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Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

*Anti-épileptiques : Les Points essentiels

Résumé de la fiche

La classe des anti-épileptiques regroupe plusieurs médicaments différents les uns des autres mais qui ont en commun de prévenir l'occurrence des crises chez des patients épileptiques. Ces médicaments sont classés en anti-épileptiques de première génération (classiques) et de deuxième génération (nouveaux) selon leur date de commercialisation. Des nouvelles molécules sont actuellement en cours de développement.

Les anti-épileptiques ont une action symptomatique avec l'objectif de diminuer l’hyperexcitabilité neuronale. Ils agissent selon trois principaux mécanismes d’action : (i) inhibition de la transmission glutamatergique ; (ii) potentialisation de l'action inhibitrice GABAergique ; (iii) blocage des canaux cationiques (Na+ voltage-dépendants ou Ca2+ de type T)

L’hétérogénéité des formes cliniques d’épilepsie explique que tous les anti-épileptiques ne soient pas efficaces dans toutes les formes d’épilepsie ni dans toutes les formes étiologiques, avec même la possibilité, pour certains, d’aggraver certains types de crises. Les médicaments anti-épileptiques sont considérés comme efficaces dans environ 70% des patients traités.

En dehors de l’épilepsie, certains anti-épileptiques sont utilisés en traitement fond de la migraine, comme régulateurs de l’humeur ou comme traitement des douleurs neurogènes. Les caractéristiques pharmacocinétiques des médicaments anti-épileptiques sont variables d’un produit à l’autre. L’élément le plus important à prendre en compte est la métabolisation hépatique de la plupart des anti-épileptiques et la capacité qu’ont certains d’exercer un effet inducteur enzymatique (carbamazépine, phénytoine, phénobarbital) ou un effet inhibiteur enzymatique (acide valproïque, felbamate, topiramate). Les nombreuses interactions médicamenteuses qui découlent du métabolisme hépatique des anti-épileptiques sont une des causes de variabilité de la réponse au traitement chez un patient donné. Il existe également une variabilité inter-individuelle dont témoigne une résistance au traitement chez 30% des patients.

Cette absence de réponse peut résulter d’une pseudo-résistance, liée à la pathologie et/ou au traitement, ou traduire une pharmaco-résistance vraie, liée à des anomalies des circuits neuronaux ou à une anomalie de la distribution cérébrale des anti-épileptiques. Des précautions d’emploi doivent être prises en cas de pathologie associée, d’association médicamenteuse, en fonction du type d’épilepsie et chez la femme enceinte. Des effets indésirables cérébraux existent pour tous les anti-épileptiques et sont liés à leur nature psychotrope.

En revanche, les effets idiosyncrasiques sont variables d’un médicament à l’autre. La surveillance de l’efficacité est avant tout clinique même si les dosages plasmatiques peuvent attester de l’observance thérapeutique et guider l’utilisation d’une association de deux anti-épileptiques. Une surveillance biologique et para-clinique est justifiée en cas de risque médicamenteux spécifique (par ex. felbamate, vigabatrin).

Au total, les antiépileptiques de première génération présentent une bonne efficacité thérapeutique et couvrent bien les différents types d'épilepsies mais leur usage est actuellement moins fréquent à cause de leur profil pharmacocinétique complexe (cinétique non linéaire, induction/inhibition enzymatique, interactions médicamenteuse etc...) et leurs nombreux effets indésirables.

Item(s) ECN

72 : Prescription et surveillance des psychotropes
103 : Épilepsie de l'enfant et de l'adulte
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant:

Rappel physiopathologique

Avec une incidence de cinquante nouveaux cas pour 100 000 personnes par an et une prévalence estimée à 0,5% de la population, la maladie épileptique est l'une des pathologies neurologiques les plus fréquentes, touchant 50 millions de personnes dans le monde dont 6 millions en Europe et 300 à 400 000 sujets en France. L’épilepsie est une maladie chronique qui se traduit par l’apparition récurrente de crises non provoquées. Dans les périodes intercritiques, l'état neurologique du patient est variable selon l’étiologie de l’épilepsie.


