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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

*Antiviraux : Les points essentiels

Résumé de la fiche

La chimiothérapie antivirale connaît un développement lent et difficile, conséquence de 3 propriétés intrinsèques liées aux virus : le parasitisme intracellulaire strict, leur incapacité à s’autorépliquer et leur diversité (virus à ADN et à ARN). Les infections virales prises en charge en thérapeutique peuvent être une infection aigue (traitement de la grippe), une infection latente avec réactivation (herpesviridae) et une infection chronique (virus de l’immunodéficience humaine ou VIH, virus de l’hépatite B ou VHB et le virus de l’hépatite C ou VHC). La principal difficulté liée au traitement reste le parasitisme intracellulaire strict des virus ainsi que l’intégration du génome viral dans le génome cellulaire. De plus, certains virus comme les herpesviridae sont capables de détourner la machinerie cellulaire afin d’échapper à la réponse immunitaire. La chimiothérapie va se heurter à 2 obstacles : l’interférence avec le métabolisme cellulaire normal (risque de cytotoxicité) et la variabilité génétique des virus (concernant l’infection par le VIH, la transcriptase inverse génère une erreur par virus et par cycle de réplication).

Néanmoins, chaque étape du cycle (pénétration, réplication, assemblage et libération des virions) est une cible potentielle. Actuellement, 6 des 8 étapes du cycle de réplication d’un virus sont ciblées : la fixation virus/cellule cible, la fusion des membranes, la synthèse des acides nucléiques avant intégration, l’intégration du génome viral au génome de la cellule hôte, la maturation protéique des virions et la libération des virions.

D’une manière générale, hormis pour la prise en charge de l’hépatite C chronique pour laquelle l’éradication virale est l’objectif thérapeutique, les antiviraux sont virustatiques (inhibition réversible de la réplication virale).

Une mention particulière concerne les nombreux inhibiteurs compétitifs des ARN ou ADN polymérases : ce sont des pro-médicaments qui nécessitent une bi ou une tri-phosphorylation intracellulaire afin d'être actif.

Malgré un index thérapeutique élevé qui permet aux antiviraux de bloquer une étape du cycle de réplication viral sans interférer avec les fonctions cellulaires, cette classe pharmacologique doit être utilisée avec précautions du fait de nombreux effets indésirables, et interactions médicamenteuses, via une induction/inhibition de certains cytochromes). Concernant l’infection par le VIH (pour laquelle la réplication virale est intense), le contrôle virologique est dépendant de l’observance des patients ainsi que d'un suivi thérapeutique et pharmacologique rigoureux garantissant le succès du traitement.

Concernant le VHB on apprécie l’effet thérapeutique en suivant la décroissance de la charge virale plasmatique. Pour le VHC et le VIH, la caractérisation de la cible (quantification de la charge virale et génotypage viral) restent indispensables, en dépit de l'apparition de molécules pangénotypique pour le VHC, pour optimiser la prise en charge. Pour le VIH on se réfère aussi à la restitution ou au maintien de la population cellulaire cible du virus : les lymphocytes CD4.

Un autre mécanisme de protection contre les infections virales consiste en la vaccination. Outre son intérêt préventif tant au niveau individuel que collectif, on sait que son prix est sans commune mesure avec les thérapeutiques médicamenteuses. Si nombre de vaccins assurent une excellente protection durable tant pour les individus que les groupes (poliomyélite, rougeole, rubéole, grippe, rage, hépatite B,…), ils tardent, malheureusement, à apparaître dans certaines maladies devenues pandémiques comme les infections liées au VIH et au VHC. Nous ne traiterons pas de la vaccination dans ce chapitre « antiviraux ». 


Cours antiviraux du Dr. F Lemaître, Rennes


Cours antirétroviraux du Pr Françoise STANKE-LABESQUE, Grenoble

Item(s) ECN

163 : Hépatites virales
165 : Infections à VIH
173 : Prescription et surveillance des anti-infectieux chez l’adulte et l’enfant
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant
162 : Grippe
164 : Infections à herpès virus du sujet immunocompétent

Rappel physiopathologique

La multiplication virale comporte de manière générale 8 étapes et chacune de ces étapes est une cible thérapeutique potentielle :

