Le lithium est un régulateur de l'humeur (normothymique) indiqué dans le traitement curatif des épisodes de manie et d’hypomanie, mais aussi comme traitement préventif de ces épisodes. Son mécanisme d’action n’est pas encore clairement et totalement élucidé. Il modulerait la concentration synaptique de certains neuromédiateurs (diminution dopamine, glutamate et augmentation sérotonine) certainement via son action sur des seconds messagers et présente des effets neuroprotecteurs.
Compte tenu d’une grande variabilité inter-individuelle des concentrations plasmatiques, d’une fenêtre thérapeutique étroite, la mesure de la lithiémie est un examen indispensable au cours du traitement. Elle est réalisée dès l’instauration du traitement puis régulièrement afin de vérifier que la lithiémie est comprise entre 0,5-0,8 mmol/l, et également lors d’une suspicion d’intoxication au lithium.
Après avoir informé le patient sur les bénéfices et contraintes de ce traitement, le lithium sera instauré après un bilan pré-thérapeutique rigoureux (clinique et biologique). Le patient sera également informé et éduqué sur les symptômes évocateurs d’une intoxication aigue.
Les effets secondaires du lithium sont nombreux et dominés par le syndrome polyuro-polydypsique, les nausées, les vomissements, la prise de poids.
Carbonate de lithium : Téralithe 250mg® (6,8 mEq) et Téralithe 400mg® (10,8 mEq)
Les mécanismes d’action de l’ion lithium (Li+) sont à ce jour incertains. Le lithium semble avoir plusieurs voies d’action sans doute interconnectées entre elles et pouvant s’influencer.
Neurotransmission : le lithium diminue l’activité dopaminergique (inhibition de sa libération provoquée par la dépolarisation calcium-dépendante) et glutamatergique (action sur l’expression du récepteur NMDA, augmentation de la recapture de glutamate). Les mécanismes d’action de cet ion impliqueraient un effet au niveau des seconds messagers (inhibition protéine kinase C, l’inositol monophosphate…) qui sous-tendent son action modulatrice de la neurotransmission. A contrario, le lithium semble augmenter l’activité gabaergique et la libération de sérotonine (action sur les récepteur 5HT1B).
Neuroprotection : le lithium réduirait le stress oxydatif cellulaire (régulation des complexes mitochondriaux 1 et 2) mais faciliterait l’action d’un facteur neurotrophique le « Brain Derivated Neurotrophic Factor » et augmenterait le niveau de BCL-2 (protéine régulant les voies conduisant à l’apoptose cellulaire).
Le lithium est indiqué dans le traitement curatif des états d'excitation maniaque ou hypomaniaque et la prévention des rechutes des troubles bipolaires et des états schizo-affectifs intermittents.
Diminution du risque de suicide et des conduites suicidaires même en cas d'efficacité relative dans la stabilisation de l'humeur.
La pharmacodynamie des effets utiles en clinique du lithium est complexe et non complètement comprise.
Néanmoins, le lithium module la neurotransmission notamment en diminuant l'activité dopaminergique et glutamatergique.
Les effets utiles du lithium passent aussi probablement par une augmentation de la libération de sérotonine par activité sur les récepteurs 5-HT1B et l'augmentation de l'activité gabaergique.
L’augmentation de facteur régulant l'apoptose cellulaire et d’un facteur neurotrophique le « Brain Derivated Neurotrophic Factor » (BDNF), confère au lithium des effets neuroprotecteurs.
La concentration plasmatique est atteinte en 2 à 4 heures après l’administration orale. La demi-vie plasmatique est de 24 heures environ. La concentration plasmatique minimale efficace est de 0,5 à 0,8 mEq/L. Elle est atteinte 12 heures après l'initiation pour la forme à libération imédiate et 24 heures pour la forme à libération prolongée. La demi-vie plasmatique est de 24 heures environ. L'équilibre est atteint entre le 5ème et le 8ème jour. La posologie doit être individualisée en fonction des concentrations (à J7 et J14) et de la réponse clinique.
En prise unique la biodisponibilité de la forme à libération prolongée est diminuée de 20 à 30 % par rapport à celle de la forme à libération immédiate.
