Inhibiteurs de la néprilysine/antagonistes de l'angiotensine II

Résumé de la fiche

L'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection altérée est un problème majeur de santé publique de part la morbi-mortalité qu'elle engendre.

Dans ce contexte, une nouvelle classe médicamenteuse est apparue. Il s'agit de l'association de valsartan avec un inhibiteur de la néprilysine (le sacubitril) dont l'action permet d'augmenter la concentration des peptides natriurétiques.

Cette association a permis de diminuer significativement la mortalité par rapport à un des médicaments de référence actuels, l'IEC énalapril dans l'étude PARADIGM-HF.

Cette étude a été conduite chez 8.442 patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection inférieure à 40%, de classe NYHA II, III ou IV, qui ont été randomisés entre l'association valsartan/sacubitril et l'énalapril et ont été suivis durant une médiane de 27 mois (arrêt prématuré de l'étude en raison de résultats préliminaires positifs). Le critère primaire de l'étude, qui combinait les décès cardiovasculaires et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, a été diminué de 20%. Ces événements sont survenus chez 21,8% des patients traités par l'association valsartan/sacubitril comparé à 26,5% chez ceux prenant l'énalapril. Les décès toutes causes ont été diminués de 16% et les décès cardiovasculaires de 20%. Les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ont été diminuées de 21%.

L'association valsartan/sacubitril a été associée à un risque augmenté d'hypotension et, de façon non significative, à une augmentation des cas d'angio-oedème. A l'inverse, il y avait moins d'altération rénale, d'hypokaliémie et de toux.

L'association valsartan/sacubitril ne doit pas être prescrite en association avec les IEC. Il faut respecter une période de "wash-out" quand un traitement par IEC est relayé vers valsartan/sacubitril.

Item(s) ECN

232 : Insuffisance cardiaque de l'adulte

Rappel physiopathologique

  • Sacubitril

La néprilysine est une endopeptidase neutre qui hydrolyse et inactive divers peptides, dont les peptides natriurétiques, ANP et BNP. L’inhibition de l’endopeptidase neutre (le sacubitril) empêche donc la dégradation des peptides natriurétiques. Leur concentration dans le plasma et leurs effets, vasodilatation, action diurétique, sont ainsi augmentés.

  • Valsartan

Le valsartan est un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II, les effets qui découlent de cette liaison sont décrits dans la fiche Médicaments du Système Rénine-Angiotensine.

Médicaments existants

Un seul médicament existe actuellement. Il s'agit de l'association valsartan/sacubitril (nom commercial : ENTRESTO®).

Cette association est indiquée chez les patients adultes dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique symptomatique à fraction d’éjection altérée.

3 dosages sont disponibles : 24 mg/26 mg, 49 mg/51 mg et 97 mg/103 mg. La dose initiale recommandée de valsartan/sacubitril est d’un comprimé de 49 mg/51 mg deux fois par jour, à l’exception des situations décrites ci-dessous. La dose de valsartan/sacubitril doit être doublée toutes les 2 à 4 semaines jusqu’à la dose cible de 97 mg/103 mg deux fois par jour, en fonction de la tolérance du patient.

Mécanismes d’action des différentes molécules

L'association valsartan/sacubitril présente le mécanisme d’action d’un inhibiteur du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine en inhibant à la fois la néprilysine (neutral endopeptidase, NEP) via le LBQ 657, métabolite actif du promédicament sacubitril et en bloquant le récepteur de type 1 de l’angiotensine II (AT1) via le valsartan. Les effets cardiovasculaires complémentaires de cette association chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque sont attribués à l’augmentation des peptides qui sont dégradés par la néprilysine tels que les peptides natriurétiques (NP) par le LBQ657 et l’inhibition simultanée des effets de l’angiotensine II par le valsartan. Les NP exercent leurs effets physiologiques en activant des récepteurs membranaires à activité guanylate-cyclase, entraînant une augmentation des concentrations du second messager hormonal, la guanosine monophosphate cyclique (GMPc). Ceci peut entraîner une vasodilatation, une natriurèse et une diurèse, une augmentation de la filtration glomérulaire et du débit sanguin rénal, une inhibition de la libération de rénine et d’aldostérone ainsi qu’une diminution de l’activité sympathique, et des effets anti-hypertrophique et anti-fibrotique. Le valsartan empêche les effets néfastes cardiovasculaires et rénaux de l’angiotensine II en bloquant sélectivement les récepteurs AT1 ainsi que la libération d’aldostérone dépendante de l’angiotensine II. Cela prévient l’activation continue du système rénine-angiotensine-aldostérone et provoque une vasoconstriction, une rétention hydrosodée, une activation de la croissance et de la prolifération des cellules entraînant un remodelage cardiovasculaire mal adapté.

Effets utiles en clinique

L'association valsartan/sacubitril a permis de diminuer significativement la mortalité par rapport à un des médicaments de référence actuels, l'IEC énalapril dans l'étude PARADIGM-HF.