1.       Attachement du virus sur des récepteurs de la membrane cytoplasmique

2.       Pénétration dans la cellule par endocytose ou par fusion

3.       Décapsidation qui libère le génome viral

4.       Réplication, où le génome viral détourne la « machinerie » cellulaire

5.       Transcription tardive

6.       Traduction tardive

7.       Formation de nouveaux virions

8.       Libération de nouveaux virions

La physiopathologie des infections virales est la résultante des 3 grandes propriétés intrinsèques des virus : un parasitisme cellulaire strict, leur incapacité à s’autorépliquer et enfin une grande diversité (virus à ARN et virus à ADN). Ce parasitisme cellulaire strict explique l’existence de cellules cibles pour ces virus : les cellules CD4+ pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les hépatocytes pour les virus des hépatites B et C (VHB, VHC), les corps cellulaires des neurones pour les herpes simplex virus (HSV) et le virus de la varicelle et du zona (VZV), les monocytes/macrophages et les cellules CD34+ pour le cytomégalovirus (CMV) et enfin les cellules épithéliales bronchiques pour les virus influenzae (virus de la grippe).

Le type d’infection varie en fonction de ces virus : infection aigue pour les virus de la grippe, infection chronique avec éradication virale complète possible (VHC), infection chronique sans éradication virale envisageable (VIH et VHB) et infection latente avec des phases de réactivation (HSV-1 & HSV-2, CMV, VZV).

Les virus des hépatites (à ADN et à ARN) vont engendrer une destruction des hépatocytes avec d’autres composantes dépendantes du type de virus : les virus A et E des hépatites (VHA et VHE) sont directement cytopathogènes pour l’hépatocyte. Le VHB engendre une réaction immunitaire secondaire à l’expression d’antigènes du VHB à la surface des hépatocytes. Concernant le VHC, les lésions hépatiques sont la conséquence d’une toxicité directe du virus engendrant une réaction inflammatoire importante (provoquant une réaction de nécrose +/- fibrose). Certains virus (VHB, VHC) peuvent aboutir à une chronicité de l’infection. En France, on estime à 150 000 porteurs d’infection chronique à VHB et 150 000 à 160000 porteurs d’une hépatite chronique à VHC. Ce dernier chiffre est en constante diminution depuis l'apparition des antiviraux à action directe dirigés contre le VHC.

Les herpesviridae sont considérés comme de « gros » virus à poids moléculaire élevé codant pour un nombre très important de protéines. Cette « machinerie » génétique très importante permet à ces virus de pouvoir échapper à la réponse immunitaire (et aux antiviraux) en produisant de nombreuses protéines cellulaires fonctionnant comme des leurres. Ce modus vivendi créé par ces virus avec l’organisme explique le cycle infectieux particulier de cette famille avec une phase de primo-infection, une infection latente, une phase de réactivation via un stimulus

La physiopathologie de l’infection par le VIH est plurifactorielle. Dans un premier temps, le VIH va cibler les cellules CD4+ avec un corécepteur conférant au virus un tropisme macrophagique (CCR5) ou lymphocytaire (CXCR4). Ce tropisme va engendrer une destruction lente et progressive des cellules infectées (lymphocytes, monocytes/macrophages, cellules dendritiques, cellules souches) responsable d’un syndrome d’immunodéficience acquis (SIDA). Une atteinte tissulaire est également décrite durant l’infection par le VIH avec principalement une atteinte du système nerveux central via une neurotoxicité directe et une production de métabolites neurotoxiques, responsables de la démence associée au SIDA (ou ADC pour AIDS Dementia Complex) .

Médicaments existants

L’index thérapeutique des antiviraux doit être le plus important possible, permettant de bloquer la multiplication virale sans interférer avec les fonctions vitales cellulaires.

La phase de synthèse du génome viral est l’étape moléculaire se distinguant le plus des voies biochimiques et moléculaires de la cellule hôte. Cette étape peut néanmoins être différente en fonction du type de virus (virus à ADN ou virus à ARN). Cette étape est assurée par des polymérases virales distinctes des polymérases cellulaires qui sont alors des cibles idéales pour les antiviraux de synthèse : il s’agit de l’ADN polymérase ARN dépendante (la transcriptase inverse du VIH) ou d’ADN polymérases de la plupart des virus à ADN (VHB et herpes viridae).

Á l’heure actuelle, il existe en France 44 antiviraux possédant une autorisation de mise sur le marché :

Mécanisme d’action

Molécules

Inhibition de la fixation virus/cellule cible 

amantadine (virus cible = virus de la grippe)

maraviroc (anti-CCR5, corécepteur des souches VIH à tropisme « R5 » (virus cible = VIH)

Inhibition de  la fusion des membranes

enfuvirtide ou T20 (virus cible = VIH) ;

palivizumab, anticorps monoclonal humanisé dirigé contre la protéine de fusion (cible = virus respiratoire syncytial [VRS]).

