques sont volontiers prescrits pour alléger les troubles comportementaux qui accompagnent les démences. Un surrisque d’accident cérébrovasculaire a été signalé dans cette population.
Variabilité génétique de la réponse
L'étude génétique pour tenter d'évaluer l'efficacité et la toxicité des antipsychotiques se développe depuis une vingtaine d'années. Du point de vue de l'efficicacité, il n'existe pas d'élément en faveur d'un polymorphisme génétique permettant de prédire l'efficacité des antipsychotiques. Du point de vue de la toxicité, quelques données tendent à montrer un caractère familial dans les effets indésirables, notamment extra-pyramidaux, induits par les antipsychotiques.
Situations à risque ou déconseillées
- Comme pour tout médicament la notion d'hypersensiblité au principe actif ou à ses excipients
- Risque de glaucome par fermeture de l'angle
- Risque de rétention urinaire
- Association avec des médicaments inducteurs de troubles de la fonction cardiaque
Précautions d’emploi
Toute fièvre inexpliquée nécessite une démarche diagnostique afin d’éliminer un syndrome malin des neuroleptiques, qui engage le pronostic vital.
Du fait du risque d'induire une agranulocytose avec la clozapine, une NFS devra être réalisée à l'initiation du traitement puis toutes les semaines pendant 18 semaines et mensuelles toute la durée du traitement.
Du fait du risque d'allongement du QTc et des risques d'arythmies, il faudra s'assurer de l'absence de facteurs de risque supplémentaires, en particulier l’existence de troubles ioniques (la réalisation d'un ECG dans le bilan initial est recommandée).
Du fait du risque d'abaissement du seuil épileptogène, la surveillance des sujets à risque devra être renforcée.
Effets indésirables
Effets indésirables de type A, en rapport avec les propriétés pharmacologiques
Effets indésirables neurologiques centraux
Ce sont essentiellement des effets dits extrapyramidaux, qui correspondent au blocage des récepteurs D2 dans les voies dopaminergiques motrices. Similairement le blocage des récepteurs D2 dans les voies hypothalamo-hypophysaires dérégule la sécrétion de prolactine. Ces effets sont dose dépendants et beaucoup moins fréquents avec les molécules de deuxième génération (clozapine < olanzapine < rispéridone). Les antipsychotiques possèdent également une action antagonistes sur les récepteurs alpha1, M1, H1 à l'origine d'effets indésirables.
Nature de l'effet indésirable |
Gravité |
Estimation de la fréquence |
En savoir plus |
Dystonie aiguë |
Grave |
Variable selon les molécules |
Délai d'apparition : quelques jours |
Syndrome parkinsonien |
Grave |
Délai d'apparition : de quelques jours à quelques semaines |
|
Akathisie |
Modérée |
Délai d'apparition : quelques jours |
|
Dyskinésies et dystonies tardives : |
Très grave (très invalidants) |
Difficilement réversibles |
|
Syndrome malin des neuroleptiques |
Très grave (taux de mortalité > 10 %) |
Dérégulation des systèmes de contrôle de l’homéothermie. Manifestations cliniques et biologiques : rigidité musculaire, dystonie, fièvre, confusion, élévation des taux sériques des protéines musculaires (CPK). |
|
Hyperprolactinémie |
Modérée |
Manifestations cliniques : gynécomastie, galactorrhée, aménorrhée, anovulation, impuissance. Surveiller le volume mammaire |
|
Sédation |
Faible |
Lié au blocage des récepteurs a1 et H1 |
Effets indésirables périphériques
Nature de l'effet indésirable |
Gravité |
Estimation de la fréquence |
En savoir plus |
Bouche sèche, troubles mictionnels, constipation, mydriase, vision floue |
Faible |
Assez fréquent |
Effets atropiniques liés au blocage des récepteurs cholinergiques |
Hypotension, hypotension orthostatique |
Potentiellement grave |
Liée au blocage des récepteurs alpha 1 (vasodilatation) |
|
Tachycardie |
Modérée |
Liée au blocage des récepteurs M2 |
Effets indésirables de type B, sans rapport avec les propriétés pharmacologiques
Effets indésirables neurologiques centraux
Nature de l'effet indésirable |
Gravité |
Estimation de la fréquence |
En savoir plus |
Crises convulsives, abaissement du seuil épileptogène |
Grave |
0,1 - 1,5 % (0,07 - 0,09 % dans la population générale) |
Le risque s'élève en cas de surdosage ou de l'existence d'autres facteurs de risque de convulsions. La clozapine et la chlorpromazine sont le plus souvent incriminées. Le mécanisme ne semble pas en rapport direct avec les propriétés pharmacologiques, mais représente un effet toxique non spécifique ; il est partagé avec les antidépresseurs. |
Effets indésirables métaboliques
Contrairement aux effets neurologiques et hormonaux, les effets indésirables qui se manifestent sur les métabolismes glucidique et lipidique sont plus fréquents avec l'utilisation des antipsychotiques atypiques (clozapine > olanzapine). Ces anomalies métaboliques constituent des facteurs de risque cardiovasculaire.