Cette étude a été conduite chez 8.442 patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection inférieure à 40%, de classe NYHA II, III ou IV, préalablement traités avec le "traitement médical optimal" de l'insuffisance cardiaque, c'est à dire un IEC, un beta-bloquant et un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes en l'absence de contre-indication. Les patients ont été randomisés entre l'association valsartan/sacubitril et l'énalapril et ont été suivis durant une médiane de 27 mois (arrêt prématuré de l'étude en raison de résultats préliminaires positifs). Le critère primaire de l'étude, qui combinait les décès cardiovasculaires et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, a été diminué de 20%. Ces événements sont survenus chez 21,8% des patients traités par l'association valsartan/sacubitril comparé à 26,5% chez ceux prenant l'énalapril. Les décès toutes causes ont été diminués de 16% et les décès cardiovasculaires de 20%. Les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ont été diminuées de 21%.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Les effets pharmacodynamiques de l'association valsartan/sacubitril ont été évalués après l’administration de doses uniques et multiples chez des sujets sains et chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque et sont en accord avec une inhibition simultanée de la néprilysine et du SRAA. Dans une étude de 7 jours menée chez des patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite, l’administration de l'association valsartan/sacubitril a entraîné une augmentation initiale de la natriurèse, a augmenté le taux de GMPc urinaire et diminué les taux plasmatiques du peptide mi-régional pro-natriurétique auriculaire (MR-proANP) et du N-terminal pro peptide natriurétique de type B (NT-proBNP), en comparaison au valsartan. Dans une étude de 21 jours chez ces mêmes patients, l'association valsartan/sacubitril a augmenté significativement les taux urinaires d’ANP et de GMPc et le taux plasmatique de GMPc et a diminué les taux plasmatiques de NT-proBNP, d’aldostérone et d’entholéline-1, par rapport à l’état initial. Le récepteur AT1 a aussi été bloqué comme le montre l’augmentation de l’activité rénine plasmatique et les concentrations de rénine plasmatiques. Dans l’étude PARADIGM-HF, l'association valsartan/sacubitril a diminué le taux de NT-proBNP et augmenté le taux plasmatique de BNP ainsi que le taux urinaire de GMPc de façon plus importante par rapport à l’énalapril. Le BNP n’est pas un biomarqueur approprié chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque traités par l'association valsartan/sacubitril car c’est un substrat de la néprilysine. Le NT-proBNP n’étant pas un substrat de la néprilysine, il est un biomarqueur plus adapté.

Dans une étude clinique approfondie de l’intervalle QTc menée chez des sujets masculins sains, des doses uniques d’Entresto de 194 mg de sacubitril/206 mg de valsartan et 583 mg de sacubitril/617 mg de valsartan n’ont eu aucun effet sur la repolarisation cardiaque.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Le valsartan contenu dans l'association valsartan/sacubitril a une biodisponibilité supérieure à celle du valsartan contenu dans d’autres formules de comprimé sur le marché; 23 mg, 51 mg et 103 mg de valsartan dans l'association valsartan/sacubitril sont respectivement équivalents à 40 mg, 80 mg et 160 mg de valsartan dans d’autres formules de comprimé sur le marché.

Après administration par voie orale, l'association valsartan/sacubitril se dissocie en valsartan et en la prodrogue sacubitril. Le sacubitril est ensuite métabolisé en un métabolite actif, le LBQ657. Ces molécules atteignent des pics de concentration en respectivement, 2 heures, 1 heure et 2 heures.

Après l’administration de l'association valsartan/sacubitril deux fois par jour, les taux à l’état d’équilibre du sacubitril, du LBQ657 et du valsartan sont atteints en trois jours.

Le sacubitril, le LBQ657 et le valsartan sont fortement liés aux protéines plasmatiques (94%-97%).

Le sacubitril et le valsartan ne sont quasiment pas métabolisés par les enzymes du cytochrome P450.

Après administration par voie orale, 52-68% du sacubitril (principalement sous forme de LBQ657) et environ 13% du valsartan et de ses métabolites sont excrétés dans les urines; 37-48% du sacubitril (principalement sous forme de LBQ657) et 86% du valsartan et de ses métabolites sont excrétés dans les fèces.

Le sacubitril, le LBQ657 et le valsartan sont éliminés du plasma avec une demi-vie d’élimination moyenne (T1/2) d’environ 1,43 heures, 11,48 heures et 9,90 heures, respectivement.

Source de la variabilité de la réponse

L'association valsartan/sacubitril est éliminée, en partie, par voie rénale. Par conséquent, une adaptation posologique est nécessaire en cas d'insuffisance rénale modérée à sévère.

Pas de métabolisme via le système du cytochrome P450. Aucune adaptation de posologie n'est donc nécessaire en cas d'association avec un inhibiteur ou un inducteur du cytochrome P450.

Situations à risque ou déconseillées

  • Patients âgés

La dose de l'association valsartan/sacubitril doit être adaptée à l’état de la fonction rénale du patient âgé.