La maladie épileptique résulte d’une hyperexcitabilité neuronale paroxystique conduisant à des décharges anormales de potentiel d’action de tout ou une partie des neurones, responsables de la survenue des crises convulsives. Cette hyperexcitabilité neuronale est essentiellement liée à une instabilité ionique de la membrane cellulaire et le déséquilibre entre le neurotransmission inhibitrice (GABA) et celle excitatrice (glutamate). Le but des médicaments anti-épileptiques est de prévenir la récidive des crises en bloquant l’hyperexcitabilité neuronale, soit en renforçant l’activité inhibitrice GABAergique, soit en inhibant l’activité excitatrice du système glutamatergique, soit en modifiant la conductance ionique (canaux Na+ ou Ca2+).

On distingue deux grands types de crises :

1) les crises partielles, qui ne concernent qu’un groupe de neurones conduisant à des manifestations épileptiques focales sans (crise partielle simple) ou avec (crise partielle complexe) altération de l’état de conscience ;

2) les crises généralisées qui concernent l’ensemble des neurones du cerveau, conduisant à une perte de l’état de conscience brève (absence) ou prolongée avec activités motrices convulsives (crise généralisée tonico-clonique). Ces crises peuvent s’intégrer dans trois cadres nosographiques : les épilepsies idiopathiques; les épilepsies cryptogéniques; les épilepsies symptomatiques, secondaires à une lésion neurologique évolutive ou séquellaire.

Médicaments existants

Pendant plusieurs décennies, le traitement de la maladie épileptique a reposé sur l’utilisation de quatre principaux médicaments anti-épileptiques (phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine, vaproate de sodium) mis sur le marché entre les années 1910 et 1960, ainsi que sur quelques anti-épileptiques d’appoint (primidone, éthosuximide, benzodiazépines), eux aussi mis sur le marché depuis plus de 30 ans (tableau 1). Jusqu’au début des années 1990, l’arsenal thérapeutique anti-épileptique n’a guère évolué en dehors d’adaptations galéniques ou pharmacocinétiques des anti-épileptiques existants (formes à libération prolongé, fosphénytoïne, …) et de la commercialisation du progabide, un agoniste du récepteur GABA-A retiré du marché en raison de la survenue d'effets indésirables hépatiques sévères. Depuis 1990 et surtout depuis 1995, la pharmacopée anti-épileptique s’est enrichie de la mise sur le marché de huit nouveaux anti-épileptiques (vigabatrin, gabapentine, felbamate, lamotrigine, tiagabine, topiramate, oxcarbazépine, lévétiracétam). Cette nouvelle génération d’anti-épileptiques peut correspondre à une deuxième génération sur la base d’une classification purement chronologique (tableau 1).

Tableau 1.

Première génération

Deuxième génération

- Phénobarbital (1912)

- Phénytoïne (1938)

- Primidone (1952)

- Ethosuximide (1960)

- Carbamazépine (1964)

- Valproate de sodium (1967)

- Vigabatrine (1990)

- Felbamate (1994)

- Gabapentine (1995)

- Lamotrigine (1996)

- Tiagabine (1997)

- Topiramate (1998)

- Oxcarbazépine (2001)

- Lévétiracétam (2003)

D'autres molécules de dernière génération sont actuellement commercialisées: stiripentol, zonisamide, prégabaline, rufinamide, eslicarbazépine, lacosamide, perampanel et brivaracetam ou sont en cours de développement (losigamone, rémacémide, ralitonine etc.).

Mécanismes d’action des différentes molécules

Les médicaments anti-épileptiques, de première et de deuxième génération, agissent selon trois principaux mécanismes d’action : (i) inhibition de la transmission glutamatergique ; (ii) potentialisation de l'action inhibitrice GABAergique ; (iii) blocage des canaux cationiques (Na+ voltage-dépendants ou Ca2+ de type T) (figure 1). En effet, l’inhibition de la transmission glutamatergique peut être indirecte par l’inhibition des canaux Na+ voltage-dépendants des neurones glutamatergiques mais aussi ceux des neurones post-synaptiques responsables des décharges épileptiques.

