Paracetamol

Résumé de la fiche

Le paracétamol ou acétaminophène est une molécule aux propriétés analgésiques et antipyrétiques en vente libre, présent dans toutes les pharmacies familiales, souvent utilisé en automédication, et à large utilisation pédiatrique. C’est l’antalgique - antipyrétique le plus consommé dans le monde. Il est utilisé dans le traitement des douleurs d’intensité légère à modérée quand une action anti-inflammatoire n’est pas nécessaire. La multiplicité des formulations galéniques disponibles est un atout indéniable, puisqu’elles permettent de choisir la présentation et la voie d’administration appropriée à chaque situation clinique. C’est un antalgique efficace et maniable à condition de respecter ses contre-indications (hypersensibilité et insuffisance hépatocellulaire, ses précautions d’emploi (ne jamais dépasser chez l’adulte la dose maximale journalière de 4 g en 4 prises et de 60 mg/kg/jour chez l’enfant en 4 prises fractionnées). En effet, le paracétamol présente très peu d'effets indésirables notamment au niveau gastro-intestinal par rapport aux autres antalgiques et/ou antipyrétiques. Toutefois, des surdosages aigus peuvent provoquer une nécrose hépatique fatale et les intoxications massives volontaires détectées non précocement restent un problème majeur pour les cliniciens.

Item(s) ECN

135 : Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses
330 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant

Médicaments existants

Dafalgan, doliprane, efferalgan, perfalgan, ixprim...

De nombreuses spécialités pharmaceutiques contenant du paracétamol sont commercialisées. Elles existent à différents dosages, avec différentes voies d'administration et parfois en association avec d'autres principes actifs (caféine, opium, tramadol, codéine).

Effets utiles en clinique

Traitement symptomatique de la douleur aiguë ou chronique : principalement dans les formes légères à modérées. Il s’agit d’un antalgique de palier 1 selon la classification de l’OMS. Le paracétamol a fait la preuve de son efficacité antalgique sur un large éventail de douleurs aiguës ou chroniques par excès de nociception.
Le paracétamol est utilisé soit seul, soit en association avec d'autres antalgiques (codéine, dextropropoxyphène, tramadol), il rentre alors dans la classification des antalgiques de palier 2, et est indiqué dans les affections douloureuses d’intensité modérée à intense et/ou ne répondant pas à l’utilisation d’antalgiques périphériques seuls.
Traitement symptomatique de la fièvre : en particulier chez l'enfant, chez lequel il constitue l'antipyrétique de première intention. Dans tous les cas, ce traitement ne dispense pas de la démarche diagnostique indispensable pour identifier l'origine des symptômes.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

 C’est un antalgique d'effet rapide. L’analgésie obtenue est comparable à celle de l’aspirine. C’est un antalgique de palier 1.
- C’est un antipyrétique par un mécanisme hypothalamique.
- Cette molécule ne présente pas ou très peu d’activité anti-inflammatoire même s’il serait inhibiteur de la cyclo-oxygénase. L’incapacité du paracétamol d’exercer une activité anti-inflammatoire pourrait être attribuée au fait qu’il est seulement un faible inhibiteur de la cyclo-oxygénase en présence de fortes concentrations de peroxydes que l’on trouve dans les lésions inflammatoires.
- Le paracétamol possède par ailleurs des propriétés antioxydantes qui pourraient être à l'origine d'une réduction de l'oxydation des LDL, d'une diminution du risque cardio-vasculaire et d'un effet préventif sur la cataracte. Les conditions de l'exploitation clinique de ces propriétés restent toutefois à établir. Une activité cardioprotectrice, également mise en évidence dans des modèles d'ischémie-reperfusion myocardique, pourrait être liée aux propriétés anti-oxydantes du paracétamol.

Posologie :
Adulte :
Voie orale : 500 mg à 1 g par prise, à renouveler en respectant un intervalle minimum de 4 heures. Il n'est généralement pas nécessaire de dépasser la dose de 3 g par jour chez l'adulte. Toutefois, la dose maximale peut atteindre 4 g par jour sauf chez les sujets dénutris et les sujets alcooliques, dont le foie serait lésé par des prises inférieures à celles des autres sujets.
Enfant et nourrisson : la dose quotidienne recommandée est de 60mg/kg/jour, à répartir en 4 ou 6 prises (environ 15 mg/kg toutes les 6 heures ou 10 mg/kg toutes les 4 heures). La posologie maximale est de 80 mg/kg/jour chez l'enfant de moins de 38 kg selon les recommandations officielles françaises.