Inhibiteurs de la synthèse des acides nucléiques- Analogues nucléos(t)idiques

INTI

Abacavir (virus cible = VIH)

Adéfovir dipivoxil, analogue nucléotidique (cible = VHB)

Didanosine (virus cible = VIH)

Emtricitabine (virus cible = VIH)

Entécavir (virus cible = VHB)

Lamivudine (virus cibles = VIH+VHB)

Stavudine (virus cible = VIH)

Telbivudine (virus cible = VHB)

Tenofovir disoproxil ou Tenofovie alafenamide, analogues nucléotidiques (virus cibles= VIH et  VHB)

Zidovudine (virus cible = VIH)

Ribavirine (virus cible = VHC)

Aciclovir, gancicolovir, cidofovir, famciclovir, valaciclovir, valganciclovir (virus cibles = herpesviridae)

Inhibiteurs non nucléosidiques de la synthèse des acides nucléiques

INNTI, (virus cible = VIH)

Nevirapine

Efavirenz

Etravirine

Rilpivirine

Foscarnet (virus cible = herpesviridae)

Inhibiteur de synthèse et/ou de régulation de l'ARN du VHC :

Daclatasvir

Ledipasvir

Ombitasvir

Dasabuvir

Elbasvir

Velpatasvir

Inhibition de l’intégrase du VIH

Raltégravir

Elvitégravir

Dolutégravir

Inhibition de synthèse protéines tardives 

Inhibition de la Protéase du virus

Inhibiteurs de la Protéase du VIH :

Atazanavir

Darunavir

Fosamprénavir

Indinavir

Lopinavir

Ritonavir

Saquinavir

Tipranavir

Inhibiteurs de la Protéase du VHC :

Siméprévir

Paritaprévir

Grazoprévir

Inhibition de la libération des virions (grippe)

Oseltamivir, Zanamivir

Mécanismes d’action des différentes molécules

L'action des antiviraux repose sur deux grands principes pharmacologiques : soit l’immunomodulation via l’administration de cytokines humaines recombinantes (IFN-α2a et IFN-α2b) uniquement utilisées dans la prise en charge des hépatites virales chroniques soit l’inhibition de la réplication virale en bloquant une ou plusieurs étapes du cycle de réplication viral.

1. Immunomodulation : stimulation de l’immunité innée et acquise antivirale via l’administration d’interférons humains de type I recombinants (IFN-α2A ou IFN-α2b). Les formes Pegylées des interférons permettent de maintenir des concentrations élevées d’IFN en retardant leur élimination, ce qui entraîne un accroissement de leur efficacité.

2. Inhibition liaison virus-cellule cible : l’amantadine, une amine cyclique, bloque la liaison entre le virus A de la grippe et la cellule cible.

Le maraviroc (anti VIH) inhibe l’entrée du VIH dans ses cellules cibles en bloquant le co-récepteur du VIH, le CCR5.

3. Inhibition fusion des membranes du virus et de la cellule cible : il s’agit

- d’une part de l’enfurvitide (peptide de 36 acides aminés) via l’inhibition de la fusion des membranes entre les cellules cibles du VIH (cellules CD4 positives) et le VIH.

- d’autre part d’un anticorps monoclonal humanisé anti-VRS, indiqué chez de très jeunes enfants qui souffrent de dysplasie bronchopulmonaire ou de cardiopathie congénitale.  Le palivizumab, monoclonal humanisé de type IgG1K, dirigé contre un épitope du site antigénique A de la protéine de fusion du VRS. Cet anticorps exerce une puissante activité neutralisante et d'inhibition de fusion vis-à-vis des variétés des sous-types des chaînes A et B du VRS.

4. Inhibition de la réplication virale : cette inhibition peut être compétitive (blocage du site actif de l’enzyme virale cible grâce à des analogues nucléosidiques ou nucléotidiques) ou non compétitive (blocage de l’enzyme virale sur un site différent de celui de fixation des nucléotides naturels). Les enzymes cibles sont : la transcriptase inverse des virus VIH-1 & VIH-2 ou l’ADN polymerase (pour les anti-VHB et les antiherpesviridae). Par exemple, en bloquant l’ADN polymérase ARN dépendante du VIH (la transcriptase inverse) par les inhibiteurs nucléosidiques ou non nucléosidiques, il y a alors formation d’un ADN proviral qui ne peut pas s’intégrer au génome cellulaire.

