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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Anti-inflammatoires non-stéroïdiens

Résumé de la fiche

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont définis par opposition aux corticoïdes (anti-inflammatoires stéroïdiens). Les AINS sont des médicaments destinés à prévenir ou à contenir les manifestations inflammatoires. Ils ont une action uniquement symptomatique en agissant sur la physiopathologie de l’inflammation, sans agir sur son étiologie qui devra être traitée à part.

C’est une classe pharmacothérapeutique hétérogène très utilisée aussi bien en prescription qu’en automédication dans des syndromes aigus ou des affections chroniques, notamment rhumatismales.

Tous les AINS possèdent des propriétés communes : anti-inflammatoires, antalgiques, antipyrétiques et anti-agrégants plaquettaires (les coxibs ne possèdent pas cette dernière propriété). Par ailleurs, les AINS sont responsables de très nombreux effets secondaires qui entraînent de nombreux effets indésirables souvent graves.

Item(s) ECN

129 : Arthrose
135 : Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuse
196 : Polyarthrite rhumatoïde
197 : Spondylarthrite
198 : Arthropathie microcristalline
330 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant

Rappel physiopathologique

Les AINS sont tous des inibiteurs de la cyclo-oxygénase (COX).

Il existe plusieurs isoformes de la COX :

-La COX1 constitutive (reins, estomac, vaisseaux, etc.) a un rôle physiologique. Elle permet la synthèse des prostaglandines (PG) intervenant dans l’estomac (cytoprotection), les reins (maintien du flux sanguin rénal) et la synthèse du thromboxane A2 plaquettaire (vasoconstriction et agrégation plaquettaire). Son inhibition est donc responsable des effets indésirables des AINS (toxicité gastrique, diminution du flux sanguin rénal et effet anti-agrégant plaquettaire).

-La COX2 inductible par des autacoïdes (IL1, TNFα) en cas d’inflammation permet la synthèse des PG intervenant dans ces réactions. Son inhibition est responsable des effets pharmacodynamiques des AINS (effet anti-inflammatoire ainsi que les effets analgésiques et antipyrétiques).

 

Médicaments existants

La famille des AINS comporte de nombreuses substances appartenant à plusieurs familles chimiques, dont le point commun est d’être des acides faibles.

Dénomination Commune Internationale

Famille chimique

Phénylbutazone

Pyrazolés

Indométacine

Sulindac

Indoliques

Acéclofénac

Acide tiaprofénique

Alminophène

Diclofénac

Etodolac

Fénoprofène

Flurbiprofène

Ibuprofène

Kétoprofène

Kétorolac

Nabumétone

Naproxène sodique

Arylcarboxyliques

Acide niflumique

Acide méfénamique

Fénamates

Piroxicam

Meloxicam

Ténoxicam

Oxicams

Nimésulide

Sulfonalidine

Célécoxib

Parécoxib

Inhibiteurs sélectifs de la Cox-2 ou Coxibs

Mécanismes d’action des différentes molécules

Par leur action inhibitrice de la COX, tous les AINS inhibent la transformation de l’acide arachidonique en prostaglandines ou thromboxanes. 

Les Coxibs sont des inhibiteurs dits "sélectifs" de la COX2 aux doses usuelles. Ils ont été présentés comme une nouvelle classe d’AINS agissant préférentiellement sur la synthèse des prostaglandines lors des phénomènes inflammatoires, et donc sans effet indésirable gastrique. Or, ils n’ont pas montré d'avantages sur ce plan par rapport aux autres AINS et leur efficacité n’est pas supérieure à celle des AINS classiques. En revanche, ils exposent à des effets indésirables cardiovasculaires pouvant être graves (risque d’infarctus du myocarde). L’augmentation de la fréquence d’infarctus du myocarde et d’AVC a d’ailleurs conduit au retrait mondial en 2004 du rofécoxib.

Enfin, en inhibant préférentiellement la COX2, les Coxibs ne diminuent pas la production de thromboxane. Ils n’ont donc pas d’effet anti-agrégant plaquettaire.

Effets utiles en clinique

Certains AINS sont commercialisés à faibles doses pour leur effet antalgique et antipyrétique, leur effet anti-inflammatoire n’apparaissant qu’à des doses plus élevées.

