Anticoagulants par voie orale : inhibition indirecte de la synthèse des facteurs de la coagulation vitamine K dépendants (AVK)
Résumé de la fiche
Les inhibiteurs de la synthèse des facteurs vitamine K dépendants ou plus communément (mais termes non appropriés) appelés les antivitamines K ou antagonistes de la vitamine K (AVK) sont des anticoagulants oraux "indirects" qui inhibent la synthèse hépatique des facteurs de la coagulation vitamine K dépendants (facteurs II, VII, IX, X, protéines C et S). Du fait de ce mécanisme d’action indirect, ils nécessitent un certain délai avant d’être efficaces et ne sont donc pas utilisables seuls en urgence mais en relais d’un autre traitement anticoagulant.
Le chef de file des AVK est la warfarine qui constitue l'AVK de référence et devrait par conséquent être la seule molécule prescrite car étant la seule molécule avec un niveau de preuve suffisant (la fluindione reste l’AVK le moins bien évalué dans les essais cliniques).
Les AVK ont été pendant longtemps les seuls anticoagulants utilisables par voie orale. Malgré l'avènement des anticoagulants oraux directs (AODs) qui sont maitenant prescrits en première intention dans la plupart des indications, les AVK restent encore prescrits en particulier dans des indications/contextes ou les AODs sont contre-indiqués (insuffisance rénale sévère, patients porteurs d'une valve cardiaque mécanique...).
Les AVK présentent une grande variabilité de réponse. Cette variabilité tient à :
- la pharmacocinétique des AVK avec en particulier un métabolisme hépatique dépendant du CYP450 expliquant l’existence de très nombreuses interactions médicamenteuses. Outre ces interactions, il existe également une variabilité d’origine génétique (polymorphisme du à une mutation du gène codant pour le CYP2C9 impliqué dans le métabolisme de la warfarine).
- la pharmacodynamie des AVK avec notamment
- des variations d’apports en vitamine K ; endogènes avec la flore bactérienne intestinale (antibiotiques et pathologies digestives) ou exogènes avec l’alimentation (salade, choux, tomates...),
- des variations de la synthèse des facteurs de la coagulation (insuffisance hépatocellulaire ou thyroïdienne…),
- d'une variabilité d’origine génétique.
Le principal facteur limitant l’utilisation des AVK (et des anticoagulants en général) concerne le risque hémorragique inhérent à sa prescription qui est représente la première cause d'hospitalisation iatrogène en France.
Enfin, l’index thérapeutique des AVK (différence entre dose efficace et dose hémorragique) est étroit. Associée à cet index étroit, la grande variabilité de réponse aux AVK impose une surveillance régulière de l’effet anticoagulant obtenu, avec de fréquentes adaptations posologiques, source d'erreurs de prise par les patients, de mauvaise observance et d'accidents hémorragiques. Cette surveillance est effectuée par l’International Normalized Ratio (INR) qui présente une forte corrélation avec l’efficacité des AVK d’une part, et le risque hémorragique d’autre part. La cible d’INR optimal est fonction de l'indication des AVK ; le plus souvent cette cible est située entre 2 et 3.
Item(s) ECN
224 : Thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire230 : Fibrillation atriale
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant
Rappel physiopathologique
La genèse d’un thrombus peut provenir de 3 stimuli différents, associés ou non, connus depuis le siècle dernier sous le non de triade de Virchow. Cette triade associe :
- une lésion de l’endothélium vasculaire,
- une stase sanguine
- et un état d’hypercoagulabilité.
Ces stimuli activent l’hémostase, système physiologique comprenant :
- l’hémostase primaire,
- le système de la coagulation
- et la fibrinolyse.