Figure 1.

Antiépileptiques1

Ces 3 mécanismes correspondent aux principaux mécanismes d'action de nombreux anti-épileptiques de la première génération (classiques) et de la deuxième génération (nouveaux).

La lamotrigine inhibe directement la libération de glutamate. L’inhibition des voies glutamatergiques peut également résulter d’une action antagoniste au niveau des récepteurs NMDA (topiramate, felbamate). L’acide valproïque et l’éthosuximide inhibent l’hyperexcitabilité neuronale en bloquant les canaux calciques neuronaux voltage-dépendants et le lévétiracétam bloque l’hyperexcitabilité neuronale par un inhibition complexe de canaux ioniques.

L’activation du système GABAergique peut se faire aussi par différents mécanismes. L’activation peut être pré-synaptique par inhibition de la recapture du GABA (tiagabine) ou par inhibition de la GABA-transaminase, enzyme de dégradation du GABA (vigabatrin). Elle peut être post-synaptique par potentialisation de l'effet du GABA après fixation sur le récepteur GABAA (benzodiazépines).

Le tableau 2 résume les principaux mécanismes d'action des médicaments anti-épileptiques.

Tableau 2.

  Blocage des canaux Na+ voltage dependants Blocage de l'excitation induite par le glutamate Augmentation de la concentration cérébrale ou synaptique de GABA Potentialisation sélective des réponses induites par le GABA-A Blocage des canaux Ca2+ Autres mécanismes d'action
Carbamazépine ++ - ? - + (type L) +
Ethosuximide - - - - ++ (type T) ?
Phénobarbital - - + + - +
Phénytoine ++ - ? - ? +
Valproate ? - + ? + (type T) ++
Felbamate ++ ++ + + + (type L) +
Gabapentine ? - + - ++(type N, P/Q) +
Lamotrigine ++ - + - ++ +
Lévétiracétam - - ? + +(type N) ++
Brivaracétam + - - - - ++
Oxcarbazépine ++ - ? - +(type N, P) +
Eslicarbazepine (acétate) ++ - - - - -
Prégabaline - - ? - ++ ?
Tiagabine - - ++ - - +
Topiramate ++ ++ + + +(type L) +
Vigabatrine - - ++ - - +
Zonisamide ++ - ? - ++ +
Stiripentol - - ++ - - -
Lacosamide ++ - - - - -
Perampanel - ++ - - - -
Rufinamide ++ - - - - -
Clonazepam - - - ++ - -
Clobazam - - - ++ - -

++: effet principal, + : effets secondaires, - : pas d'effet connu, ? : controversé

Toutefois, pour la majorité des anti-épileptiques de première ou de deuxième génération, les mécanismes d'action sont en grande partie mal ou non connus et aucun mécanisme n'est strictement corrélé à l'action clinique anticonvulsivante. De plus, la similitude des mécanismes d'action des anti-épileptiques de première et de deuxième génération explique pourquoi 25-30% de patients ne pressentent pas d'équilibre optimal de leur épilepsie même sous traitement par nouvelles molécules. Le développement de molécules agissant sur des nouvelles cibles reste privilégié.

Effets utiles en clinique

Les traitements anti-épileptiques ont pour objectif de traiter la maladie épileptique en prévenant la récurrence des crises. L’objectif thérapeutique est donc de rendre le patient libre de crise, si possible en monothérapie sinon en recours à une association thérapeutique. L’hétérogénéité des formes cliniques d’épilepsie explique que tous les anti-épileptiques ne soient pas efficaces dans toutes les formes d’épilepsie ni dans toutes les formes étiologiques.

Par exemple, l’acide valproïque est particulièrement efficace dans les épilepsies généralisées, dont le petit mal, alors que l’efficacité maximale de la carbamazépine est observée pour les épilepsies généralisées mais s’avère inefficace sur le petit mal. L’utilisation des anti-épileptiques permet un contrôle optimal des crises chez 70% des patients traités.