Molécules

Indications

AINS utilisés comme antalgiques-antipyrétiques :

Ibuprofène, kétoprofène, diclofénac, naproxène, acide méfénamique

Traitement symptomatique des affections douloureuses et/ou fébriles

Traitement symptomatique des dysménorrhées essentielles.

Classe des arylcarboxyliques (diclofénac, kétoprofène…)

Classe des fénamates (acide niflumique)

Classe des oxicams (piroxicam, meloxicam, ténoxicam)

Classe des indoliques (indométacine, sulindac)

Traitement symptomatique au long cours des rhumatismes inflammatoires chroniques et de certaines arthroses douloureuses et invalidantes.

Traitement symptomatique de courte durée de poussées aiguës des rhumatismes abarticulaires, arthroses, arthrite, lombalgies.

Douleurs post-opératoires, crises de coliques néphrétiques, traumatologie, traitement adjuvant des manifestations inflammatoires en stomatologie ou chirurgie dentaire ou ORL.

Phénylbutazone

Traitement symptomatique au long cours de la spondylarthrite ankylosante.

Traitement de courte durée (moins de 7 jours) des poussées aiguës de rhumatismes abarticulaires, goutte et radiculalgie sévère.

Nimésulide

Traitement symptomatique des arthroses douloureuses et invalidantes.

Célécoxib

Traitement symptomatique des douleurs de l’arthrose et de la polyarthrite rhumatoïde.

Parécoxib

Traitement à court terme des douleurs post-opératoires.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

L’effet anti-inflammatoire, l’effet antalgique et l’effet antipyrétique résultent de l’inhibition de la formation des prostaglandines :

-Effet anti-inflammatoire : atténuation des phénomènes inflammatoires impliquant les prostaglandines (vasodilatation, œdème, douleur) sans effet sur les processus entraînant des lésions tissulaires chroniques.

-Effet antalgique : atténuation des douleurs d’origine périphérique.

-Effet antipyrétique : diminution de la fièvre et retour à la normale de la température corporelle par abaissement du seuil du thermostat hypothalamique.

L’importance respective de ces trois effets varie avec les produits.

L’effet anti-agrégant plaquettaire résulte de l’inhibition de la formation de thromboxane. Les Coxibs sont dénués d’effet antiplaquettaire à dose usuelle.

Posologie

Les AINS doivent toujours être prescrits et utilisés à dose minimale efficace (pour l’indication concernée) et pendant la durée la plus courte possible.

La poursuite du traitement ne se justifie pas en dehors des manifestations symptomatiques d’arthrose ou de maladie inflammatoire chronique.

Le choix d’un AINS doit tenir compte de son profil de sécurité par rapport aux facteurs de risques individuels du patient. Le risque digestif (ulcère, perforation, hémorragie) augmente avec la dose, au cours de la première semaine de traitement, en cas d’antécédent d’hémorragie/perforation et en cas d’association à un autre AINS, à une corticothérapie, aux anticoagulants ou aux ISRS. Il varie également selon le type d’AINS. A la dose utilisée dans les maladies inflammatoires, le risque le plus faible est observé avec l’ibuprofène puis le diclofénac, l’indométacine, le naproxène et le piroxicam. La prise des AINS se fera au cours des repas pour limiter leur toxicité digestive.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Molécule

Absorption

Distribution

Métabolisme

Elimination

AINS

Résorption digestive rapide

Bonne biodisponibilité (70 à 80%)

Bonne diffusion dans la plupart des tissus et fluides de l’organisme (diffusion facilitée dans les tissus inflam-matoires)

Forte liaison aux protéines plasmatiques (60 à 99%)

Métabolisme hépatique intense (90%)

Elimination essentiellement urinaire sous forme de métabolites

Source de la variabilité de la réponse

-Interactions médicamenteuses :

Les AINS entraînent une diminution de l’excrétion rénale de très nombreux médicaments, avec parfois des conséquences cliniques graves lors d’une altération de la fonction rénale même de faible amplitude.

