Les inhibiteurs de l'intégrase du VIH sont des molécules actives sur le VIH-1 et VIH-2. Elles font partie intégrante désormais de l'arsenal thérapeutique contre le VIH, y compris en première ligne dans les trithérapies en raison de leur puissance d'action. Les inhibiteurs d'intégrase ont pour cible l’intégrase du VIH, enzyme nécessaire à l’intégration du génome du VIH dans l’ADN de la celule hôte. L’inhibition de l’intégrase empêche l’intégration de l’ADN du VIH dans l’ADN de la celluel hôte, bloquant ainsi la formation du rétrovirus et la propagation de l’infection virale. Les inhibiteurs d'intégrase présentent de nombreux avantages en permettant une réduction très rapide de la charge virale et sont bien tolérés avec peu d’effets indésirables.
Voir chapitre : Antiviraux : Les points essentiels
Inhibiteurs d'intégrases actuellement sur le marché : bictégravir, cabotégravir, dolutégravir, elvitégravir, raltégravir.
STR = Single-Tablet Regimen
DCI | Sigle | Présentation | Posologie chez l'adulte |
Bictégravir | BIC | Cp au sein d'un STR associant : BIC/FTC/TAF avec BIC à 50mg | 50 mgx1/j dans un STR |
Cabotégravir | CAB |
30 mg cp 600 mg/3mL en IM (si schéma tous les 2 mois) 400 mg/2mL en IM (si schéma tous les mois) |
Schéma long acting Phase de lead-in possible par voir orale : 30 mgx1/j (en association avec la RPV) pendant 4 semaines 1 injection IM toutes les 8 semaines, sauf les 2 premières injection à 4 semaines d'intervalle en asociation avec la RPV |
Dolutégravir | DTG |
cp à 10 mg, à 25 mg et 50 mg cp dispersible à 5 mg STR disponibles asssociant : DTG/ABC/3TC ; DTG/RPV ; DTG/3TC |
50 mgx1/j patient naif OU 50 mg x2/j si association aux inducteurs (ex. : EFV, ETR, NVP, rifampicine) ou si échec et résistance aux anti-intégrases |
Elvitégravir | EVG | uniquement dans un STR associant : EVG/COB/3TC/TAF avec EVG à 150 mg | 150 mg dans un STR |
Raltégravir | RAL |
100 mg cp à croquer 100 mg granulés 25 mg cp à croquer 400 mg cp 600 mg cp |
2 cp de 600mgx1/j ou 400 mgx2/j |
Les inhibiteurs d'intégrase ciblent l’intégrase du VIH, enzyme nécessaire à l’intégration du génome du VIH dans l’ADN de la celule hôte. Ces inhibiteurs d'intégrase sont appelés également inhibiteurs sélectifs du transfert de brins de l'intégrase. Ils se lient au complexe intégrase-ADN viral après que ce dernier ait subi l’étape du « 3’-processing ». Les inhibiteurs d'intégrase possèdent une affinité plus élevée pour le site catalytique de l’enzyme et déplace l’ADN viral de ce dernier. Ainsi, le transfert de brin ne peut plus se faire.
Les inhibiteurs d'intégrase possèdent une structure chimique comportant deux parties :
- la première partie est composée de trois atomes d’oxygène coplanaires qui se lient aux cations métalliques Mg2+ indispensables à l’activité catalytique de l’intégrase
- la seconde partie est constituée d’un cycle aromatique halogéné, qui interagit avec une paire de base G-C précédant l’adénine terminale de l’ADN viral et les résidus 145 et 146 de l’intégrase.
Cette double interaction conduit au déplacement irréversible de l’adénine terminale de l’ADN viral du site catalytique de l’intégrase.
Au final, les inhibiteurs d'intégrase empêchent l’intégration de l’ADN proviral dans la cellule qui l’héberge. Les inhibiteurs de l’intégrase sont actifs indépendamment du tropisme des virus VIH-1 (CCR5 et CXCR4).