Adulte

Enfant et nourrisson

dose maximale : 4 g/jour en 4 prises

60 mg/kg/jour en 4 à 6 prises

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Absorption

Pic plasmatique

Demi- vie 

Distribution

Métabolisme

Elimination

Rapide et presque totale au niveau de l'intestin grêle

Biodisponibilité absolue VO : 80 %

Biodisponibilité absolue  voie rectale : 60-70 %

15 minutes à 2 heures selon les formulations

Comprise entre 1,5  heure  et 3 heures

Peu de variabilité interindividuelle

Peu modifiée par l’insuffisance rénale chronique

Significativement allongée en cas d'insuffisance hépatique sévère (notamment consécutive à une intoxication massive par le paracétamol)

Liaison faible aux protéines plasmatiques (< à 20 %)

Bonne diffusion

Franchit la barrière placentaire et passe faiblement dans le lait

Hépatique important en dérivés glucuro ou sulfoconjugués. 

Une faible fraction est transformée en un métabolite très réactif, le N-acétyl-p-benzoquinonéimine, qui réagit rapidement avec le glutathion dont il diminue les concentrations. En cas de surdosage massif cette réaction devient importante et induit une déplétion en glutathion à l'origine d'un stress oxydatif pouvant entraîner une nécrose centrolobulaire hépatique.
La toxicité hépatique impliquerait également une production de peroxynitrites à l'origine d'un stress nitrosant.

Par voie rénale 

90 % sous forme de métabolites glucuro ou sulfoconjugués.

Moins de 5 %  sous forme inchangée.

Source de la variabilité de la réponse

1. Interactions médicamenteuses :

- Warfarine : Le paracétamol potentialiserait l'activité anticoagulante de la warfarine. Néanmoins, l'interaction ne serait à l'origine que de rares cas d'hémorragies cliniquement significatives avec augmentation de l'INR. L'interaction pourrait également exister avec d'autres anticoagulants oraux. Ces interactions seraient plus probables en cas d'utilisation de doses de paracétamol supérieures à 2 g par jour, administrées pendant plus d'une semaine. Dans ce cas, une surveillance de l'INR serait recommandée au cours de la semaine suivant la mise en route du traitement ou l’arrêt du traitement par le paracétamol. Compte tenu de l'importance de l'interaction entre les AINS, dont les salicylés, et les anticoagulants oraux, l'utilisation des AINS (dont les salicylés), ne constitue pas une alternative au paracétamol.

- AINS : l’association paracétamol - AINS est plus efficace sur la douleur que le paracétamol seul, quelle que soit sa voie d’administration, et elle réduit les besoins en morphine dans les suites d’interventions chirurgicales. 

- Flucloxacilline: la prudence est recommandée lorsque le paracétamol est administré de facon concomittante avec le flucoxacilline en raison du risque accru d'acidose métabolique à trou anionique élevé.

2. Interactions non médicamenteuses :
Certains dosages sont faussés par la prise de paracétamol : 
*Dosage de la glycémie par la méthode à la glucose oxydase-peroxydase : augmentation de la glycémie.
*Dosage de l'acide urique sanguin par la méthode à l'acide phosphotungstique.

3. Réponses des populations physiologiques particulières :

- Femme enceinte : bien qu’il franchisse la barrière placentaire, le paracétamol n’a pas d’effet tératogène ou fœtotoxique aux doses thérapeutiques.
A doses thérapeutiques, le paracétamol est la molécule de choix dans la prise en charge de la douleur et de la fièvre tout au long de la grossesse.
- Allaitement : les quantités de paracétamol excrétées dans le lait maternel sont inférieures à 2 % de la dose ingérée. Ces données rendent possible son administration pendant l’allaitement.
- Sujet âgé : on observe une diminution de la clairance plasmatique du paracétamol au cours du vieillissement mais cette altération n’oblige toutefois pas à modifier le schéma posologique habituel. La Société Américaine de Gériatrie recommande d’ailleurs le paracétamol comme antalgique de première intention pour les douleurs musculo-squelettiques d’intensité faible à modérée, jusqu’à 4 g par jour, en l’absence de dysfonctionnement hépatique ou rénal ou d’abus d’alcool. 

