Les sources de variabilité de la réponse au médicament

Les points essentiels

Les effets pharmacologiques d’un médicament peuvent varier d’un individu à l’autre ou même chez un même individu, pour des raisons liées à la modification de la pharmacocinétique, de la pharmacodynamique (aussi bien pour les effets bénéfiques que pour les effets indésirables) ou lors de l’apparition d’une réponse inhabituelle au médicament (idiosyncrasie).

Les sources de la variabilité pharmacodynamique sont multiples : elles peuvent être liées à des sensibilités réceptorielles individuelles (génétiques ou non), aux effets propres des médicaments (tolérance, dépendance), aux interactions entre médicaments et environnement, aux associations médicamenteuses, à l’état physiologique (âge, grossesse) ou pathologique (insuffisance rénale, hépatique, cardiaque, pathologie endocrinienne …) du patient.

Sensibilités réceptorielles individuelles

Les diminutions du nombre de récepteurs ('down regulation') et les augmentations ('up regulation') ou des modifications de l’efficacité du couplage des récepteurs aux mécanismes effecteurs (ex. désensibilisation par phosporylation des récépteurs) participent à la variabilité pharmacodynamique. Ces modifications peuvent être d’origine génétique ou non.

Tolérance, dépendance

La tolérance correspond à la diminution de l’effet pharmacologique d’un médicament lors de l’administration répétée de ce médicament. Pour retrouver l’effet observé lors de la première administration, il est nécessaire d’augmenter la dose administrée. Lorsque la tolérance apparaît rapidement, dès les premières doses, on parle de tachyphylaxie.

La dépendance peut exister pour de nombreux médicaments autres que des psychotropes (bêta-bloquants, antiangoreux de type trinitrine et apparentés, bêta2-stimulants inhalés, corticoïdes,...) chez des patients ayant reçu à un traitement prolongé, ce qui peut provoquer des modications de boucles de régulation (ex. axe corticotrope). En conséquence, l'arrêt du traitement devra être progressif afin de permettre la réactivation physiologique des boucles de régulation. 

La pharmacodépendance pathologique - qui concerne essentiellement les psychotropes - est définie comme l’usage répété, compulsif, d’un médicament ou d’un produit non médicamenteux pour la sensation de plaisir qu’il procure ou pour éviter les effets désagréables de sa suppression (i.e. un syndrome de sevrage). Dans le cas de l'usage de médicaments, on constate qu'ils sont l'objet d'abus (escalade de doses) de mésusages et de détournements et qu'ils sont fréquemment associés à d'autres substances psychoactives pour la recherche de sensations nouvelles ou plus intenses et/ou pour tenter d'échapper aux signes de sevrage et autres effets de fin de dose.

Interactions médicament - environnement

Parmi les facteurs environnementaux, on peut citer l’alimentation, certains facteurs nutritionnels comme les vitamines, l’alcool qui sont décrits comme ayant des effets significatifs sur la pharmacodynamie de certains médicaments.

Associations médicamenteuses

Les interactions médicamenteuses de type pharmacodynamique mettent en jeu les propriétés pharmacologiques des médicaments et à ce titre sont généralement prévisibles. Elles reposent sur des actions simultanées des médicaments sur un même récepteur, sur des voies de transduction communes ou sur une même fonction physiologique ou sur l’équilibre de plusieurs fonctions physiologiques. Ces interactions peuvent conduire à une additivité, une potentialisation ou une inhibition des effets des médicaments concernés.

Populations physiologiques particulières

Les principales sources de variabilités d’origine physiologique sont l’âge, le sexe, l'obésité et la grossesse, essentiellement en raison des modifications pharmacocinétiques liées à ces différents états.

L’âge est un facteur de variabilité important. Chez l’enfant, le phénomène de maturation explique probablement une efficacité et une tolérance particulière de certains médicaments.

Chez la personne âgée, les modifications d’efficacité ou de durée d’action des médicaments sont associées à des altérations des récepteurs, des voies de signalisation, du fonctionnement cellulaire, de l’homéostasie physiologique. Il est souvent difficile de dissocier les interférences de type pharmacodynamique des modifications pharmacocinétiques et des pathologies fréquemment associées à cette période de la vie.

Le sexe apparaît comme un facteur de variation pharmacodynamique limité. Toutefois, les femmes seraient plus sensibles aux effets indésirables et toxiques des médicaments. Plus particulièrement, des modifications significatives des effets de médicament liées au sexe ont été décrites en association avec les modifications hormonales du cycle menstruel.

Chez la femme enceinte, les modifications physiologiques liées à la grossesse entraînent des modifications pharmacocinétiques pouvant avoir des conséquences sur les effets du médicament. Dans le cas spécifique de la grossesse, les risques sont essentiellement liés à l'exposition du fœtus ou du nouveau-né pour les femmes allaitant. Le risque pour le fœtus s’évalue en fonction de la période d’exposition au médicament. Le risque tératogène est maximum du 8ème jour après la conception jusqu’à la 10ème semaine. Après cette période, un risque de malformations et de perturbations persiste, il s’exprime plus particulièrement au niveau du cerveau qui continue à se développer. Il existe également un risque d’accidents en période néonatale pour des médicaments qui ont été administrés chez la mère en fin de grossesse. L’attitude pratique qui découle de ces situations correspond à une appréciation du risque tératogène ou toxique en fonction du bénéfice du traitement. De même, en raison des risques de passage des médicaments dans le lait et de leurs effets chez le nouveau-né, la nécessité du maintien de l’allaitement maternel doit être évaluée en fonction des effets prévisibles du traitement chez la mère et chez l'enfant, de la quantité de médicament réellement absorbée et de la sensibilité particulière de l’enfant nouveau-né.

Populations pathologiques particulières

De nombreuses pathologies modifient la réponse pharmacologique d’un médicament. On peut citer : l’insuffisance rénale et hépatique, certaines pathologies ou particularités cardiaques, l’insuffisance respiratoire, les pathologies endocriniennes, métaboliques et l’obésité, la myasthénie.

Implications cliniques de cette variabilité pharmacodynamique

Lorsque les sources de variabilités pharmacodynamiques sont bien établies et que leurs implications cliniques sont significatives, des recommandations de prescription sont établies. Elles aboutissent à des précautions d’emploi, des mises en garde ou même des contre-indications de prescription spécifique à chaque médicament et que l’on retrouve dans le résumé des caractéristiques du produit.