Le système de l’hémostase primaire fait intervenir les plaquettes sanguines (PS) selon 3 phases :
- adhésion plaquettaire : adhésion des PS aux structures sous-endothéliales mises à nu comme le collagène ou le facteur Von Willebrand (facteur VIII F),
- activation plaquettaire : suite à l’adhésion, les PS s’activent et expriment en surface un récepteur plaquettaire au fibrinogène, le GP IIbIIIa et sécrètent le contenu de leurs granules avec notamment de l’ADP et du Thromboxane A2 capable d’activer à leur tour d’autres PS,
- agrégation plaquettaire : création de pont entre différentes PS activées par fixation du fibrinogène sur les GP IIbIIIa.
Le système de la coagulation, système enzymatique complexe, réagit en cascade depuis l’activation du complexe facteur tissulaire-facteur VII jusqu’à la formation de la fibrine par la thrombine ou facteur II activé (Figue 1). Comme tout système physiologique, il existe des mécanismes de régulation qui permettent de maintenir le système de le coagulation à l’état d’équilibre. Certains médicaments anticoagulants comme les héparines, vont agir indirectement par la potentialisation d’un de ces inhibiteurs physiologiques (l’antithrombine). Il existe des déficits constitutionnels quantitatifs ou qualitatifs de ces inhibiteurs physiologiques responsables d’un état d’hypercoagulabilité appelé aussi « thrombophilie », à l’origine de pathologies thromboemboliques familiales.
Médicaments existants
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Mécanime d'action |
Médicament |
Spécialité |
Posologie |
|
Antivitamines K | Inhibition de la synthèse des facteurs de la coagulation | Coumariniques | Acenocoumarol |
Sintrom ® |
Comprimés à 1 et 4 mg* |
Warfarine | Coumadine ® | Comprimés à 2 et à 5 mg | |||
Indanedione | Fluindione | Previscan ® | Comprimés à 20 mg |
* nom commercial différent entre les deux posologies
A noter que la fluindione (PREVISCAN) ne peut plus être initiée depuis le 30 novembre 2018 suite à la mise en évidence d'une balance bénéfice/risque encore moins favorable que les autres AVK et en particulier la présence d'effets indésirables propres à la fluindione d’ordre immuno-allergiques et rénaux survenant habituellement dans les 6 premiers mois de traitement. Actuellement, on ne peut donc que renouveler une ordonnance de fluindione chez un patient qui a ce médicament prescrit pour la première fois avant le 30 novembre 2018 mais probablement qu'il faut réévaluer ce renouvellement et s'interroger sur un switch pour un AODs (anticoagulants oraux de première intention dans la majorité des indications) ou à défaut pour de la warfarine qui est l'AVK de référence le mieux évalué.
Mécanismes d’action des différentes molécules
Les AVK sont des inhibteurs indirects de la coagulation et agissent en inhibant la synthèse hépatique des facteurs de la coagulation vitamine K dépendants (facteurs II, VII, IX et X et les protéines C et S) et représentent des antagonistes compétitifs de la vitamine-K époxy-réductase.
La synthèse hépatique de ces facteurs implique dans une de ses étapes une enzyme de type carboxylase. Sous l’action de cette carboxylase, les précurseurs hépatiques inactifs et « inactivables » sont transformés par la fixation de groupements carboxyliques en facteurs de la coagulation activables. Les groupements carboxyliques de ces facteurs de la coagulation leur permettent, par l’intermédiaire de Ca2+, de se fixer à un support phospholipidique spécifique et d’être transformé en enzyme active ou facteurs de la coagulation activé. Cette réaction de carboxylation nécessite la présence d’un co-facteur, la vitamine K. Au cours d’un cycle de réduction, la vitamine K fournit les ions nécessaire à la carboxylation des précurseurs hépatiques vitamines K dépendants. Les AVK vont agir en bloquant ce cycle de la vitamine K en inhibant l’activité des enzymes de réduction ou vitamines K réductases de ce cycle et ce par analogie structurale avec la vitamine K.
