Echinocandines

Résumé de la fiche

Les échinocandines inhibent la synthèse du β-1,3-D-glucane, composant essentiel de la paroi fongique de nombreux champignons.
Trois échinocandines semi-synthétiques sont à ce jour commercialisées : la caspofungine, la micafungine et l’anidulafungine. Elles présentent de nombreuses caractéristiques pharmacocinétiques communes : une faible biodisponibilité orale due au poids moléculaire élevé, une forte liaison aux protéines plasmatiques et une faible diffusion dans les urines et le LCR.
Les échinocandines ont un spectre large mais sont inactives sur Cryptococcus sp. et les mucorales. Leur efficacité a été démontrée chez l’adulte et également en pédiatrie, y compris chez les nouveau-nés et les prématurés. Elles sont généralement bien tolérées avec des interactions médicamenteuses limitées, facilitant l’utilisation de ces molécules chez des patients fragiles et polymédiqués.

Item(s) ECN

157 : Bactériémie/Fongémie de l’adulte et de l’enfant
177 : Prescription et surveillance des anti-infectieux chez l’adulte et l’enfant (voir item 330)
330 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant, hors anti-infectieux (voir item 177). Connaître le bon usage des principales classes thérapeutiques , hors anti-infectieux

Médicaments existants

Echinocandines (usage systémique exclusif) : caspofungine, micafungine, anidulafungine, et en autorisation d'accès compassionnel en France: rezafungine.

Mécanismes d’action des différentes molécules

Les échinocandines sont des molécules lipopeptidiques cycliques qui déstabilisent l’intégrité de la paroi fongique par inhibition de la β-1,3-D-glucane synthétase. La β-1,3-D-glucane synthétase se compose de 3 sous unités FKS1, 2 et 3 formant le site catalytique intégré dans la membrane, et d’une sous-unité régulatrice intracytosolique. L’inhibition de cette enzyme entraîne une inhibition de la formation de β-1,3-D-glucane essentiel pour la paroi fongique, ce qui entraîne une instabilité osmotique et la mort de la cellule fongique.
In vitro et in vivo, les échinocandines sont rapidement fongicides contre la plupart des Candida spp et fongistatiques contre Aspergillus spp mais sont inactives sur Cryptococcus sp. et les mucorales.

Mécanisme action echinocandines

Effets utiles en clinique

*Dose de charge (caspofungine et anidulafungine) : une unique dose de charge doit être administrée au premier jour de traitement. Celle-ci sera suivie d’une dose d’entretien réduite.
*Effet post-antifongique : persistance de l’inhibition de la croissance fongique après la fin de l’exposition à un traitement antifongique.
- Candida sp. : la caspofungine, la micafungine et l'anidalufungine présentent un effet post-antifongique
- Aspergillus sp. : faible effet post-antifongique de la caspofungine et de la micafungine Il n’y a pas de données sur l’effet post-antifongique vis-à-vis d’Aspergillus sp. avec l’anidulafungine.
*Effet anti-biofilm : les échinocandines sont actives sur les biofilms à C. albicans (caspofungine, micafungine et anidulafungine) et à C. glabrata (caspofungine et micafungine) identifiés sur des dispositifs médicaux (ex : cathéters).
 
Caspofungine
  • Traitement de la candidose invasive (adulte ou pédiatrie)
  • Traitement de l’aspergillose invasive chez les patients adultes ou pédiatriques réfractaires ou intolérants à l’amphotéricine B, à des formulations lipidiques d’amphotéricine B et/ou l’itraconazole.
  • Traitement empirique des infections fongiques présumées (notamment à Candida ou Aspergillus) chez les patients adultes ou pédiatriques neutropéniques fébriles.
Micafungine
  • Traitement de la candidose invasive (adulte ou pédiatrie)
  • Traitement de la candidose œsophagienne chez l'adulte lorsqu'un traitement intraveineux est approprié
  • Prévention des infections à Candida chez l'adulte et l'enfant (nouveau-né compris) bénéficiant d’une allo-greffe de cellules souches hématopoïétiques, ou chez qui une neutropénie (<0,5 G/L) est attendue.
Anidulafungine
  • Traitement de la candidose invasive (adulte et pédiatrie : 1 mois à < 18 ans)
 Rezafungine
  •  Traitement de la candidose invasive ou de la candidémie en cas d'options alternatives limitées ou inexistantes