  • Insuffisance rénale

- Aucune adaptation posologique de l'association valsartan/sacubitril n’est nécessaire chez les patients atteints d’insuffisance rénale légère (Débit de Filtration Glomérulaire [DFGe] de 60-90 ml/min/1,73 m²).
- Une dose initiale de 24 mg/26 mg deux fois par jour doit être envisagée chez les patients atteints d’insuffisance rénale modérée (DFGe de 30-60 ml/min/1,73 m²). L’expérience clinique étant très limitée chez les patients atteints d’insuffisance rénale sévère (DFGe < 30 ml/min/1,73 m²), l'association valsartan/sacubitril doit être administrée avec précaution et une dose initiale de 24 mg/26 mg deux fois par jour est recommandée.
- Il n’y a pas d’expérience chez les patients atteints d’insuffisance rénale terminale et l’administration de l'association valsartan/sacubitril n’est pas recommandée.

  • Insuffisance hépatique

L'association valsartan/sacubitril est contre-indiquée chez les patients atteints d’insuffisance hépatique sévère, d’une cirrhose biliaire ou d’une cholestase (classe C de Child-Pugh)

  • Contre-indications

- Hypersensibilité aux substances actives, ou à l’un des excipients
- Utilisation concomitante d’IEC. L'association valsartan/sacubitril ne doit être administrée que 36 heures après l’arrêt de l’IEC
- Antécédent d’angiœdème lié à un traitement antérieur par IEC ou ARA II
- Angiœdème héréditaire ou idiopathique
- Utilisation concomitante de médicaments contenant de l’aliskiren chez les patients atteints de diabète ou d’insuffisance rénale (DFGe < 60 ml/min/1,73 m²)
- Insuffisance hépatique sévère, cirrhose biliaire ou cholestase
- Deuxième et troisième trimestres de la grossesse

Précautions d’emploi

-L'association valsartan/sacubitril ne doit pas être administrée de façon concomitante avec un IEC ou un ARAII. Compte tenu du risque potentiel d’angiœdème lors de l’administration concomitante d’un IEC, le valsartan/sacubitril doit être initié au moins 36 heures après l’arrêt d'un traitement par IEC.

-Interactions des médicaments substrats d’OATP1B1 et OATP1B3, par exemple les statines :
Les données in vitro indiquent que le sacubitril a un effet inhibiteur sur les transporteurs OATP1B1 et OATP1B3. Par conséquent l'association valsartan/sacubitril peut augmenter l’exposition systémique aux substrats d’OATP1B1, d’OATP1B3 tels que les statines. L’administration concomitante de l'association valsartan/sacubitril augmente la Cmax de l’atorvastatine et de ses métabolites jusqu’à 2 fois et l’ASC jusqu’à 1,3 fois. Par conséquent, une prudence particulière s’impose en cas d’administration concomitante de l'association valsartan/sacubitril avec des statines.

Effets indésirables

Angiœdème : des cas d’angiœdème ont été rapportés chez des patients traités par l'association valsartan/sacubitril. Dans PARADIGM-HF, des angiœdèmes ont été rapportés chez 0,5% des patients traités par l'association valsartan/sacubitril en comparaison à 0,2% des patients traités par énalapril. Une incidence plus élevée des angiœdèmes a été observée chez les patients noirs traités par l'association valsartan/sacubitril (2,4%) et énalapril (0,5%).

Hyperkaliémie et kaliémie : dans l’étude PARADIGM-HF, l’hyperkaliémie et la kaliémie>5.4 mmol/l ont été rapportées chez 11,6% et 19,7% des patients traités par l'association valsartan/sacubitril et chez 14,0% et 21,1% des patients traités par énalapril, respectivement.

Pression artérielle : dans PARADIGM-HF, l’hypotension et les diminutions de pression artérielle systolique cliniquement significatives (<90 mmHg et diminution par rapport à l’état initial de >20 mmHg) ont été rapportées chez 17,6% et 4,76% des patients traités par l'association valsartan/sacubitril en comparaison à 11,9% et 2,67% des patients traités par énalapril, respectivement.

Insuffisance rénale : dans PARADIGM-HF, l’altération de la fonction rénale a été rapportée chez 10,1% des patients traités par l'association valsartan/sacubitril et 11,5% des patients traités par énalapril.

Surveillance des effets

  • Examen clinique

En plus du suivi spécifique de l'insuffisance cardiaque, une attention particulière doit être portée sur la tension artérielle. Une recherche d'hypotension orthostatique est conseillée à chaque consultation.

  • Biologie

- Une surveillance régulière de la fonction rénale et de la kaliémie est nécessaire.
- Le BNP, classiquement utilisé pour la surveillance de l'insuffisance cardiaque n'est pas un dosage recommandé sous valsartan/sacubitril, du fait même du mécanisme d'action (il empêche sa dégradation). En remplacement, on dose le nt-pro-BNP.

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  • 31 mai 2018