En dehors du foscarnet, les nucléosides et nucléotides inhibant de manière compétitive les ADN ou les ARN polymérases virales doivent subir des étapes de phosphorylation intracellulaires. Concernant les antiviraux anti-herpesviridae (en dehors du cidofovir et du foscarnet), la première étape de phosphorylation doit être effectuée par une thymidine kinase virale. En conséquence, seules les cellules infectées contiennent les métabolites tri-phosphorylés possédant une activité antivirale.

5. Inhibition de l’intégration du génome viral au sein du génome cellulaire:

Les inhibiteurs de l’intégrase du VIH (raltégravir, elvitégravir, dolutégravir) sont des inhibiteurs de l'enzyme qui assure l'intégration de l'ADN d'origine virale (obtenu à partir de l'ARN virale sous l'effet de la transcriptase inverse) dans l'ADN humain, étape nécessaire à la reproduction du virus.

6. Inhibition de la maturation des particules virales: Les molécules agissent en fin de cycle de réplication virale selon un mécanisme d’action commun. Elles se lient de manière compétitive au site actif de la protéase du VIH-1 et empêchent ainsi le clivage des précurseurs polypeptidiques gag et pol viraux en protéines de structure définitive. Les particules virales nouvellement formées sont alors immatures et non infectieuses.

7. Inhibition de la libération des particules virales : inhibition de l’enzyme « neuraminidase » des virus de la grippe : oseltamivir, zanamivir. Les nouvelles particules virales ne sont pas libérées par bourgeonnement limitant ainsi la propagation du virus.

La figure 1 présente, à titre d'illustration les différentes étapes de la réplication du Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH) qui constituent des cibles pour les traitements de cette pathologie. Ces points sont détaillés dans l'animation de la figure 2.

 

Figure 1: Cibles des traitements du VIH:

Antiviraux VIH 

Effets utiles en clinique

Il est communément admis que les antiviraux sont virostatiques (bloquant la multiplication virale sans pouvoir éradiquer le virus) avec comme objectif d’empêcher la progression de la maladie. L’efficacité clinique des antiviraux est établie. Cependant, l’index thérapeutique doit être le plus élevé possible afin que les interférences avec le métabolisme cellulaire normal soit le plus faible possible permettant ainsi de limiter au maximum la cytotoxicité des antiviraux.

Seul le traitement de l’infection chronique par le VHC permet d’éradiquer le virus. Concernant l’infection par le VIH ou par le virus de l'hépatites B, le maintien ou la restauration du système immunitaire permet de limiter la réplication virale limitant ainsi les effets délétères du virus ainsi que l’émergence de résistance.

Concernant les virus influenzae, responsables de la grippe, l’objectif de la prise en charge de cette infection aigue est de limiter la propagation de particules virales limitant ainsi les signes cliniques associées à la pathologie. Le traitement devra être mis en place durant les 48 premières heures après l’apparition des signes cliniques permettant ainsi de limiter les signes du syndrome grippal et la contagiosité.

Les effets utiles en cliniques des antiviraux diffèrent en fonction des familles virales et en fonction du type d’infection.

 

Stratégie thérapeutique liée à l’infection :

-Infection aigue :

Traitement de la grippe = traitement de très courte durée

-Infection chronique :

Infection latente avec réactivation (pour herpesviridae) = traitement de courte durée

Infection chronique pour VIH, VHB & VHC = traitement de longue durée (avec actuellement un raccourcissement des durées de traitement pour le VHC)

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Concernant, les virus des hépatites B et C, les objectifs divergent. Pour le VHB, les objectifs d’un traitement sont une séroconversion Hbe (disparition de l’Ag Hbe avec ou sans apparition de l’Ac anti-Hbe accompagnée d’une disparition de l’ADN viral B (PCR quantitative)) avec une amélioration histologique. Concernant le VHC, l’éradication virale est l’objectif principal de la prise en charge des hépatites C chroniques. Cette éradication permet l’arrêt de l’évolution lésionnelle hépatique, la stabilisation des lésions permettant de ralentir l’évolution d’une cirrhose ou d’une fibrose cirrhogène et la diminution des manifestations extra hépatiques. On parle alors de Réponse Virologique Soutenue (RVS).

Les objectifs de la prise en charge des infections par Herpesviridae sont une diminution de la fréquence et l’intensité des signes cliniques (ex. encéphalite aiguë par primo infection à l’Herpés virus, rétinite due au CMV, douleur zona, atteintes cutanéo-muqueuses liées aux HSV, etc….). Mais, ces traitements peuvent également être prescrits préventivement chez des personnes immunodéprimées.