La conséquence thérapeutique et clinique majeure découlant de ce mécanisme d'action est le délai retardé inhérent à cette synthèse (délai dépendant de la demi-vie d'élimination des facteurs de la coagulation synthétisés par le foie avant la prise d'AVK). Par conséquent, les AVK n’ont donc pas d’effet anticoagulant immédiat ce qui explique qu'il est nécessaire (bien que discuté actuellement) d'instaurer les AVK sous couvert d'un relai héparinique qui sera à maintenir jusqu'à l'obtention d'un INR correct.
De même, en cas d'hémorragie significative sous AVK nécessitant leur interruption associé à un traitement spécifique de l'hémorragie, ce délai d'action sera à prendre en compte. L'effet anticoagulant des AVK ne sera nul uniquement lorsque l'AVK aura été complètement éliminé (paramètre fonction de la demi-vie d'élimination de l'AVK) et que le foie aura pu resynthétiser de nouveaux facteurs de la coagulation vitamine-K dépendants (non exposés à l'AVK, environ 6 à 24 heures selon les facteurs). Par conséquent, bien que pharmacologiquement la vitamine-K soit l'antidote des AVK, l'action thérapeutique et clinique de la vitamine-K sera retardée d'au moins 24heures et ne constitue par conséquent absolument pas un antidote thérapeutique utilisable en urgence (qui sera représenté en l'occurence par l'apport de facteurs actifs de la coagulation par du PPSB par exemple associé à l'arrêt "mécanique" du saignement, par exemple une compression manuelle ou une hémostase chirurgicale).
Effets utiles en clinique
Les AVK ont été pendant plus de 50 ans les seuls médicaments anticoagulants oraux disponibles.
- le traitement curatif de la maladie thromboembolique veineuse et préventif de la récidive des événements thromboemboliques veineux (TVP, EP),
- la prévention des événements thromboemboliques artériels en cas de cardiopathies emboligènes (prothèses valvulaires cardiaques mécaniques par exemple ou seuls les AVK ont une AMM; les AODs n'ont pas d'AMM dans cette indication et sont même contre-indiqués) ou en cas de fibrillation auriculaire.
- les AVK restent par ailleurs utiles en cas d'insuffisance rénale sévère qui représente la contre-indication la plus fréquente au AODs.
Pharmacodynamie des effets utiles en clinique
Indication |
Effet clinique |
Traitement de la maladie thromboembolique veineuse |
le maintien d’un traitement anticoagulant au delà du premier mois après une thrombose veineuse profonde et/ou une embolie pulmonaire permet de réduire le risque de récidive thromboembolique de 50 % environ (risque de récidive d’environ 8% à 1 an de suivi avec 1 mois de traitement) |
Prévention des événements thromboemboliques en cas de prothèses valvulaires cardiaques mécaniques |
les AVK permettent de diviser par 10 environ le risque d’AVC par rapport à un placebo que ce soit en cas de prothèse valvulaire mécanique mitrale ou aortique (risque d’AVC sans traitement d’environ 20% / an) |
Prévention des événements thromboemboliques en cas de fibrillation auriculaire |
les AVK permettent de réduire d’environ 60% le risque de d’accident vasculaire cérébral par rapport à un placebo et d’environ 35% par rapport à l’aspirine (risque d’AVC sans traitement d’environ 5% / an) |
Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique
Les principales caractéristiques pharmacocinétiques des AVK sont résumées dans le tableau suivant :
Etape pharmacocinétique |
Caractéristique |
Biodisponibilité |
~ 100 % |
Fixation protéiques plasmatiques |
> 95 % |
Métabolisme hépatique |
CYP450 |
Demi-vie d’élimination | Acenocoumarol ~ 9-10h Fluindione ~ 30h Warfarine ~ 35h à 45 h |
De ces caractéristiques pharmacocinétiques, on retiendra la possibilité d’un polymorphisme génétique du CYP2C9 pouvant être à l’origine d’une variabilité de la warfarine. De même l’effet de la warfarine, inhibiteur du complexe époxyde réductase de la vitamine K, dépend du polymorphisme du gène codant pour ce complexe (et plus particulièrement de la sous-unité C1 de ce complexe, VKORC1). Ainsi, les polymorphismes du CYP2C9 et du VKORC1 expliquent une partie significative de la variabilité de la réponse à la warfarine (variabilité pharmacocinétique et pharmacodynamique respectivement). Les cytochromes 2C19, 1A2, 3A4… interviennent aussi dans le métabolisme de la warfarine, mais seul le 2C9 a montré une modulation significative de la variabilité de la warfarine in vivo. Le P-gp n’influence pas la biodisponibilité de la warfarine.