L’objectif principal d'un traitement antirétroviral est de stabiliser l’infection VIH dans un état d’équilibre immuno-virologique, sans réplication virale et sans évolution clinique. L’effet recherché à court terme est une réduction rapide de la charge virale (ARN plasmatique VIH), associée à long terme à un maintien d'une charge virale indétectable ainsi qu’une restauration immunitaire permettant de protéger le patient des infections opportunistes. Dans l'arsenal thérapeutique contre le VIH, les inhibiteurs d'intégrase ont montré leur puissance d'action dans plusieurs études clinique avec une baisse en moyenne de 2 log, voire plus, de la charge virale en 2 à 4 semaine. Ils sont actifs à la fois sur le VIH-1 et le VIH-2.
Les inhibiteurs d'intégrase présentent de nombreux avantages :
- réduction très rapide de la charge virale
- peu d’interactions médicamenteuses majeures (excepté association elvitégravir + cobicistat)
- bien tolérés avec peu d’effets indésirables
- fréquence de prise réduite et plusieurs présentations sous forme de STR existent
Actuellement, les multithérapies anti-rétrovirales sont indiquées dans le cadre de l'infection par le VIH. Dans la plupart des cas, on prescrira une trithérapie avec trois molécules d’au moins deux classes thérapeutiques différentes. Les inhibiteurs d'intégrase font désormais partie des molécules largement utilisées en première intention en association avec des INTI ou INNTI. Les associations indiquées en première intention où l'on retrouve les inhibiteurs d'intégrase sont :
- ABC/3TC/DTG (après recherche de la mutation HLA*B5701 afin d'éliminer le risque d'hypersensibilité lié à l'ABC)
- TDF/FTC + DTG
- BIC/FTC/TAF
- RAL + FTC/TDF
Des mesures d'allègement thérapeutique peuvent être réalisées chez les patients virologiquement contrôlés de longue date et sous certaines conditions. On retrouve en bithérapies possibles impliquant les inhibiteurs d'intégrase :
- 3TC/DTG
- CAB/RPV
Principales caracétristiques pharmacocinétiques des inhibiteurs d'intégrase :
Bictégravir | Cabotégravir oral | Cabotégravir IM | Dolutégravir | Elvitégravir | Raltégravir | |
Aborption |
Avec ou sans repas Repas riche en graisse améliore absorption |
Avec ou sans repas Repas riche en graisse améliore absorption |
PK flip-flop |
Avec ou sans repas Repas riche en graisse améliore absorption |
Nécessite le boost par 150 mg de COB Avec ou sans repas Repas riche en graisse améliore absorption |
Avec ou sans repas Repas riche en graisse améliore absorption Absorption dépendante du pH gastro-intestinal |
Cmin | 2,61 mg/L | 4,6 mg/L | 1,6 mg/L | 1,11 mg/L (50 mgx1/j) 2,12 mg/L (50 mgx2/j) |
0,45 mg/L (avec COB) | 0,069 mg/L (400 mgx2/j) |
Cmax | 6,15 mg/L | 8 mg/L | 4 mg/L | 3,67 mg/L (50 mgx1/j) 4,15 μg/ml (50 mgx2/j) |
1,7 mg/l (avec COB) | 2,17 mg/L (400 mgx2/j) |
Vd | 15,56 L/kg | 12,3 L | 12,3 L (si phase orale) | 17,4 L/kg | ND | ND |
LPP | >99% | >99,8% | >99,8% | >98,9% | 98 à 99% | 83% |
Métabolisme | CYP3A4 et UGT1A1 | UGT1A1 et UGT1A9 | UGT1A1 et UGT1A9 | UGT1A1 (majoritaire) et CYP3A4 | CYP3A, glucuronidation via UGT1A1 et UGT1A3 | Glucuronidation par UGT1A1. Pas de passage par CYP450 |
Transport |
Substrat P-gp, BCRP Inhibiteur OCT2, MATE1 |
Substrat P-gp et BCRP (sans impact clinique car perméabilité du CAB élevée) |
Substrat P-gp et BCRP (sans impact clinique car perméabilité du CAB élevée) | Substrat P-gp, BCRP Inhibition des transporteurs rénaux OCT2 et MATE-1 |
Inhibiteur de P-gp, BCRP, MATE-1, OATP1B1/1B3, OCT2 Inducteur léger CYP2C9, UGT |
ND |