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Relation PK/PD:
Les paramètres prédictifs de l’efficacité en clinique sont:
- les rapports AUC/CMI ou Cmax/CME en alternative pour Candida sp.
- le rapport AUC/CME ou Cmax/CME en alternative pour Aspergillus sp. (la CME ou concentration minimale efficace est utilisée en alternative à la CMI pour évaluer l’activité anti-aspergillaire des échinocandines)

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Absorption : la caspofungine, la micafungine et l'anidulafungine, en raison de leur poids moléculaire élevé, présentent une faible biodisponibilité orale et sont donc administrées exclusivement par voie intraveineuse.
Distribution : Les échinocandines sont fortement liées aux protéines plasmatiques. Leur distribution tissulaire est variable avec des temps de séjour prolongés ; cependant, la caspofungine, la micafungine et l'anidulafungine ne montrent pas de pénétration dans le cerveau, le liquide céphalo-rachidien, la prostate et les yeux (sauf la micafungine, qui pénètre dans l'œil). La rezafungine a montré une diffusion conséquente au niveau du tissu hépatique et rénal.
Métabolisme et excrétion :
Après administration par voie intraveineuse, les échinocandines sont dégradées en métabolites inactifs par dégradation spontanée dans le sang (anidulafungine) ou par métabolisation hépatique (micafungine et caspofungine) n'impliquant pas le système des cytochromes P450 et limitant ainsi le risque d’interactions médicamenteuses.
- caspofungine : dégradation spontanée en un composé cyclique ouvert, puis métabolisme hépatique via l'hydrolyse peptidique et la N-acétylation. Ses métabolites inactifs sont éliminés dans l'urine et les fèces.
- micafungine : métabolisme hépatique impliquant les enzymes arylsulfatase et catechol‐O‐methyltransferase (COMT). Ses métabolites sont éliminés dans l’urine et les fécès. La micafungine inchangée est le principal composant circulant dans le sang.
- anidulafungine n’est ni un substrat, ni un inducteur, ni un inhibiteur cliniquement pertinent des isoenzymes du cytochrome P450. Elle est dégradée en un composé cyclique ouvert, ensuite transformé en produits de dégradation peptidiques éliminés essentiellement par voie biliaire.

- rezafungine : ni un substrat, ni un inducteur ou un inhibiteur cliniquement pertinent des isoenzymes du cytochrome P450. Celle-ci est peu métabolisée avec une excrétion principalement réalisée par les fécès, et sous forme de métabolites oxydés dans les urines

Principaux paramètres pharmacocinétiques

Paramètres PKCaspofungineMicafungineAnidulafungineRezafungine
Liaison aux protéines plasmatiques (%) 97 99 99 >87
Demi-vie d'élimination β (h) 9–11 12–17 24 152
Demi-vie d'élimination γ (h) 45     -
Clairance plasmatique (mL/min) 10–12,5 ≈10,5 ≈16,67 5,8
Volume de distribution (L) ≈9,67 18–19 30–50 37,3
Linéarité de distribution modéremment non linéaire oui, de 12,5 à 200 mg oui, de 15 à 130 mg

oui de 50 à 400 mg

Interactions médicamenteuses:

  • Capsofungine
    • Diminution de l'exposition de la caspofungine avec: rifampicine, la dexaméthasone, l’éfavirenz, la névirapine, la phénytoïne la carbamazépine nécessitant une augmentation posologique
    • Risque d'hépatoxicité modérée et transitoire en association avec la ciclosporine (aucune adaptation nécessaire)
    • Diminution de l'exposition du tacrolimus (↓20%) nécessitant une surveillance biologique
  • Micafungine 
    • Augmentation de l'exposition de la ciclosporine, sirolimus, nifedipine et itraconazole nécessitant une surveillance biologique
  • Anidulafungine : absence d'interactions médicamenteuses cliniquement pertinentes chez les adultes
  • Rezafungine : absence d’interactions médicamenteuses cliniquement pertinentes chez les adultes 

Source de la variabilité de la réponse

Résistance acquise

  • Sous pression de sélection, des mutations au niveau des gènes FKS codant pour les 3 sous-unités du site catalytique de l’enzyme  β-1,3-D-glucane synthétase sur lequel se lie les échinocandines entraîne une augmentation des CMI. Celat confère une résistance croisée à l’ensemble des échinocandines.