L’objectif principal du traitement antirétroviral (anti-VIH) est de diminuer la morbidité et la mortalité de l’infection par le VIH (infections opportunistes, cancers, cachexie,…) en restaurant un nombre de lymphocytes CD4 supérieur à 500/mm3. En pratique, cela est possible grâce à une réduction maximale de la réplication virale (charge virale plasmatique < 50 copies/ml), qui permet la meilleure restauration immunitaire et limite au maximum le risque de sélection de virus résistants.

Concernant les virus influenzae A et B, les effets utiles en clinique attendus sont soit un effet prophylactique suite à une probable exposition à l’agent pathogène ou alors une diminution de l'intensité et de la durée des symptômes dans les phases précoces de l’infection.

Rappelons que les meilleures protections antivirales tant au plan personnel que collectif sont liées à la vaccination…. quand celle-ci a pu être développée ! 

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Les caractéristiques pharmacocinétiques divergent entre les différents antiviraux. Les caractéristiques pharmacocinétiques précises sont disponibles dans les différents sous-chapitres.

Les inhibiteurs de la protéase du VIH (IP), le maraviroc ainsi que l’elvitégravir ont un métabolisme hépatique oxydatif (cytochromes) avec dans la majorité des cas une élimination fécale. Le rôle prédominant des cytochromes P450 das le métabolisme de ces molécules peut expliquer en partie les grandes variabilités de réponses. Ce métabolisme hépatique oxydatif intervient également dans les biotransformations des INNTI du VIH, associées à une élimination rénale. Les antiviraux à action directe du VHC sont généralement de moins bon sustrats des cytochromes et génèrent moins d'interactions médicamenteuses. Les anti-herpesviridae et les INTI du VIH ne sont pas ou peu métabolisés par le foie. Il est à noter que le raltégravir et dans une moindre mesure le dolutégravir sont éliminés via l’UGT1A1.

* Augmentation du T1/2 par inhibition de la CYP3A4 et du transporteur P-gp :

Globalement, la classe pharmacologique des antiviraux a connu de nombreuses avancées permettant d’améliorer les caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique. En effet, le ritonavir, l’un des plus anciens IP du VIH n’est plus utilisé en tant que tel mais comme inhibiteur du CYP 3A4 et inhibiteur de la p-glycoprotéine (P-gp). La P-gp est un transporteur actif, une pompe d'efflux, exprimé au niveau de la membrane cytoplasmique de nombreux types cellulaires rejetant ainsi les xénobiotiques, dont les IP, hors des cellules. Cet effet « booster » permet ainsi d’augmenter les concentrations plasmatiques et surtout d’allonger la demi-vie plasmatique (T1/2) d’un facteur 2 à 4 voire plus, sans pour autant augmenter les posologies et donc en permettant une diminution sensible du nombre de prise (réduit à 1 ou 2 fois/j) ce qui améliore la compliance aux traitements.

* Pégylation des IFN pour retarder leur élimination:

Les caractéristiques pharmacocinétiques de l’IFN-α, un des traitement des hépatites chroniques, ont été grandement améliorées par leur pégylation. Celle-ci consiste à lier de manière covalente des molécules de polyéthylène glycol avec les molécules d’IFN-α, ce qui permet d’augmenter significativement la demi-vie d’élimination de cette molécule.

* Synthèse de promédicaments par couplage à la valine :

Enfin l’aciclovir et le ganciclovir, deux molécules majeures dans la prise en charge des infections à herpesviridae ont connu aussi des améliorations pharmacocinétiques majeures. En effet, elles sont maintenant utilisées sous forme de pro-drogues : le valaciclovir et le valganciclovir. Ces deux pro-médicaments sont des esters de valine des molécules princeps. Ces deux esters peuvent alors utiliser un transporteur actif au niveau intestinal augmentant ainsi sensiblement la biodisponibilité (x2), permettant ainsi un relais per os rapide et efficace.

Source de la variabilité de la réponse

La réponse pharmacologique peut varier du fait d’interactions médicamenteuses décrites pour chaque classe d’antiviraux. Cependant, une partie de la variabilité de la réponse, conséquence d’un défaut d'observance ou d'absorption, a été sensiblement diminuée à l'aide d'approches pharmacocinétiques. Celles-ci ont permis d’améliorer les caractéristiques pharmacocinétiques des antiviraux. Ces améliorations ayant pour objectif d’améliorer l’efficacité clinique, de réduire le nombre d’administration, de réduire les effets indésirables et concourrent ainsi à améliorer l’observance.