On retiendra également et surtout la possibilité de très nombreuses interactions médicamenteuses soit par l’intermédiaire principalement d'une induction ou d'une inhibition enzymatique du CYP450.
Ces interactions sont même trop nombreuses pour être toutes connues du prescripteur. En pratique, il est donc justifié de connaitre les grandes classes de médiciaments inhibiteurs ou inducteurs du CYP450 et d’avoir accès facilement à une source d’information fiable lors de toute introduction et de tout arrêt de médicament prescrit en association avec un AVK. Il faut garder à l’esprit que toutes les interactions ne sont pas cliniquement significatives. Il ne faut pas hésiter à surveiller plus étroitement l'INR en cas d'ajout de tout nouveau médicament pouvant interagir avec les AVK.
Sur le plan pratique, il est classique de retenir l’existence d’AVK à demi-vie d’élimination courte (< à 24 heures) comme l’acenocoumarol et d’AVK à demi-vie d’élimination longue (> à 24 heures) comme la warfarine ou la fluindione. Cette distinction peut être utile car il semble que les AVK à demi-vie longue permettent d’obtenir une meilleure stabilité de l’effet anticoagulant (et donc de l'INR) dans le temps au prix d'un effet anticoagulant prolongé (embétant en cas d'hémorragie cliniquement significative).
Source de la variabilité de la réponse
L’effet anticoagulant des AVK présente une grande variabilité inter-individuelle mais également intra-individuelle. Dans la mesure où l’index thérapeutique des AVK est étroit (faible différence entre les doses efficaces et les doses toxiques hémorragiques), cette variabilité explique la nécessité d’un suivi biologique régulier (par l'INR) de l’effet anticoagulant obtenu et des adaptations posologiques fréquentes elles mêmes sources d'erreurs et de variabilité de la réponse.
Cette variabilité peut avoir plusieurs origines :
- génétique, avec un polymorphisme pharmacocinétique et pharmacodynamique résultant de mutations du gène codant pour le CYP2C9 et du gène codant pour l’enzyme VKORC1 pour la warfarine (cf caractéristiques pharmacocinétiques),
- médicamenteuse, par l’intermédiaire d’interactions pharmacocinétiques (défixation protéique ou modification du métabolisme hépatique des AVK par induction ou inhibition enzymatique du CYP450) ou pharmacodynamiques (association des AVK avec les antiagrégants plaquettaires ou les AINS par exemple),
- environnementale, par l’intermédiaire d’interactions pharmacodynamiques avec la synthèse endogène de vitamine K par la flore intestinale (antibiotique…)
- alimentaire, par des variations d’apport exogène de vitamine K (aliments riches en vitamine-K type choux, tomates...),
- physiopathologique, avec en premier lieu toute pathologie hépatique aiguë entraînant une insuffisance hépato-cellulaire (diminution de la synthèse des facteurs de la coagulation et/ou diminution du métabolisme des AVK) , toute pathologie intestinale interférant avec la synthèse endogène de vitamine K ou toute pathologie thyroïdienne.