Également en dépit d'un bonne réponse initiale, un échappement peut survenir chez 30% des patients après 3 ans de rémission. Par ailleurs, la survenue d'effets indésirables induits par les épileptiques de première te deuxième génération, avec une incidence qui peut atteindre 30% des cas, rend souvent nécessaire le changement d'anti-épileptique. Si la pharmaco-résistance, initiale ou secondaire, ou les effets indésirables rendent nécessaire le recours à un nouvel anti-epileptique, ce changement thérapeutique ne se efficace que dans 15% des cas, l’échec d'un premier traitement étant un facteur favorisant l’échec avec un deuxième anti-épileptique utilisé. Pour ces raisons, le développement de nouveaux anti-épileptiques demeure une nécessité.


En dehors de l’épilepsie, certains anti-épileptiques sont utilisés en  traitement fond de la migraine (topiramate), comme régulateurs de l’humeur (acide valproïque, carbamazépine) ou comme traitement des douleurs neurogènes (carbamazépine, gabapentine, prégabaline).

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

La prévention de la récidive des crises résulte de la prévention de l’hyperexcitabilité neuronale dont résulte la survenue d’une crise convulsive. L’hétérogénéité de réponse des différents types d’épilepsie aux différents types d’anti-épileptiques résulte d’une sensibilité différentielle des différents types de crises aux anti-épileptiques (tableau 3)

Tableau 3. Efficacité clinique des médicaments anti-épileptiques selon le type d'épilepsie

Molécule

Crise partielle

Crise généralisée

 

avec ou sans

généralisation secondaire

Tonico-clonique

Absence

Myoclonie

Acide valproïque

+

+

+

+

Carbamazépine

+

+

-

-

Ethosuximide

+

+

+

?

Felbamate

+

+

+

?

Gabapentine

+

+( ?)

-

-

Lamotrigine

+

+

+

+

Lévétiracétam

+

+(?)

?

?

Oxcarbazépine

+

+

-

-

Phénobarbital

+

+

0

0

Phénytoïne

+

+

-

-

Tiagabine

+

?

-

?

Topiramate

+

+

?

+

Vigabatrine

+

+

-

-

+ efficacité prouvée ; +( ?) efficacité probable ; - aggravation des crises ; ? effet inconnu ; 0 pas d’effet

A titre d’exemple, parmi les crises généralisées, les crises de type absence sont sensibles à l’acide valproïque et à l’éthosuximide, sont insensibles au phénobarbital ou à la gabapentine voire sont aggravées par la carbamazépine, l’oxcarbazépine, la phénytoine, le vigabatrin.

Ces différences de sensibilité restent cependant mal expliquées sur le plan pharmacodynamique. La validation de l’efficacité des anti-épileptiques résulte d’essais cliniques prenant comme critère de jugement l’absence de crise pour l’évaluation des monothérapies de première ou de deuxième intention ou une réduction de 50% des crises pour l’évaluation des stratégie de traitement adjuvant dans les formes résistantes. En fonction des résultats de ces essais thérapeutique et de la forme d’épilepsie, les anti-épileptiques sont efficaces en monothérapie de première ou de deuxième intention ou en association.


L’utilisation de certains anti-épileptiques dans le traitement des troubles bipolaires, dans le traitement fond de la migraine ou dans la prise en charge des douleurs neurogènes s’expliquent également par la diminution d’une hyperexcitabilité neuronale, probablement en cause dans la physiopathologie de ces affections.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Les caractéristiques pharmacocinétiques des antiépileptiques sont variables d’un médicament à l’autre et sont résumées dans le tableau 4.