Interaction médicamenteuse

Mécanisme et conséquences de l’interaction

AINS entre-eux

Augmentation du risque digestif et hémorragique

AVK

Déplacement des AVK de leur site d’action. Augmentation du risque hémorragique

Héparines

Déplacement des héparines de leur site d’action. Augmentation du risque hémorragique

Anti-agrégants plaquettaires

Déplacement des AAG de leur site d’action. Augmentation du risque hémorragique

Diurétiques, IEC

Diminution de la filtration glomérulaire par diminution de la synthèse des prostaglandines rénales. Risque d’IRA en cas de déshydratation

Metformine

Risque d’acidose lactique par diminution de l’élimination rénale de la metformine

Lithium

Augmentation de la lithiémie par diminution de son élimination rénale. Risque de surdosage

Méthotrexate (MTX)

Augmentation de la toxicité hématologique du MTX par diminution de son élimination rénale et déplacement de ses sites de liaisons aux protéines plasmatiques. Risque de surdosage

Sulfamides hypoglycémiants

Risque d’hypoglycémie par déplacements de leurs sites de liaison plasmatiques par les AINS

Ciclosporine, Tacrolimus

Addition des effets néphrotoxiques

Béta-bloquants

Réduction de l’effet anti-hypertenseur par inhibition des prostaglandines vasodilatatrices par les AINS

-Réponses des populations physiologiques particulières :

-Femme enceinte et allaitante : utilisation contre-indiquée à partir du 6ème mois. Toxicité de classe concernant tous les inhibiteurs de synthèse de prostaglandines : risques d’atteinte fonctionnelle rénale et d’atteinte cardiopulmonaire. Lors de l’accouchement, il y a un risque d’allongement du temps de saignement pour la mère et l’enfant.

Les AINS passent dans le lait maternel. Par mesure de précaution, il convient d’éviter de les administrer chez la femme qui allaite

-Sujet âgé : les sujets âgés présentent un risque accru d’effets indésirables aux AINS en particulier d’hémorragie gastro-intestinale et de perforations pouvant être fatales. Cependant, il n’y a pas lieu de réduire la posologie chez le sujet âgé.

-Réponses des populations pathologiques particulières :

-Insuffisance rénale sévère : les AINS sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère.

Les AINS, en inhibant l’action vasodilatatrice des prostaglandines rénales, sont susceptibles de provoquer une insuffisance rénale fonctionnelle par diminution de la filtration glomérulaire. Cet effet-indésirable est dose dépendant.

-Insuffisance hépatique sévère : les AINS sont contre-indiqués en cas d’insuffisance hépatique sévère.

Situations à risque ou déconseillées

Contre-indications :

Allergie aux AINS ou à l’aspirine

Ulcère gastro-duodénal en évolution

Insuffisances hépatiques ou rénales sévères

Antécédents récents de rectites ou rectorragies (pour les suppositoires)

Grossesse (déconseillé au premier trimestre et formellement contre-indiqué au 3ème trimestre) et allaitement

Enfants < 15 ans sauf mention

Lupus érythémateux disséminé

Affections cardiaques et vasculaires (célécoxib et parécoxib)

HTA non contrôlée (phénylbutazone)

Hémopathies, atteintes des lignées sanguines (phénylbutazone)

Précautions d’emploi

Arrêt immédiat en cas de réaction allergique (crise d’asthme) ou autres troubles graves.

Utiliser avec prudence les AINS en cas de déshydratation, HTA, antécédents d’ulcère, hernie hiatale ou hémorragie digestive, insuffisance cardiaque, hépatique ou rénale, chez le sujet âgé et chez les conducteurs et utilisateurs de machines.

La prescription d’un antisécrétoire (Inhibiteurs de la pompe à protons ou IPP) en association aux AINS se justifie dans des situations de risque clairement identifiées :

-sujets > 65 ans ;

-antécédent d’ulcère gastrique ou duodénal compliqué ou non compliqué ; 

-association à un antiagrégant plaquettaire, notamment l’aspirine à faible dose et le clopidogrel, et/ou les corticoïdes et/ou un anticoagulant (tout en rappelant que ces associations doivent de principe être évitées) ;

Les IPP seront utilisés à demi-dose (sauf oméprazole pleine dose), il n’y a pas de bénéfice clinique supplémentaire à prescrire une pleine dose.