Elimination | Hépatique majoritaire (35% rénal) | Hépatique majoritaire (27% rénale) | Hépatique majoritaire (27% rénale) | Hépatique majoritaire (31% rénale) | Hépatique majoritaire (7% rénale) | Hépatique majoritaire (32% rénale) |
t1/2 d'élimination | 17,3 h | 41 h | 5,6 à 11,5 semaines | 14 h | 12,9 (avec COB) | 9 h |
Interactions d'ordre pharmacocinétique :
Des interactions au niveau de l’absorption ont été décrites pour les inhibiteurs d'intégrase car ils sont chélatés par les cations polyvalents. Les concentrations de ces inhibiteurs di'ntégrase diminuent en présence de cations di ou tri-valents (Ca2+, Mg2+, Al3+, Fe2+, Fe3+, Zn2+,...) Vigilance donc avec les agents antiacides à base de magnésium et d’aluminium, les suppléments en fer et en calcium, les compléments multivitaminés en automédication, le valproate de sodium (formulation galénique riche en cations).
Concernant le dolutégravir : L'inhibition de transporteurs au niveau rénal (OCT2) sont sources d'interactions médicamenteuses. Vigilance notamment en cas d'association avec la metformine car risque d'accumulation de la metformine. En cas d'association, la posologie de metformine devra être diminuée avec surveillance clinico-biologique. A noter, on observe une augmentation de la créatinine à l'initiation du DTG par inihbition de l'OCT2. En cas d'association avec un inducteur enzymatique du CYP 3A4, la posologie sera doublée à 50 mgx2/j associé à un suivi thérapeutique pharamcologique.
Concernant l'EVG, son association systématique au COB, qui est inhibiteur puissant du CYP3A4, entraîne un risque d'interaction avec tous les médicaments substrat du CYP3A4.
Concernant le raltégravir : Le métabolisme se faisant essentiellement par glucuro-conjugaison, peu d’interférences avec les molécules métabolisées par les CYP450 sont identifiées. D’autre part, le raltégravir n’est ni inducteur, ni inhibiteur des CYP450 et de la P-gp. Il existe, par ailleurs, un polymorphisme génétique de l’UGT1A1 avec les porteurs de l’allèle UGT1A128/28 qui présentent une activité réduite de cette enzyme, sans conséquence clinique notable.
- Hypersensibilité
- Résistance connue à la classe des inhibiteurs de l'intégrase
Globalement, les inhibiteurs d'intégrase présentent un bon profil de sécurité. En terme d'effets indésirables, on retrouve plus particulièrement pour :
- Raltégravir : douleurs musculaires, élévation des CPK, troubles digestifs, rash cutané
- Elvitégravir : troubles digestifs
- Dolutégravir : troubles neuropsychiatriques, insomnies, cauchemars, dépression, prise de poids en association avec le TAF
- Bictégravir : Prise de poids
- Cabotégravir injectable : Douleur au point d'injection
Effets thérapeutique :
L’objectif principal du traitement est l’obtention d’une charge virale indétectable le plus rapidement possible associée à une restauation immunitaire notamment remontée des CD4. La surveillance repose donc sur le suivi immunovirologique régulier de la charge virale et du taux de CD4.
Le suivi thérapeutique pharmacologique (dosage plasmatique) contribue également à une bonne prise en charge des patients.
Effets indésirables :
Concernant le raltégravir :
- En raison des cas d’hépatotoxicité, un suivi biologique de la fonction hépatique est souhaitable pendant le traitement.
- De même, en raison des atteintes musculaires possibles, un suivi des CPK est également souhaitable pendant le traitement.
Concernant le dolutégravir : surveillance de l'apparition de troubles neuro-psychiatriques, de troubles du sommeil, de prise de poids.
Concernant le bictégravir : surveillance de la prise de poids