L’exposition prolongée aux échinocandines est un facteur de risque d’émergence de Candida sp. moins sensibles aux échinocandines.

Situations à risque ou déconseillées

 

Variable

Caspofungine

Micafungine

Anidulafungine

Rezafungine

Poids

 

Dose adaptée

au poids si <40 kg

Peu de répercussions sur la PK

 

Diminution de l’exposition au sein d’une population IMC>30, non cliniquement significative

Sexe

 

Peu de répercussions sur la PK

-Concentrations plasmatiques : comparables

-Clairance : plus élevée de 22% chez l’homme

Peu de répercussions sur la PK

Age

AUC : plus élevée de 30% chez >65 ans

Peu de répercussions sur la PK

-Clairance : moins de 65 ans < plus de 65 ans

Peu de répercussions sur la PK

Pédiatrie

 

Des valeurs moyennes de clairance ajustée en fonction du poids augmentées ont été décrites chez les enfants de moins de 11 ans  

Css,min et AUCss,0-24h pour les enfants de 1 mois à 18 ans :  comparables aux adultes

Pas d’indication actuelle en pédiatrie

Origine ethnique 

 

Peu de répercussions sur la PK

PK comparable (caucasiens, noirs, asiatiques et hispaniques) 

Peu de répercussions sur la PK

Insuffisant rénal

Pas d’ajustement nécéssaire

Peu de répercussions sur la PK

- Pas d’ajustement nécéssaire

-Non dialysable

- Si hémodialyse : administration avant, pendant, après

- Pas d’ajustement nécéssaire



Insuffisant hépatique

- Child-Pugh de 5 à 6 : pas d’ajustement

- Child-Pugh de 7 à 9 : ajustements



Peu de répercussions sur la PK

- Pas d’ajustement nécéssaire. 

- Concentrations plasmatiques : comparables

- Pas d’ajustement nécéssaire

Précautions d’emploi

- Chez l’insuffisant hépatique modéré : réduction posologique de la caspofungine, pas d’adaptation pour les autres échinocandines
- Surveillance du bilan hépatique : pour toutes les échinocandines
- Micafungine: tenir compte du risque potentiel de développement de tumeurs hépatiques. Utilisation uniquement si aucun autre antifongique n’est possible
- Cas rapportés de réaction à la perfusion
- Grossesse

Effets indésirables

Les échinocandines sont des molécules présentant une très bonne tolérance, leurs effets secondaires sont globalement similaires et les interruptions permanentes de traitement restent rares.

Effets indésirables fréquents (>1%) :

Caspofungine

Micafungine

Anidulafungine

Rezafungine

Biologie : cytopénies, hypokaliémie, perturbation bilan hépatique

Biologie : cytopénies, hypokaliémie, hypomagnésémie, hypocalcémie, perturbation bilan hépatique

Biologie : hypokaliémie, hyperglycémie, hypercréatininémie, perturbation bilan hépatique

Biologie : anémie, hypokaliémie, hypomagnésémie, hypophosphatémie, perturbation bilan hépatique

Clinique : céphalées, dyspnée, diarrhées, nausées, vomissements, éruption cutanée, prurit, arthralgie

Clinique : céphalées, diarrhées, nausées, vomissements, éruption cutanée

Clinique : convulsions, céphalées, hypo/hypertension, bronchospasme, dyspnée, diarrhées, nausées, vomissements, éruption cutanée, prurit

Clinique : diarrhées, nausées, vomissements, constipation, douleurs abdominales

Surveillance des effets

La réponse au traitement repose sur l’évaluation clinique, radiologique et biologique.

Le suivi thérapeutique pharmacologique est recommandé dans les situations cliniques particulières pouvant conduire à un risque de sous-exposition (patient en réanimation, obésité) et utile en cas d'insuffisance hépatique modérée, d'interactions médicamenteuses, d'hypoalbuminémie et oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO).

Imprimer la fiche

  • 12 mai 2023