4. Réponses des populations pathologiques particulières :

- Alcoolisme chronique : Une augmentation du risque d'atteinte hépatique sévère, par modification de la biotransformation oxydative du paracétamol, a été rapportée en cas d'alcoolisme chronique et de consommation de paracétamol à des doses thérapeutiques. Néanmoins, cette notion est actuellement très controversée. En pratique, les attitudes divergent suivant les pays : alors que la FDA conseille de limiter la dose quotidienne à 2,5 g chez les sujets consommant plus de 57 g d’alcool/jour, aucune réduction posologique n’est actuellement proposée en France dans ce cas.

- Insuffisance hépatique : La biodisponibilité du paracétamol et sa clairance ne sont pas altérées lors d’affections chroniques bénignes du foie. La voie métabolique oxydative semble également préservée. Ces données, même s’ils ne garantissent pas l’innocuité d’un traitement à long terme n’imposent pas de modifications posologiques du paracétamol en France. 
- Insuffisance rénale sévère : du fait de l'élimination rénale prédominante, il est recommandé d'espacer les prises unitaires de 8 heures au minimum et de ne pas dépasser une posologie quotidienne de 3 g.

Situations à risque ou déconseillées

Contre-indications absolues : 
- Hypersensibilité au paracétamol.
- Insuffisance hépatocellulaire sévère. : Allongement de la demi-vie d'élimination en cas d'insuffisance hépatocellulaire sévère.

Précautions d’emploi

Surveillance de base : L'administration de doses thérapeutiques chez le sujet ne présentant pas d’insuffisance rénale ne nécessite pas de surveillance particulière. 
Il faut sensibiliser le patient de l’importance du respect de la posologie maximale prescrite en l’informant de la toxicité hépatique potentielle en cas de surdosage. 
Pour éviter un risque de surdosage, il est important de vérifier l’absence de paracétamol dans une autre spécialité, d’informer également le patient du risque de la prise concomitante de plusieurs médicaments.
La dose totale de paracétamol ne doit pas dépasser 80 mg/kg/jour chez l’enfant de moins de 37 kg et 3 g par jour chez l’adulte et le grand enfant au-delà de 38 kg.

Pharmacodépendance : Pas de pharmacodépendance rapportée.

Le paracétamol est à utiliser avec précaution en cas:

- de poids < 50 Kg

- d'insuffisance hépatocellulaire légère à modérée

- d'insuffisance rénale

- de syndrome de Gilbert

- de déficiencde en Glucose-6-Phosphate Déshydrogénase (G6PD)

- d'alcoolisme chronique

- d'anorexie, de boulémie ou de cachexie

- de malnutrition chronique

- de déshydratation, d'hypovolémie

Effets indésirables

1. Aux doses thérapeutiques, le paracétamol est habituellement très bien toléré. Les principaux effets indésirables sont les suivants : 

Nature de l’effet indésirable

Gravité

Estimation de la fréquence

En savoir plus sur l’effet indésirable

Eruptions cutanées, rash cutané, éruption urticarienne

Potentiellement très grave

Rare

Origin allergique probable.

Thrombopénie

Potentiellement très grave

Rare


 

Asthme

Potentiellement grave

Rare


 

Hépatite cytolytique à dose thérapeutique

Très grave

Controversé

Facteur de risque : sujets ayant une consommation chronique excessive d'alcool. Cette notion est très controversée (surdosage non reconnu).

Insuffisance rénale chronique

très grave

Controversé


 

Choc anaphylactique

très grave

Exceptionnel


 

Purpura vasculaire

très grave

Exceptionnel


 

Syndrome de Lyell et syndrome de Stevens-Johnson

très grave

Exceptionnel

 

Ulcération rectale

Potentiellement grave

Exceptionnel

Usage du paracétamol par voie rectale, souvent en association avec d'autres médicaments, notamment le dextropropoxyphène

Agranulocytose

Très grave

Exceptionnel

 

Pancréatite aiguë

Très grave

Exceptionnel

Plusieurs cas ont été rapportés, généralement en association avec d'autres médicaments, notamment la codéine.

