Les sources de variabilité de la réponse au médicament

Interactions médicament – environnement

Les interactions médicamenteuses d’ordre pharmacocinétiques les plus souvent mises en évidence sont des interactions médicament-médicament ; Il s’agit des conséquences de l’introduction d’un nouveau médicament qui va modifier la pharmacocinétique d’un médicament pris régulièrement. Cependant Il est important de garder à l’esprit que des substances autres que des médicaments sont susceptibles de déclencher des interactions médicamenteuses. Il s’agit essentiellement d’aliments et de boissons. Les mécanismes d’action impliqués sont variés, souvent par diminution de la solubilité ou de la résorption intestinale des médicaments mais également par inhibition enzymatique, ou induction enzymatique.

1. Modification de l’absorption intestinale par diminution de la solubilité intra luminale des médicaments :

- L’absorption intestinale de nombreux médicaments peut être altérée (augmentée ou diminuée) par des repas riches en graisses.
- Des médicaments qui sont préférentiellement absorbés en milieu acide verront leur absorption gastrique diminuée en présence d’aliments alcalins comme les laitages.
- A l’inverse, des médicaments qui sont préférentiellement absorbés en milieu alcalin verront leur absorption gastrique diminuée en présence de boissons acides à base de cola.

2. Augmentation de l’absorption intestinale par inhibition de leur métabolisme intestinal:
Le métabolisme intestinal de nombreux médicaments dégradés par le CYP3A4 peut être totalement inhibé par le jus de pamplemousse qui s’avère être un très puissant inhibiteur du CYP3A4. Le mécanisme impliqué est celui d’une inhibition enzymatique.

Comme indiqué sur la figure 1, les concentrations d’halofantrine, un puissant antipaludéen qui possède une toxicité cardiaque, sont fortement influencées par la prise de jus de pamplemousse. Le jus de pamplemousse inhibe le CYP3A4 qui métabolise l’halofantrine. La clairance orale de l’halofantrine diminue, les concentrations plasmatiques d’halofantrine s’élèvent. On constate également un allongement simultané de l’espace QTc qui traduit une allongement de la durée de repolarisation ventriculaire (augmentation du risque de torsades de pointes).

Figure 1 : Interaction médicamenteuse par inhibition du CYP3A4 déclenchée par le jus de pamplemousse.

5.2.5.figure1

 Douze sujets sains ont reçu une dose orale unique de 500 mg d’halofantrine à 2 reprises: une fois avec de l’eau (courbes bleu), un fois avec un verre de jus de pamplemousse (courbes rouges). Les concentrations plasmatiques d’halofantrine ont été mesurées en même temps que l’ECG.
Graphique supérieur : concentrations d’halofantrine au cours des 2 périodes (eau et pamplemousse)
Graphique inférieur : évolution du QT corrigé en fonction du temps (mesure du temps de repolarisation ventriculaire) au cours des 2 périodes (eau et pamplemousse)

Le tableau I résume les principaux médicaments dont la biodisponibilité orale est augmentée par le jus de pamplemousse.

Classe pharmacologique Molécules Risques encourus
Statines (Inhibiteurs de l’HMG CoA réductase) Simvastatine, atorvastatine Toxicité musculaire, rhabdomyolyse
Inhibiteurs calciques verapamil, felodipine, nifedipine, nitrendipine, nisoldipine Hypotension artérielle, oedèmes des membres inférieurs
immunosuppresseurs ciclosporin, tacrolimus, sirolimus néphrotoxicité
antipaludéens halofantrine, arthemeter Torsades de pointes
antiprotéases Saquinavir, nelfinavir, indinavir  lithiases urinaire (indinavir)
Benzodiazepines midazolam, triazolam, alprazolam Somnolence, altération prolongée de la vigilance
Macrolides erythomycine, clarythromycine Torsades de pointes
Divers cisapride
sildenafil
Torsades de pointes
hypotension

Tableau I : médicaments métabolisés par le CYP3A4 dont la biodisponibilité orale est augmentée en présence de jus de pamplemousse.

3. Diminution de la biodisponibilité orale par induction métabolisme ou du transport:

Il a pratiquement fallu attendre l'an 2000 pour démontrer qu' une tisane à base de Millepertuis (Hypericium Perforatum) consommée dans le monde entier pour des propriétés antidépressives (non démontrées) était en fait un très puissant inducteur d’enzymes du métabolisme et des transporteurs de médicaments. Cette tisane provenant d’une fleur de nos jardins le Millepertuis (ou St John’s wort en Anglais) a été à l’origine d’un nombre important d’interactions médicamenteuses d’ordre pharmacocinétiques par induction du métabolisme comme préalablement décrites avec la rifampicine. Le mécanisme d’action est une induction enzymatique, par une substance contenue dans la plante, l’hypéricine qui s’est avérée être un ligand du récepteur intracellulaire PXR, médiant l’induction du CYP3A4 et de la P-glycoprotéine (voir figure n°2 chapitre induction du métabolisme). Peu après, cette tisane a été mise en contre indication avec tous les médicaments et a depuis à peu près disparue des pharmacies et herboristeries.

Figure 2 : Millepertuis. Plante qui consommée sous forme de tisane est un puissant inducteur enzymatique et de transporteurs.

5.2.5.figure2