Situations à risque ou déconseillées
Contre-indications absolues :
- hypersensibilité connue à un des produits ou excipients
- insuffisance hépatique sévère
- risque hémorragique supérieure au risque thrombo-embolique
Tous les médicaments de l’hémostase doivent être utilisés avec précaution en cas de risque hémorragique, c'est-à-dire en cas de
- lésions organiques susceptibles de saigner,
- intervention chirurgicale récente en particulier neurochirurgicale ou ophtalmologique,
- hypertension artérielle maligne ou non hypertension artérielle non contrôlée,
- AVC à fortiori récent et/ou hémorragique.
On retrouve également parmi les précautions d'emploi :
- insuffisance rénale sévère (ClCr < 20 ml/min)
- association à l’acide acetylsalicylique (aspirine) et aux autres anti-agrégants plquettaires (clopidogrel, prasugel, ticagrelor), aux AINS y compris les inhibiteurs sélectifs de la COX 2 (sauf AINS pyrazolés) par voie générale, aux inhibiteurs et inducteurs puissants du CYP450.
Compte tenu du risque vital des pathologies cardiovasculaires pour lesquelles sont prescrits ces médicaments, une appréciation de la balance bénéfice risque en milieu spécialisé peut parfois faire passer outre ces contre-indications, comme notamment l’association de médicaments de l’hémostase entre eux.
Enfin, la prescription des AVK pendant la grossesse, particulièrement pendant le 1er trimestre et les 15 derniers jours de la grossesse, doit être réservée aux cas ou l’héparine ne peut être utilisée.
En cas d’allaitement, la warfarine passe en très faible quantité dans le lait maternel, mais aucun effet indésirable n'a été observé chez les enfants allaités. L'allaitement est donc possible. Si l'allaitement est exclusif, un apport en vitamine K1 est recommandé aux doses usuelles.
Précautions d’emploi
Tous les médicaments de l’hémostase doivent être utilisés avec précaution en cas de risque hémorragique, c'est-à-dire en cas de
- lésions organiques susceptibles de saigner,
- intervention chirurgicale récente en particulier neurochirurgicale ou ophtalmologique,
- hypertension artérielle maligne ou non hypertension artérielle non contrôlée,
- AVC à fortiori récent et/ou hémorragique.
Ces précautions doivent être majorées en cas d’association à des médicaments de l’hémostase, indications de plus en plus nombreuses en cardiologie en particulier.
Tout accident hémorragique doit faire :
- suspecter un surdosage en AVK,
- doser l'INR,
- envisager l'interruption du traitement antithrombotique et l'utilisation de mesures de corrections générales et/ou spécifiques (vitamine-K, PPSB...).
Toute introduction ou interruption d’un traitement associé aux AVK doit faire envisager une interaction médicamenteuse et impose une surveillance rapprochée de l’effet anticoagulant par INR. De même, tout état pathologique aigu peut être à l’origine d’un déséquilibre de l’effet anticoagulant et impose une surveillance rapprochée de celui-ci.
On a longtemps considéré l’âgé élevé comme étant une contre-indication relative à l’emploi des AVK compte-tenu du surcroît de risque hémorragique. Cependant, l’âge élevé est également un facteur de risque thromboembolique, et le rapport bénéfice / risque des AVK reste globalement favorable chez le sujet âgé quelles que soient les indications car les sujets âgés sont également les patients les plus à risque d'évènements thrombo-emboliques. Il est cependant nécessaire d’effectuer une surveillance rapprochée, et généralement de réduire les doses initiales du traitement en raison d’une plus grande sensibilité chez le sujet âgé.
Effets indésirables
Tous les médicaments anticoagulants exposent exposent principalement les patients aux complications hémorragiques.
I. Les accidents hémorragiques
Les accidents hémorragiques sont la complication la plus fréquente, commune à tous les anticoagulants, potentiellement grave et représentent la première cause d'hospitalisation iatrogène en France. Ces accidents hémorragiques sous AVK peuvent relever de mesures spécifiques impératives à connaître. La stratégie thérapeutique à adopter est fonction de l'intensité d'un éventuel surdosage en AVK (INR), du caractère symptomatique ou non de ce surdosage, de la gravité de l'hémorragie, de la possiblité de stopper "mécaniquement" l'hémorragie (intervention chirurgical, compression...) et de l'indication initiale (et donc du risque thrombo-embolique).