 La chimiothérapie antivirale se heurte à 3 obstacles majeurs :

-l’interférence avec le métabolisme cellulaire normal avec un risque de cytotoxicité par accumulation dans les cellules ou d’interférence avec les fonctions cellulaires,

-la variabilité génétique des virus (le VIH possède un grand polymorphisme génétique via des erreurs faites par la transcriptase inverse (1 pour 10 000 nucléotides). Les mutations entraînent des modifications de l’enchaînement des acides aminés constitutifs avec comme conséquence : une potentielle modification de la protéine virale cible des antiviraux (transcriptase inverse et protéase du VIH) ou une absence de protéine (absence de thymidine kinase virale pour les HSV et VZV qui est indispensable à l’activation par phosphorylation de l’aciclovir, valaciclovir, ganciclovir, valganciclovir et le famciclovir). 

-une incapacité à éradiquer l’infection virale latente avec une action virustatique.

 Les antiviraux peuvent être considérés comme une classe pharmacologique innovante au plan de la personnalisation de la prise en charge. En effet, les traitements sont optimisés (VIH et VHC) en fonction de la caractérisation moléculaire de la cible (la prise en charge des hépatites C chroniques - principalement la durée - va diverger en fonction du génotype viral). Un polymorphisme d’expression (des cytochromes ou des protéines d'efflux) peuvent également entrainer des augmentations ou des baisses importantes de concentrations des antiviraux occasionnant toxicité, échec thérapeutique et sélection de mutants résistants. Ces variations de concentrations peuvent nécessiter des ajustements de la posologie.

Réponses des populations pathologiques particulières

Femmes enceintes

De plus, concernant les antirétroviraux (ARV), il est important de bien suivre les femmes enceintes sous traitement en particulier durant le 3° trimestre pendant lequel les concentrations plasmatiques peuvent diminuer de manière importante. De plus, pour les ARV ayant un métabolisme hépatique intense, il est important de prendre en compte une éventuelle insuffisance hépatique. Enfin on a observé après tri-thérapie à forte dose de cas de myopathie ou d’encéphalopathie congénitales irréversibles, liées à des mutations de l’ADN mitochondrial, induites par les ARV.

Prédisposition génétique

L’abacavir (INTI du VIH) a obtenu son AMM européenne le 8 Juillet 1999. La principale limitation de la prescription d’abacavir est une réaction fréquente et grave d’hypersensibilité (effet indésirable fréquent survenant chez 4,2% des patients traités) qui oblige à l’arrêt du traitement. Plusieurs marqueurs génétiques apparaissent associés au développement de ces réactions d’hypersensibilité parmi lesquels HLA B57*01 semble être le plus pertinent. Il est associé à un risque significativement majoré de réaction d’hypersensibilité à l’abacavir. La négativité de la recherche de ce marqueur cellulaire est maintenant une étape préalable indispensable avant d’introduire l’abacavir.

Pharmacogénétique

Concernant les inhibiteurs de la protéase du VIH, le polymorphisme d’expression de différents gènes participent activement au métabolisme de cette classe (P-gp, CYP3A5, 2B6 et 2C19).

Un polymorphisme génétique a été mis en évidence avec le CYP2B6 dans le métabolisme de l’efavirenz. Chez les métaboliseurs lents, il a été décrit des concentrations circulantes très élevées nécessitant un ajustement du schéma posologique.

Co-infection VIH-VHB-VHC

La co-infection VIH et VHB est à prendre en compte : le VHB accélère la progression vers le stade SIDA et le VIH favorise le passage en phase chronique du VHB (avec augmentation de la fibrose et de la nécrose hépatiques).

Compte tenu de l’hépatotoxicité de certains inhibiteurs nucléosidiques et non nucléosidiques de la reverse transcriptase du VIH, il est important de prendre en compte toute co-infection avec le VHC ou le VHB avant d’introduire une thérapie anti-VIH efficace.

Insuffisance rénale

Les INTI et anti-herpesviridae, ne sont quasiment pas métabolisés par le foie. En revanche, ils sont majoritairement éliminés par voie urinaire sous forme inchangée et certains peuvent également être néphrotoxiques. Il conviendra donc d’ajuster les posologies en fonction de la clairance de la créatinine ou en fonction de la créatinine sérique (pour le foscarnet) et dans certains cas, l’hydratation sera à revoir. De manière générale, les IP sont très faiblement éliminés par voie urinaire.

Situations à risque ou déconseillées

La recherche de contre-indications définitives ou temporaires aux traitements comporte l’éventuelle hypersensibilité à l’un des composés (principe actif ou excipient).