La voie prédominante d’excrétion est le rein (90%). Pas d'effet d'accumulation du produit. La compétition entre le lithium et le sodium lors de la réabsorption au niveau du tubule proximal explique que de grandes variations dans l’élimination du sodium perturbent la lithiémie. Lors d’un régime désodé ou lors d’une perte accrue de Na+ (diurétiques, déshydratation, vomissements, diarrhée), une augmentation de la réabsorption du lithium est observée entraînant une augmentation de la lithiémie qui peut être à l’origine d’une intoxication aigue qui peut être grave et létale.
Le lithium est hémodialysable.
Il n’existe pas de posologie standard pour la prise de lithium. Seule une adaptation individuelle (800-1200 mg/j) en fonction des concentrations plasmatiques et de la réponse clinique est possible.
Chez les sujets âgés, la posologie est plus faible et plus progressive.
En cas d'apparition d'une insuffisance rénale, le contrôle de la lithiémie et de la créatinine plasmatique avec calcul de la clairance de la créatinine devra être plus fréquent. En cas d'aggravation rapide et/ou d'une clairance de la créatinine ≤ 40 ml/min, l'arrêt du lithium doit être envisagé après concertation entre le psychiatre et le néphrologue.
Plusieurs situations sont susceptibles d'entrainer un surdosage en raison du risque de réabsorption tubulaire :
· les régimes désodés et de façon générale toutes déplétions hydrosodées (sujet âgé notamment en période de forte chaleur)
· l'insuffisance rénale. En cas d'apparition d'une insuffisance rénale, le contrôle de la lithiémie et de la créatinine plasmatique avec calcul de la clairance de la créatinine devra être plus fréquent. En cas d'aggravation rapide et/ou d'une clairance de la créatinine ≤ 40 ml/min, l'arrêt du lithium doit être envisagé après concertation entre le psychiatre et le néphrologue.
· l'association avec les médicaments pouvant entraîner des variations des concentrations plasmatiques ou des effets secondaires neuropsychiques (tableau ci-dessous).
Médicament en cause |
Risque |
Commentaires |
AINS Diurétiques Antagoniste de l’angiotensine IEC |
Augmentation de la lithiémie avec risque de surdosage |
Association déconseillée : si prise ne peut être évitée, surveillance de la lithiémie et adaptation posologique |
Antidépresseurs sérotoninergiques purs |
Risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique |
Précaution d’emploi : surveillance clinique régulière |
Carbamazépine |
Neurotoxicité : troubles cérébelleux, confusion, somnolence |
Association déconseillée |
Clozapine |
Risque de troubles neuropsychique (myoclonies, désorientation, tremblements) |
Précaution d’emploi : surveillance clinique régulière |
Methyldopa |
Augmentation de la lithiémie avec risque de surdosage |
Précaution d’emploi : surveillance clinique et adaptation posologique |
Lors d’insuffisance rénale, la prescription de lithium est contre-indiquée, à moins de pouvoir exercer une surveillance très stricte et très régulière de la lithiémie. De même il convient de se méfier des déplétions hydrosodés observées principalement au cours du traitement par les diurétiques, au cours de régimes amaigrissants ou d’épisodes de transpiration accrue. La prescription de sels de lithium risquerait de provoquer une réabsorption accrue.
Enfin, l’association avec les AINS risque de provoquer une augmentation du lithium, aussi est-il contre-indiquée dans ce cas précis puisque l’on peut observer une diminution de l’excrétion rénale.
Le principe d’un traitement du lithium nécessite d’une part l’adhésion et la compréhension de la part du patient des bénéfices et contraintes du traitement (surveillance de la lithiémie notamment) et d’autre part un bilan pré-thérapeutique.
Celui-ci doit être complet et comprend :
- l’interrogatoire à la recherche d’antécédents médicaux contre-indiqués avec le lithium
- l’examen clinique (cardiologique, thyroïdien, neurologique en particulier)
- un examen paraclinique comprenant un ECG (à la recherche d’un bloc sino-auriculaire), un ionogramme sanguin avec une attention particulière pour la natrémie, la créatininémie et l’urée (recherche d’une déplétion sodée, d’une insuffisance rénale), un bilan néphrologique (protéinurie, ECBU), un bilan thyroïdien (T3, T4, TSH), un hémogramme (NFS), un EEG (en cas de comitialité ou de doute d’une pathologie cérébrale organique)
- un test de grossesse
Du fait d’une modification de la repolarisation, le lithium doit être utilisé avec prudence en cas de pathologie cardio-vasculaire.