Tableau 4. Principaux caractéristiques pharmacocinétiques des anti-épileptiques

  Paramètres pharmacocinétiques
DCI Biodisponibilité orale Tmax (h) Fixation protéique (%) Métabolisme Elimination t1/2(h) Délai pour le plateau d’équilibre (j)
Acide Valproïque +++ 4 90 (saturable) Hépatique Rénale 5-20 2-4
Carbamazépine ++ 2 75 Hépatique (actif) Rénale ± biliaire 8-24 3-8
Ethosuximide +++ 3-7 0 Hépatique ± Rénale 20-60 7
Felbamate +++ 1-4 25 Hépatique Rénale et Hépatique 15-23 4
Gabapentine ++ 2-3 - - Rénale 5-7 1-2
Lamotrigine +++ 2-3 55 Hépatique Rénale 25 3-15
Lévétiracétam +++ 1.3 <10 Hépatique ± Rénale 7-11 2
Oxcarbazépine ++ - 40 Hépatique (actif) Rénale 8-14 3
Phénobarbital ++ 2-8 50 Hépatique Rénale 40-140 10-30
Primidone ++ 4 - Hépatique Rénale 4-10 2
Phénytoïne + à ++ (dose-dépendant) - 90 Hépatique (saturable) Rénale ± biliaire 10-24     (→48) 3 - 12 (→20)
Tiagabine +++ 2 96 Hépatique Hépatique 7-9 2
Topiramate +++ 3-4 15 Hépatique ± Rénale et Hépatique 2-1 4-8
Vigabatrine ++ 1-2 - - Rénale 5-8 2
Rufinamide ++ 6 34 Hépatique Rénale 6-10 2
Eslicarbazepine ++ 2-3 <40 Hépatique Rénale 20-24 4-5
Zonisamide +++ 2-5 40-50 Hépatique Rénale 60 13
Prégabaline  +++ - - Rénale 6 1-2
Stiripentol ++ 1,5 99 - Rénale 4,5-13 3
Perampanel ++ - 95 Hépatique 1/3 rénale             2/3 hépatique 105  22

La cinétique des nouveaux anti-épileptiques est habituellement linéaire, contrairement aux anti-épileptiques classiques (ex.phénytoine). La biodisponibilité orale des anti-épileptiques est habituellement bonne avec des différences dans la cinétique de resorption qui peut être lente ou rapide.

Concernant la distribution plasmatique, le pourcentage de fixation aux protéines plasmatiques est variable d’un anti-épileptique à l’autre mais n’engendre pas de conséquence majeure en termes d’interaction médicamenteuse. Au contraire, la distribution tissulaire est variable en fonction du degré de liposolubilité de la molécule: par ex. elle est maximale pour le phénobarbital qui est très lipophile. Tous les anti-épileptiques passent plus ou moins bien la barrière hémato-encéphalique, expliquant leur utilisation possible dans les maladies neuropsychiatriques.

De nombreux anti-épileptiques subissent un métabolisme hépatique expliquant de nombreuses interactions médicamenteuses possibles. Ce risque d’interaction est majoré par le fait que les anti-épileptiques peuvent mofidier le métabolisme hépatique en l’activant pour les anti-épileptiques inducteurs enzymatiques (phénobarbital, carbamazépine, phénytoine, oxcarbamazépine) ou pour les anti-épileptiques inhibiteurs enzymatiques (acide valproïque, felbamate, topiramate).

Selon les cas, l’élimination des anti-épileptiques est rénale, hépatique ou mixte. La période nécessaire pour atteindre le plateau d’équilibre est variable parfois de plusieurs jours. Ceci est à prendre en compte dans l’évaluation de l’efficacité d’un traitement anti-épileptique, lors de son instauration ou en cas de changement posologique. La demi-vie plasmatique des anti-épileptiques est variable mais peut être très prolongée (100 heures dans le cas du phénobarbital). Il n’existe pas de relation absolue entre la demi-vie plasmatique et la durée d’efficacité comme dans le cas du vigabatrin où, en dépit d’un demi-vie plasmatique courte (5 à 8 heures), la durée d’action est prolongée en raison du caractère irréversible de l’inhibition de la GABA-transaminase, expliquant la possibilité d’une prise quotidienne unique.