Hépatite chronique active, 

Très grave

Exceptionnel


 

Rhabdomyolyse

Très grave

Exceptionnel

 

2. Intoxication aiguë et surdosage :

Le paracétamol est un toxique lésionnel qui agit avec retard sur son organe cible principal, le foie. Il a également une toxicité rénale en surdosage Le risque essentiel d'une intoxication aiguë, souvent accidentelle chez le jeune enfant, volontaire chez l'adolescent et l'adulte ( mésusage, tentatives de suicide), est la survenue d'une insuffisance hépatocellulaire aiguë par nécrose hépatique centro-lobulaire, une hépatite fulminante. Le décès est possible. La dose toxique théorique est, pour une dose ingérée unique, supérieure à 10 g ou à 150 mg/kg chez l'adulte et 200 mg/kg chez l'enfant de moins de 6 ans. En effet grace à son immaturité enzymatique, chez le jeune enfant, sa dose toxique est plus élevée par rapport à son poids.
Les conditionnements actuels limitent heureusement le risque. La toxicité du paracétamol est majorée chez les sujets présentant une induction enzymatique (barbituriques, alcool) ou une déplétion chronique en glutathion (dénutrition, alcoolisme chronique).
Physiopathologie de l’intoxication : production d'un métabolite réactif, déplétion en glutathion (cf. chapitre métabolisme).
Symptômes de l’intoxication : la phase initiale de l'intoxication peut être totalement asymptomatique. Les symptômes éventuels sont banals : nausées, vomissements, anorexie, douleurs abdominales. Il n'existe pas de corrélation entre la présence ou non de symptômes dans les premières heures et la gravité de l'intoxication. Des signes biologiques d'hépatite cytolytique peuvent apparaître à partir de la 12ème heure (augmentation des ASAT et ALAT). A partir du 3e jour, l'évolution peut se faire dans les formes graves vers l'insuffisance hépatocellulaire aiguë, le coma hépatique et parfois le décès.
Conduite à tenir : dès que la dose toxique théorique est dépassée ou que la dose ingérée est inconnue, l’hospitalisation dans un service d'urgence doit être immédiate, pour dosage plasmatique du paracétamol à partir de la 4ème heure après la prise et pour une éventuelle mise en route précoce du traitement. La prise en charge associe l'administration de charbon activé au traitement antidotique par N-acétylcystéine injectable qui aide à reconstituer les réserves de glutathion. La N-acétylcystéine est un précurseur du glutathion, ce dernier n'étant pas absorbable. Il existe également une forme orale de N-acétylcystéine mais qui est moins utilisée en pratique. Le lavage gastrique n'est pas indiqué car le paracétamol est carbo-absorbable. Lorsque l'heure de l'ingestion est connue, la concentration plasmatique du paracétamol après la 4ème et avant la 24ème heure, placée sur le nomogramme spécifique, permet d'indiquer la poursuite ou l'arrêt du traitement antidotique. L'administration de N-acétylcystéine doit être la plus précoce possible, au mieux avant la 8e heure après l'ingestion du paracétamol. 
Le paracétamol doit donc impérativement être gardé hors de la portée des enfants ou des patients à risque psychiatrique.

Surveillance des effets

1. Effets souhaités : évaluation de l’apyrexie et de l’antalgie par le patient lui-même.

2. Effets indésirables : pas de surveillance particulière.

3. Dosage plasmatique : Il n’est pas nécessaire sauf en cas de suspicion de surdosage. En effet, il n’existe pas de corrélation directe entre l’activité antalgique et antipyrétique du paracétamol et sa concentration plasmatique à un moment donné.
Dans le cas d’une suspicion d’intoxication médicamenteuse par le paracétamol, le critère décisionnel qui guide la thérapeutique est la concentration plasmatique de paracétamol, à obtenir donc impérativement ; seule limite, d'origine toxico cinétique, elle n'est pas interprétable avant la 4e heure après l'ingestion. En l'absence de certitude sur l'heure de l'ingestion, c'est-à-dire quand le nomogramme est alors inutilisable, la confirmation analytique d'un allongement de la demi-vie d'élimination du paracétamol, normalement de 1,5 heure à 3 heures (voir demi-vie), est aussi une indication du traitement antidotique. En pratique dans ce cas d'incertitude de délai le traitement antidotique est débuté d'emblée puis deux paracétamolémies distantes de 4 heures sont réalisées. Si la deuxième paracétamolémie est supérieure à la moitié de la première alors le traitement devra être poursuivi. Sinon il peut être arrété.

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  • 13 mai 2022