Nature de l'effet indésirable |
Gravité |
Estimation de la fréquence |
En savoir plus |
Diabète mellitus |
Très grave |
Fréquent 1ère Gé + et 2ème Gé +++ |
Informer les patients des règles hygiéno-diététiques, surveiller le poids, la glycémie et le bilan lipidique. |
Hyperglycémie |
Modérée |
||
Hyperlipidémie |
Modérée |
||
Gain de poids (obésité) |
Modérée à grave |
Effets indésirables cardiovasculaires
Nature de l'effet indésirable |
Gravité |
Estimation de la fréquence |
En savoir plus |
Allongements de l’espace QTc avec risque de torsades de pointe et risque de mort subite |
Potentiellement très grave |
Idem AP1G et AP2G | Réaliser un ECG avant tout début de traitement |
Effets indésirables hématologiques
Nature de l'effet indésirable |
Gravité |
Estimation de la fréquence |
En savoir plus |
Neutropénie |
Grave |
||
Agranulocytose |
Très grave |
1 % |
Ne concerne que la clozapine. Le risque est plus important en début de traitement. Surveiller régulièrement la NFS. |
Effets indésirables dermatologiques
Nature de l'effet indésirable |
Gravité |
Estimation de la fréquence |
En savoir plus |
Photosensibilisation |
Faible |
La cyamémazine est particulièrement pourvoyeuse de cet effet | |
Pigmentations anormales |
Faible |
Effets indésirables ophtalmologiques
Nature de l'effet indésirable |
Gravité |
Estimation de la fréquence |
En savoir plus |
Dépôts cristallins, cornéens, rétiniens |
|
Surveillance des effets
L'évaluation de l'efficacité d'un antipsychotique est clinique et s'apprécie sur plusieurs semaines après l'instauration du traitement.
L'intérêt des dosages plasmatiques des antipsychotiques n'est pas formellement établi. Ils pourraient cependant avoir un intérêt pour certaines molécules, des arguments existant en faveur de la surveillance des taux plasmatiques pour l'halopéridol, l'olanzapine et la clozapine. Il est à noter toutefois pour la clozapine, qu'une clozapinémie > 350ng/ml est nécéssaire pour garantir une efficacité optimale.
La surveillance des effets indésirables est clinique pour les effets extra-pyramidaux. Les effets indésirables cardio-métaboliques des antipsychotiques imposent la réalisation d'un bilan pré-thérapeutique ainsi que d'un suivi clinico-biologique.
Le tableau ci-dessous reprend les recommandations de l'ANSM de suivi cardio-métaboliques des patients sous antipsychotiques parues en 2010.
T0 | 1 mois | 3 mois | Tous les 3 mois | Tous les ans | Tous les 5 ans | |
Recueil antécédents personnels et familiaux | X | |||||
Tour de taille | X | |||||
Poids, IMC | X | X | X | X | ||
Tension artérielle | X | X | X | |||
Gylcémie a jeun | X | X | X | |||
Bilan lipidique (cholestérol total, triglycérides, HDL, LDL) | X | X | X | |||
ECG | X |
Pour le bilan lipidique, sa surveillance est à 5 ans en cas de bilan normal, ou plus fréquemment selon les données cliniques (prise de poids, diabète).
La survenue de symptômes évocateurs d'hyperprolactinémie : galactorrhée, gynécomastie, troubles de la libido, ... doivent faire réaliser un dosage de prolactine.
La prescription de clozapine, du fait du risque d'agranulcytose médicamenteuse essentiellement en début de traitement, est conditionnée à la réalisation d'une NFS à l'initiation du traitement puis une fois par semaine pendant les 18 premières semaines de traitement et, ensuite, au moins toutes les 4 semaines durant toute la durée du traitement.