Source de la variabilité de la réponse

Pour la plupart des médicaments anti-épileptiques, l’efficacité thérapeutique est habituellement dose-concentration-dépendante ce qui conduit à réaliser une titration du traitement anti-épileptique jusqu’à la dose maximale tolérée. La gestion du traitement est plus complexe en cas de non-linéarité des courbes dose-concentration, comme c’est le cas pour la phénytoine. Une autre source de variabilité de la réponse à la phénytoine depend du fait que elle est metabolisée par le CYP2C9, qui présente un polymorphisme génétique.

Le phénobarbital, la carbamazépine et la phénytoine sont des inducteurs enzymatiques, qui exposent à une diminuition de l'effet de certains medicaments antiépilectiques et non (ex. estroprogestatifs). En revanche le valproate est un inhibiteur enzymatique, qui provoque un'augmentation des concentrations des autres médicaments (ex. lamotrigine).


La variabilité de la réponse au traitement est attestée par l’existence de patients pharmaco-résistants. En effet, si environ 70% des patients vont répondre à la première ou à la deuxième monothérapie instaurée et devenir « libres de crises », on estime que 30% des patients vont présenter une épilepsie réfractaire au traitement. Cette absence de réponse peut résulter d’une pseudo-résistance ou traduire une vraie pharmaco-résistance. Les causes de pseudo-résistance peuvent être liées à la pathologie (erreur diagnostique, complexité du syndrome épileptique, inobservance thérapeutique) ou au traitement (inadéquation du choix de l’anti-épileptique à la forme d’épilepsie, dose ou concentration plasmatique insuffisante, intéraction médicamenteuse, effet indésirable).


Quand les causes de pseudo-résistance ont été éliminées et après échec à un essai séquentiel de plusieurs monothérapies et/ou associations, on considère qu’il s’agit d’une vraie épilepsie pharmacorésistante, qui concerne environ 20% des patients. Cette pharmacorésistance est favorisée par des facteurs cliniques particuliers (nombreuses crises avant le traitement, syndromes épileptiques avec lésions cérébrales) et pourrait résulter soit d’anomalies des circuits neuronaux soit de modifications, acquises ou constitutionnelles, de certains systèmes d’efflux de la barrière hémato-encéphalique venant limiter la distribution cérébrale des anti-épileptiques.

 

Situations à risque ou déconseillées

L’hypersensibilité connue à un des composants constitue une contre-indication absolue à l’utilisation de l’anti-épileptique considéré.

En dehors de cette contre-indication non spécifique, certains anti-épileptiques peuvent être contre-indiqués en raison du type de syndrome épileptique (utilisation de la tiagabine dans les formes d’épilepsie avec absences) ou en raison d’un état pathologique sous-jacent : maladie hépatique (acide valproïque, tiagabine, felbamate,…) ; porphyrie (phénobarbital, carbamazépine) ; maladie hématologique (felbamate, carbamazépine) ; insuffisance respiratoire (phénobarbital) ; bloc auriculo-ventriculaire (carbamazépine) etc...

Certaines associations médicamenteuses sont également contre-indiquées : millepertuis (phénobarbital, acide valproïque) ;  saquinavir (phénobarbital, carbamazépine) ; méfloquine (acide valproïque) etc...

Précautions d’emploi

De nombreuses précautions d’emploi sont liées à des intéractions médicamenteuses qui justifient que certaines associations d'anti-épileptiques ou des associations d'anti-épileptiques avec d’autres classes médicamenteuses sont déconseillées (Tableaux 5 et 6).