Le principe de la phase d’instauration du traitement est d’atteindre, par ajustements successifs, la dose efficace, c’est à dire celle qui permet d’obtenir une lithiémie dans la fourchette thérapeutique (0.5 à 0.8 mmol/l) permettant l’obtention de l’effet thymorégulateur. La posologie initiale est de1 à 2 cp répartis en 2 prises journalières.
La lithiémie sera déterminée au début du 5ème jour, le matin àjeun, 12 heures après la prise vespérale et avant la prise du matin. La posologie sera augmentée tous les 5 jours d’1 cp jusqu’à obtention d’une lithiémie efficace. Le contrôle de la lithiémie se fait, 5 jours après chaque modification du traitement. Il est ensuite souhaitable de remettre au patient une carte mentionnant la posologie, les dates de contrôles, les lithiémies, le nom du médecin traitant.
Le lithium présente un potentiel tératogène puisque sa prise au premier trimestre de la grossesse peut entraîner des anomalies cardiaques et des gros vaisseaux (Maladie d’Ebstein). Aussi chez une femme en âge de procréer, des moyens efficaces de contraception seront instaurés. Cependant chez une femme souhaitant un enfant et par ailleurs bien équilibrée sous lithium, une conception n’est pas forcément à proscrire dans la mesure où un diagnostic anténatale par échographie fœtale est possible.
Ils sont de trois ordres allant des incidents mineurs aux effets toxiques graves en passant par les effets tardifs. Il ne faut pas oublier le risque d’effets tératogènes.
Les effets toxiques graves sont directement corrélés à la lithiémie à partir de 1,2 mEq/l.
Il existe un danger important si la lithiémie est ≥ 1,5 mEq/l. Il y a alors risque de tentative de suicide ou de thérapeutique anarchique, ou de troubles hydroélectrolytiques ou enfin d’interaction médicamenteuse (AINS).
Les incidents mineurs sont précoces et disparaissant avec la poursuite du traitement ou entièrement réversibles à l'arrêt du traitement.
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Effets observés |
Remarques |
Effets toxiques graves |
nausées - tremblements - soif |
arrêt du traitement et contrôle de la lithiémie, sinon risque d'insuffisance rénale, de confusion, de coma, de convulsion, de collapsus pouvant aller jusqu'au décès |
diarrhée persistante |
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surtout dysarthrie, myoclonies, ataxie, syndrome cérébelleux, contractions musculaires |
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état stuporeux (viscosité de la pensée) |
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Incidents mineurs (sans rapport avec lithiémie) |
nausées, douleurs abdominales |
(prendre le lithium au milieu des repas) |
pollakiurie (et polydipsie) |
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léger tremblement fin des mains (≠ AVLOCARDYL |
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sédation et de ralentissement |
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Effets tardifs (± en rapport avec la lithiémie) |
soif (bouche sèche) |
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hypothyroïdie et goitre (parfois hyperthyroïdie |
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prise de poids |
en partie liée avec prise d'eau |
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accidents cardiaques |
rares dégénérescence des myofibrilles |
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sanguins |
hyperleucocytose |
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cutanés : |
acné, aggravation de psoriasis |
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état prédiabétique |
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Effets tératogènes |
risque de malformations foetales du coeur et des gros vaisseaux (sous lithium) Spina bifida (sous acide valproïque) |
Maladie d’Ebstein |
Elle repose :
- sur l’interrogatoire (apprécier l’observance et la tolérance),
- l’examen clinique (avec notamment le poids),
- un bilan sanguin (fonction rénale, bilan thyroïdien).
Un lithiémie est imposé en cas de signes de surdosage (état dépressif, léthargie, céphalée, douleurs rétro-palpébrales contractions), de réapparition des signes maniaques (sous-dosage), d’affection intercurrente, de changement de régime, de troubles hydroélectrolytique (diarrhée, hypersudation), de prise de médicaments susceptibles de modifier les concentrations plasmatiques (cf tabeau interactions)
En cas de dissociation clinico-biologique (par exemple dissociation entre les signes cliniques évocateurs d’une intoxication et le résultat de lithiémie), il est possible d’avoir recours à un dosage intra-érythrocytaire du lithium. Un rapport erythro-plasmatique supérieur à 0,5 témoigne d’une anomalie des échanges transmembranaires et signe une toxicité.