Chaque sous-classe parmi la classe thérapeutique des antiviraux possède des contre-indications propres à chaque sous-classe et même propres à chaque molécule. Il sera important de prendre en compte ces dernières avant toute prescription d’un traitement. Il conviendra de prescrire les médicaments en fonction de leur profil de sécurité. Ainsi, la prescription d'efavirenz ou de dolutégravir devra se faire avec prudence chez le patient présentant des antécédents neuropsychiatriques en raison des effets indésirables de ce type décrits avec ces molécules.

Tous les inhibiteurs de la protéase du VIH et le maraviroc sont contre-indiqués en cas d’insuffisance hépatique sévère et dans le cas d’une association avec tout médicament substrat des CYP (CYP3A4 et/ou 2D6) à index thérapeutique étroit, afin d’éviter un éventuel surdosage. L’instauration d’une comédication comportant un inducteur ou un inhibiteur enzymatique devra être discutée au cas par cas avec un suivi clinique et un suivi thérapeutique pharmacologique rapprochés (dosage du principe actif et des métabolites principaux).

Concernant les anti-herpesviridae la fonction rénale devra être particulièrement surveillée lors de l’instauration d’un traitement par foscarnet ou cidofovir. Tout autre comédication néphrotoxique devra être évitée au maximum. Concernant le foscarnet, compte tenu de l’hypocalcémie observée, il est important de limiter l’adjonction de tout autre médicament hypocalcémiant.

Enfin, concernant la prise en charge des hépatites B et C avec l’immunothérapie (interféron pégylé), il est contre indiqué de mettre en place une telle thérapeutique avant d’avoir obtenu divers consultations spécialistes (cardiologie, psychiatrie et ophtalmologie).

Précautions d’emploi

Chaque grande classe d’antiviraux possède de nombreuses précautions d’emploi. Il sera important de consulter ces dernières avant toute prescription.

L’insuffisance hépatique est à prendre en compte avant la mise en place d’une thérapeutique anti-VIH (inhibiteur de la transcriptase du VIH, inhibiteurs d'intégrase du VIH, inhibiteurs de la protéase, antiviraux à action directe du VHC et le maraviroc). Concernant les inhibiteurs de la protéase du VIH, il sera important de prendre en compte toute insuffisance hépatique légère ou modérée, et d’éventuelles co-médications pouvant modifier le métabolisme oxydatif hépatique. De plus, les patients souffrant de troubles du métabolisme des lipides et des glucides devront être suivis de manière plus étroite par un endocrinologue.

Concernant le maraviroc et son mécanisme d’action (blocage du corécepteur du VIH, le CCR5), un test de tropisme doit être impérativement effectué avant traitement. En effet, le maraviroc ne sera actif que sur les virus du VIH appelés CCR5 dépendant (tropisme CCR5). En conséquence, le maraviroc sera inactif avec les virus du VIH à tropisme CXCR4 (autre corécepteur du VIH) et son efficacité sera discutée avec les virus du VIH à double tropisme CXCR4 et CCR5.

Des recommandations précises ont été établies concernant le maraviroc et la présence d’autres substrats des CYP. En présence d’inhibiteurs puissants du CYP3A4 (IP autre que tipranavir et fosamprénavir, antifongiques azolé et macrolides) la posologie de Maraviroc (300mg deux fois par jour) devra être divisée par deux. En présence d’inducteurs enzymatiques (etravirine, efavirenz et rifampicine), la posologie devra être multipliée par deux.

L’insuffisance rénale est à prendre en compte avec le tenofovir, le foscarnet et le cidofovir.

L’administration de certains anti HSV (foscarnet, cidofovir et aciclovir/ganciclovir) requiert des précautions particulières afin d’éviter une éventuelle toxicité (irritation en cas d’extravasation, cristallurie) et iatrogénie engendrées par un manque de pré hydratation. Enfin des incompatibilités physico-chimiques sont décrites entre le foscarnet et les solutés glucosés (>30%), le ringer lactate, les solutions contenant du calcium, de l’amphotéricine B, la vancomycine et le cotrimoxazole).

Concernant la ribavirine (anti VHC) les femmes en âge de procréer doivent fournir un formulaire de soins et de contraception ainsi qu’un test négatif de grossesse.

Effets indésirables

L’ensemble des antiviraux entrainent des effets indésirables qui peuvent être plus ou moins graves. Seuls les antigrippaux présentent une bonne sécurité d'emploi.

Les anti VIH et anti HSV entrainent des effets indésirables du fait de la durée d’exposition (principalement les anti-VIH et anti-hépatites).