Tableau 5. Évolution des concentrations plasmatiques des anciens anti-épileptiques lorsqu'on ajoute un médicament de nouvelle génération

Produit nouveau ajouté Carbamazépine Phénobarbital Phénytoïne Valproate de sodium
Felbamate (-) (+) (+) (+)
Gabapentine 0 0 0 0
Lamotrigine 0 0 0 0
Oxcarbazepine 0 0 0 0
Tiagabine 0 ou   (-) 0 ou   (-) 0 ou (-) 0 ou (-)
Vigabatrin 0 0 - 0
Zonisamide (+) ou (-) 0 0 ou (+) 0
Stiripentol 0 (+) (+) 0
Primidone (-) 0 0 0

 

Tableau 6. Evolution des concentrations plasmatiques des nouveaux anti-épileptiques lorsqu'on ajoute un médicament de première génération

Produit ancien ajouté FBM GBP LTG OXC TGB TPM GVG PRP TGB ETX RFM
CBZ (-) 0 (-) (-) (-) (-) 0 0 (-) (-) 0
PB (-) 0 (-) (-) (-) (-) 0 (-) (-) 0 0
PHT (-) 0 (-) (-) (-) (-) 0 (-) 0 0 0
VPA (+) 0 (+) 0 0 (-) 0 0 0 0 (+)

 

Ces interactions médicamenteuses sont particulièrement à prendre en compte, en cas d’associations d’anti-épileptiques en raison du risque d’inefficacité ou du risque toxique par diminution ou augmentation des concentrations plasmatiques.


Le risque d’effet indésirable peut conduire à des instaurations progressives du traitement (progression posologique nécessaire pour la lamotrigine en raison du risque cutané).


La nature des crises et/ou du syndrome épileptique doit être prise en compte dans le choix du traitement en raison du risque d’aggravation de certaines formes d’épilepsie (petit mal-absence, épilepsie myoclonique) par certains anti-épileptiques.


Le risque d’inhibition de l’efficacité des oestro-progestatifs induite par les anti-épileptiques inducteurs enzymatiques (phénobarbital, carbamazépine, diphénylhydantoïne) doit être pris en compte lors de l’instauration d’une contraception orale chez les patients épileptiques en âge de procréer.

Les antiépilectiques classiques sont tératogènes, avec un risque de spina bifida avec valproate et carbamazépine et malformations cardiaques avec phénobarbital et fénitoine. La tératogenicité du valproate de sodium et ses effets néfastes sur le développement neurologiques des enfants exposés in utero font que actuellement cette molécule est fortement déconseillée chez les femmes en âge de procréer. Pour la plupart des antiépileptiques plus recents, les données sont toujours insuffisantes.
L’utilisation des anti-épileptiques chez la femme enceinte doit obéir à des règles strictes en raison du risque teratogène majoré chez les femmes épileptiques traitées : programmation de la grossesse, choix de l’anti-épileptique guidé par la clinique, monothérapie de préférence, posologie minimale efficace, supplémentation en folates pendant le grossesse. 

Pour les autres terrains, en l’absence d’effet de classe, chaque produit doit être considéré spécifiquement.

Effets indésirables

Les anti-épileptiques sont des médicaments responsables d’effets indésirables parfois fréquents et de nature variés (Tableau 7)

 

 

Médicament DCI Effets indésirables aigus idiosyncrasiques Effets indésirables aigus dose-dépendants Effets indésirables chroniques
Acide valproïque Pancréatite aiguë, hépatite cytolytique, thrombopénie, encéphalopathie, leucopénie Dyspepsie, nausées, vomissements Tremblement, prise de poids, alopécie, oedèmes périphériques
Carbamazépine Leucopénie/agranulocytose, Stevens Johnson, rash morbilliforme, atteinte hépatique cytolytique, anémie aplasique
Somnolence, étourdissement, ataxie, nausées, vomissements, vision trouble, diplopie, troubles de la conduction cardiaque     Hyponatrémie

Ethosuximide

Rash, Stevens Johnson, agranulocytose, anémie aplasique

Anorexie, nausées, vomissements Somnolence, véphalées, étourdissements, troubles de la personnalité

Alteration des fonctions cognitives

Felbamate

Anémie aplasique, hépatite cytolytique

Altérations des fonctions cognitives, sensations vertigineuses

Altérations des fonctions cognitives,
effet anorexigene avec perte de poids

Gabapentine

Rash, stevens Johnson, troubles du comportement

Somnolence, étourdissements, ataxie, fatigue 

 

Lamotrigine

Etourdissements, rash, Steven Johnson, atteinte hépatique, atteinte hématologique