Ne pas utiliser les AINS dans un contexte d'infection courante comme une angine, une rhinopharyngite, une otite, une toux, une infection pulmonaire, une lésion cutanée ou la varicelle, en particulier en automédication.

Effets indésirables

-Aux doses thérapeutiques :

Les effets indésirables des AINS sont nombreux, très fréquents parfois graves voire mortels. Etant donné leur très grande utilisation, notamment en France, les AINS font partie des médicaments les plus dangereux. Il convient de mettre en garde le patient contre les risques d’automédication.

Molécules

Nature de l’effet indésirable

gravité

Estimation de la fréquence

 

AINS

 

Epigastralgies, Nausées, gastralgies, vomissements, diarrhée,

modérée

Fréquent

hémorragie digestive occulte, ulcère gastro-duodénal, perforation digestive

Potentiellement grave

Exceptionnelle

rétention hydrosodée, hyperkaliémie, IRA, oligurie, syndrome néphrotique, élévation

Potentiellement grave

Très rare

Prurit, éruptions cutanées, urticaire

Peu grave

Fréquent

Crise d’asthme, œdème de Quincke voire choc anaphylactique,

Potentiellement grave

Rare

Arrêt immédiat du traitement

Syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson

Potentiellement grave

Exceptionnelle

Arrêt immédiat du traitement

Vertiges, céphalées, troubles visuels bénins, somnolence, acouphènes, asthénie, insomnie

Peu grave

Peu fréquent

Elévation des transaminases

Réversible

Exceptionnelle

Hépatites

Potentiellement grave

Rare

Leucopénie, thrombopénie, agranulocytose

Potentiellement grave

Rare

Arrêt immédiat du traitement

Cystite médicamenteuse

Potentiellement grave

Peu fréquent

Complications infectieuses cutanées et des tissus mous (notamment en cas de varicelle), pleuropulmonaires, neurologiques et ORL  Graves  Rares

Célécoxib

Infarctus du myocarde

Potentiellement grave

Peu fréquent

-Intoxication aiguë et surdosage :  

Symptômes de l’intoxication : Somnolence, vertiges, désorientation, brûlures de l’estomac, nausées, vomissements, convulsions surtout chez l’enfant en bas âge. Un surdosage sévère peut conduire à une hypertension, une insuffisance rénale aiguë, une atteinte hépatique, une détresse respiratoire, un coma, des convulsions et un collapsus cardiovasculaire avec arrêt cardiaque.

Signes biologiques : Altération des fonctions rénales et hépatiques, hypoprothrombinémie, acidose métabolique.

Conduite à tenir : Pas d’antidote spécifique, transfert immédiat en milieu hospitalier ; évacuation rapide du produit ingéré par lavage gastrique ; charbon activé pour diminuer l’absorption du médicament et traitement symptomatique avec surveillance des fonctions rénales et hépatiques.

Surveillance des effets

-Effets indésirables :

Au cours d’un traitement prolongé, il est recommandé de contrôler la numération et la formule sanguine, les fonctions hépatiques et rénales, notamment chez les patients présentant des facteurs de risques : sujets âgés, hypovolémie quelque soit la cause, insuffisance rénale chronique, insuffisance cardiaque, syndrome néphrotique, néphropathie lupique et cirrhose hépatique décompensée.

 

Une surveillance de la kaliémie est recommandée en cas de diabète ou en cas de traitement concomitant avec des médicaments hyperkaliémants.

 

Chez les patients prenant un traitement anti-coagulant, il convient de surveiller particulièrement l’apparition d’une symptomatologie digestive. En cas d’hémorragie gastro-intestinale, interrompre le traitement.

 

Surdosage : il n'existe pas d'antidote aux AINS. Le traietement sera donc essentiellement symptomatique et épurateur. L'administration orale de charbon actif ou la vidange gastrique peuvent être envisagées si le patient présente une quantité potentiellement toxique dans l'heure suivant l'ingestion. La surveillance portera essentiellement sur la tolérance rénale, digestive, pulmonaire, neurologique ainsi que sur les signes vitaux jusqu'à leurs normalisations.

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  • Dernière modification: : Romain Torrents
  • 12 mai 2022