En premier lieu, il faudra systématiquement stopper le saignement de façon "mécanique" (compression manuelle si possible, geste d'hémostade interventionnel ou chirurgical...). En assocation au geste d'hémostase, deux grandes thérapeutiques médicamenteuves peuvent être indiquées en fonction de la gravité de la situation :
- l'administration de vitamine K1 qui est l'antidote pharmacologique des AVK MAIS dont le délai d’action thérapeutique est retardé d’environ 24 heures et par conséquent ne représente pas la thérapeutique d'urgence de choix (est finalement souvent administré à la phase aigue mais dans le but de prévenir les récidives "tardives" de saignements, après administration éventuelle de facteurs de la coagulation et de la réalisation du geste d'hémostase),
- l'apport de facteurs actifs de la coagulation vitamine K dépendants, soit de façon spécifique avec du PPSB (facteurs II, VII, IX, X) dont le délai d’action est immédiat, soit de façon non spécifique sous la forme de plasma frais congelé (tous types de facteurs de la coagulation). L'administration de facteurs de la coagulation représente donc la thérapeutique d'urgence de choix.
Il est important d’identifier l’étiologie du surdosage et/ou de la complication hémorragique (erreur de prise ou de prescription, interaction, pathologie intercurrente...) afin de limiter le risque de récidive.
II. Les accidents non hémorragiques
Concernant les effets indésirables non hémorragiques, nous ne rapporterons ici que les effets indésirables fréquents et/ou relevant d’une surveillance particulière et/ou menaçant le pronostic vital.
Les troubles digestifs à type de diarrhée sont au 1er plan, de même que la possibilité d’arthralgies isolées.
Rarement, on peut observer des nécroses cutanées localisées peut-être en rapport avec un déficit congénital en protéine C de la coagulation, des alopécies, des vascularites, et des atteintes hépatiques.
Plus récemment, il a été rapporté que les AVK, et plus particulièrement la fluindione, peuvent causer des effets indésirables d’ordre immuno-allergique (rares mais souvent sévères, avec en particulier des atteintes rénales, hépatiques, hématologiques ou des atteintes cutanées à type de DRESS) le plus souvent d'apparition "précoce" (durant les 6 premiers mois de traitement). La nature et la fréquence de ce type d’effets indésirables diffèrent entre la fluindione et les AVK de la famille des coumariniques. Un arrêt précoce du traitement par fluindione associé à une corticothérapie permet le plus souvent une régression des atteintes observées. (voir http://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Previscan-fluindione-et-risque-immuno-allergique-Point-d-Information)
Surveillance des effets
Les AVK, en raison d’une variabilité inter- et intra-individuelle nécessitent une surveillance biologique régulière de l’effet anticoagulant obtenu. Pour tenir compte de la grande variabilité de l’effet et de la sensibilité des réactifs, les résultats sont aujourd’hui exprimés INR :
INR = TQ du patient / TQ du témoin
Cette normalisation des tests de surveillance a permis de mettre en évidence une corrélation étroite entre les valeur d’INR obtenu sous AVK et le risque hémorragique d’une part et le risque thromboembolique d’autre part et donc d’établir un index thérapeutique optimal.
Ainsi l’INR cible recommandé pour la plupart des indications correspond à une valeur cible de 2,5 soit un intervalle d’INR compris entre 2 à 3. Seules les prothèses valvulaires mécaniques (en particulier anciennes et en position mitrale) requièrent un INR plus élevé fonction des facteurs de risque thrombo-emboliques du patient et du type de valve mécanique (ancienneté +++).
Une bonne éducation des patients, le recours à des structures de type « clinique des anticoagulants » et l’utilisation de carnets d’autosurveillance permettent d’optimiser la surveillance et la prévention des écarts d’INR.