Sensations, vertigineuse,    ataxie, somnolence, céphalées, diplopie, vision trouble, nausées, vomissements

Mouvements anormaux (tics)

Lévétiracétam

Neutropénie, pancytopénie, thrombopénie

Somnolence, faiblesse, étourdissements, anorexie 

Troubles du comportement

Oxcarbazépine

Rash

Sensations, vertigineuses, diplopie, dyskinésies, ataxie, céphalées 

 Hyponatrémie

Phénobarbital

Rash, Stevens Johnson, atteinte hépatique, agranulocytose, thrombopénie, lupus induit, rhumatisme

Somnolence

Troubles du comportement, troubles de la cognition

Phénytoïne

Dyscrasie sanguine, Lupus induit, rash, Stevens Johnson, hépatotoxicité

Ataxie, nystagmus, nausées, vomissements

Acnée, hirsutisme,visage épais, hypertrophie gingivale, pression, confusion, anémie, mégaloblastique

Tiagabine  

Sensations, vertigineuses, nervosité, fatigue, confusion, tremblements

 
Topiramate

Glaucome secondaire à angle fermé

Somnolence, étourdissement, ataxie, anémie, leucopénie

Alopécie, calculs rénaux, ralentissement psychomoteur, troubles  cognitifs

Vigabatrine

Psychose, rash

Sédation, fatigue

Rétrecissement concentriques du champ visuel, prise de poids, dépression

Rufinamide  

Céphalées, vertiges, fatigue, somnolence, vomissement

 
Eslicarbazepine (acétate)   Vertiges, somnolence, céphalée, nausées  
Zonisamide

Eruption cutanée, allergie, troubles hématologiques

Somnolence, vertige, anorexie

 
Pregabaline   Etourdissement, somnolence  
Stiripentol  

Anorexie, perte de poids, insomnie, somnolence, ataxie, hypotonie, dystonie

 
Perampanel   Vertiges, somnolence  

 

 Les effets indésirables de nature pharmacodynamique, souvent dose-dépendants, et concernant le système nerveux central sont fréquents et peuvent rendre compte, en complément de la maladie épileptique elle-même, des manifestations cognitives émaillant l’évolution de l’épilepsie.

D’autres effets indésirables sont idiosyncrasiques et peuvent constituer une limite à l’utilisation du traitement, comme dans le cas du felbamate (indication limitée au syndrome de Lennox-Gastaut résistant) ou dans le cas du vigabatrin, dont l’utilisation en première intention n’est recommandée que dans le cas du syndrome de West.

Surveillance des effets

Le jugement de l’efficacité d’un traitement épileptique est avant tout clinique, reposant sur l’absence ou la persistance des crises. Cette efficacité ne doit être jugée que lorsque les concentrations du traitement ont atteint leur plateau d’équilibre. En cas d’inefficacité, l’augmentation de la posologie est licite en raison de la variabilité inter-individuelle et peut atteindre la dose maximale tolérée.

Le dosage plasmatique peut contribuer à déterminer la posologie optimale même si le niveau de preuve de l’intérêt des dosages plasmatiques reste à confirmer. Le dosage plasmatique est, en revanche, indispensable pour juger de l’observance thérapeutique, qui est un paramètre essentiel à prendre en compte dans l’évaluation de l’efficacité d’un produit. Il peut être justifié en cas d’associations médicamenteuses susceptibles de modifier les concentrations plasmatiques d’un anti-épileptique donné.


La surveillance biologique, en particulier hépatique et hématologique mais aussi ionique, est indispensable dans le suivi d’un anti-épileptique comme le felbamate et nécessaire au moindre signe d’appel pour d’autres anti-épileptiques (acide valproïque, carbamazépine, diphénylhydantoïne,…). La surveillance de certains anti-épileptiques nécessite la réalisation d’examens para-cliniques complémentaires comme la réalisation d’une mesure du champ visuel pour la surveillance d’un traitement par vigabatrin.

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  • 13 mai 2022