Les effets indésirables sont les conséquences d’interférences avec le métabolisme cellulaire. Il conviendra de consulter chacun des chapitres afin de pouvoir les différencier. De plus, principalement pour la prise en charge de l’infection par le VIH, la complexité des traitements avec de nombreuses associations et l’impossibilité de pouvoir interrompre momentanément la prise d’une molécule suspecte rend parfois difficile l’imputabilité d’une molécule.

Il est important de prévenir l’apparition d’effets indésirables afin que la tolérance et donc l’observance soient maximales.

Concernant les anti-HSV, en dehors des troubles électrolytiques observés, les autres effets indésirables (d’ordre hématologique) sont la conséquence d’une accumulation intra-cellulaire des métabolites actifs induisant une cytotoxicité et donc une toxicité hématologique concentration-dépendante (ganciclovir, valganciclovir, aciclovir, valaciclovir et cidofovir).

Les effets indésirables liés à l’administration des interférons sont nombreux. En dehors de la toxicité hématologique pouvant aboutir à l’arrêt du traitement dans 10% des cas, les effets indésirables les plus fréquents sont les troubles psychiatriques (dépression, risques suicidaires,..) survenant dans le premier mois suivant la mise sous traitement par IFN (probable interférences du catabolisme du Tryptophane avec des répercussions sur la synthèse de la sérotonine et la production de métabolites neurotoxiques).

Les anti-VIH engendrent de très nombreux effets indésirables. Cependant, compte tenu de l’arsenal thérapeutique conséquent, il est moins difficile de procéder à un changement de thérapeutique.

Classiquement, on décrit pour les inhibiteurs de la transcriptase du VIH des troubles du métabolisme des lipides et des glucides. Les inhibiteurs nucléosidiques de la reverse transcriptase peuvent engendrer une toxicité mitochondriale grave (Toxicité mitochondriale des INTI : déplétion et/ou mutations de l’ADN mitochondrial par interaction avec la polymérase-gamma mitochondriale, ce qui entraîne une baisse de la synthèse des protéines de la chaîne respiratoire mitochondriale aboutissant à une altération de la synthèse d’ATP). Quant aux inhibiteurs non nucléosidiques de la reverse transcriptase du VIH, ils peuvent être à l'origine de réactions cutanées. Parmi, les inhibiteurs de l'intégrase du VIH, le dolutégravir entraine des effets indésirables neuropsychiatriques qui peuvent aboutir à l'arrêt du traitement.

Surveillance des effets

La prise en charge et la surveillance des effets devront être multidisciplinaires avec une collaboration étroite entre cliniciens, virologues et pharmacologues.

En dehors d’un suivi biochimique principalement pour les hépatites (bilan hépatique dont les transaminases, ainsi que des tests diagnostic de type Fibrotest/actitest ou Fibroscan), des marqueurs de suivi virologique (antigénémie, taux d’anticorps, charge virale) sont indispensables pour suivre l’efficacité thérapeutique des anti-VIH et des anti-hépatites).

La chimiothérapie anti-virale possèdent de nombreuses limites :

-Une spécificité étroite avec une nécessité d’un diagnostic étiologique précis accompagné d’une caractérisation quasi moléculaire de la cible car il n’existe pas de thérapie à large spectre (sauf en ce qui concerne les nouveaux antiviraux pangénotypique du VHC),

-L'activité anti-virale est de manière générale limitée compte tenu des difficultés à contrôler la réplication à haut niveau et une quasi impossibilité à éradiquer l’infection latente,

-Une toxicité cellulaire non négligeable,

-Un risque d’émergence de virus résistants imposant fréquemment une polythérapie,

-Un coût financier non négligeable (voire considérable dans le VHC).

Il est donc indispensable de surveiller les effets thérapeutiques directs en surveillant charge virale, numération des lymphocytes T CD4+, etc. …. ou en pratiquant des dosages plasmatiques (inhibiteurs de la protéase du VIH ou les INNTI du VIH, ainsi que la ribavirine pour les hépatites virales).

Une caractérisation précise de la cible (génotype viral, profil de résistance) permettra de proposer un traitement anti-viral optimisé. Le suivi thérapeutique pharmacologique (des anti-rétroviraux et de la ribavirine) pourra permettre d’anticiper tout sous-dosage pouvant laisser émerger des profils de résistances ou pourra expliquer l’apparition de certains effets indésirables. Il est important de prévenir l’apparition d’effets indésirables afin que l'acceptabilité du traitement et donc l’observance soient maximales.

 

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  • 15 février 2024