*Médicaments des dyslipidémies : Les points essentiels

Résumé de la fiche


Cours sur les médicaments des dyslipidémies du Pr. Guillaume GRENET, Lyon

Le risque d’athérosclérose et donc de complications cardio-vasculaires est accru chez les patients dyslipidémiques. Le rôle d’une concentration sanguine élevée de cholestérol total et de LDL-cholestérol, ainsi que d’une concentration basse de HDL-cholestérol, sur le risque de maladie coronaire est clairement établi depuis les années 1960 grâce à la cohorte de Framingham aux Etats-Unis.
La prise en charge initiale des dyslipidémies est diététique. Quand un traitement médicamenteux est nécessaire, il existe actuellement plusieurs classes médicamenteuses disponibles dont les principales sont :

  • les statines (inhibiteurs de l’HMG CoA réductase) 
  • les fibrates (agonistes des récepteurs PPAR-alpha)
  • l’ézétimibe (inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol) 
  • les anti-PCSK9 (anticorps monoclonaux anti proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9)  
  • la colestyramine (résine échangeuse d’ions et chélatrice d’acides biliaires) 

Les statines ont une action hypocholestérolémiante, avec baisse du cholestérol total, du VLDL-C et du LDL-C. Elles augmentent modérément le HDL-C. Cinq statines sont commercialisées actuellement en France. Toutes ces statines ont montré, chacune dans au moins une étude, un bénéfice clinique avec réduction des événements cardiovasculaires ou de la mortalité ou des deux, dans différentes populations de patients (prévention primaire, secondaire, haut risque cardiovasculaire).
Les fibrates ont une action préférentielle sur l'hypertriglycéridémie et augmentent le HDL-C. Ils sont également hypocholestérolémiants mais dans une moindre mesure que les statines. Quatre fibrates sont actuellement commercialisés en France. Seul le gemfibrozil a montré un bénéfice clinique avec réduction des événements coronariens. Aucun fibrate n’a montré de bénéfice sur le risque de mortalité toutes causes.
L’ézétimibe a une action hypocholestérolémiante en inhibant l’absorption intestinale du cholestérol et des phytostérols apparentés.
Les anti-PCSK9 (evolocumab et alirocumab) ont une action hypocholestérolémiante. Les résultats des essais cliniques ont permis de montrer une forte réduction du LDL-C notamment en association avec les statines.  
La colestyramine diminue les concentrations plasmatiques de cholestérol.

Les indications des hypolipémiants sont fonction de leurs effets différents sur le profil lipidique, du niveau de risque cardiovasculaire du patient et du niveau de preuve des différents médicaments.

  • Les statines sont indiquées dans les hypercholestérolémies pures ou les dyslipidémies mixtes, chez des patients à risque modéré ou élevé, et ont le niveau de preuve le plus élevé
  • Les fibrates sont utiles dans les hypertriglycéridémies pures ou les dyslipidémies mixtes, surtout si le HDL est bas, mais leur niveau de preuve est faible
  • L’ezetimibe est prescrit en association avec une statine chez des patients ayant une hypercholestérolémie primaire qui ne sont pas contrôlés de façon appropriée par une statine seule. La monothérapie doit être réservée aux patients pour lesquels un traitement par statine est inapproprié ou mal toléré.
  • Les anti-PCSK9 sont indiqués dans la prise en charge des hypercholestérolémies et dyslipidémies mixtes chez des patients à très haut risque cardiovasculaire et en association à un traitement hypolipémiant optimisé ou seul en cas de contre-indication ou d’intolérance avérée à la fois aux statines et à l’ézétimibe.
  • La colestyramine est indiquée dans l’hypercholestérolémie essentielle, de moins en moins utilisée cependant, avec un niveau de preuve modeste.

Le traitement médicamenteux, une fois instauré, doit être poursuivi au long cours, et faire l’objet de réévaluations périodiques.
Les fibrates et les statines sont globalement bien tolérés mais ils exposent parfois à des effets indésirables hépatiques et musculaires, pouvant rarement être sévères. La complication à redouter est la survenue d’une rhabdomyolyse liée à l’accumulation sérique de médicament. Cette accumulation peut être liée à une interaction médicamenteuse pharmacocinétique avec des médicaments inhibiteurs du CYP450, ou à un défaut d’élimination lors d’insuffisance rénale ou hépatique sévères. Le profil de sécurité et les précautions d’emploi de l’ézétimibe sont très proches de ceux des statines car co-prescrits. Les effets indésirables les plus fréquents des anti-PCSK9 concerne la survenue d’infection et de réactions au site d’injection. La colestyramine expose à des effets indésirables digestifs. 
Les contre-indications des fibrates sont l’insuffisance hépatique ou rénale sévères. Les statines et l’ézétimibe sont contre-indiquées en cas de myopathie, d’affection hépatique évolutive et/ou d’élévation prolongée des transaminases et d’insuffisance rénale sévère (pravastatine). En dehors d’hypersensibilités à la substance active ou aux excipients les anti-PCSK9 n’ont pas de contre-indications.  La colestyramine est contre-indiquée en cas d’insuffisance hépatique, en particulier en cas d’obstruction complète des voies biliaires.

Item(s) ECN

223 (R2C) : Dyslipidémies
330 (R2C) : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l'adulte et chez l'enfant, hors anti-infectieux. Connaitre les grands principes thérapeutiques.

Rappel physiopathologique

Métabolisme des lipides (Figure 1) :

hypolip schema

Dans le plasma, les lipides sont transportés associés à des protéines spécifiques sous forme de lipoprotéines. Les principales lipoprotéines sont les chylomicrons et VLDL (very-low-density-lipoproteins) riches en triglycérides, les LDL (low-density-lipoprotéins) principalement constituées de cholestérol et les HDL (high-density-lipoproteins). Les lipides alimentaires émulsionnés et hydrolysés dans le tube digestif sont absorbés sous forme de cholestérol, acides gras et glycérol. Dans l’entérocyte, les acides gras estérifiés en triglycérides s’associent au cholestérol estérifié pour former les chylomicrons ensuite excrétés par exocytose. Dans les vaisseaux, la lipoprotéine lipase détache certains acides gras des chylomicrons, puis les restes, riches en cholestérol subissent une captation hépatique. Le foie synthétise les VLDL qui transportent les triglycérides vers les tissus consommateurs. Les VLDL se transforment sous l’influence de la lipoprotéine lipase en LDL, riches en cholestérol, et captées par des récepteurs hépatiques et extra-hépatiques. Les tissus extra-hépatiques qui fixent les LDL retiennent une partie du cholestérol et excrètent le reste sous forme de HDL. Ces protéines d’efflux captent les lipides excédentaires au sein des tissus. Le cholestérol libre qu’elles contiennent est estérifié par la LCAT plasmatique pour les transformer en LDL capté par le foie.

Les 3 principaux types de dyslipidémie rencontrés en médecine courante sont :

  • Les hypercholestérolémies pures avec augmentation du LDL-C (type II de Frederikson)
  • Les hypertriglycéridémies pures (type IV ou endogène la plus fréquente)
  • Les hyperlipidémies mixtes (type IIb et type III)

Les patients dyslipidémiques ont un risque accru de développer une athérosclérose responsable de complications vasculaires, dont la principale localisation est coronaire (cardiopathies ischémiques). Même si l’athérosclérose est une pathologie multifactorielle, la responsabilité de l’élévation des concentrations sanguines de cholestérol total, du LDL-C et de la baisse du HDL-C sur l’évolution de la maladie coronaire est clairement établie. La première étude a avoir montré cette relation a été la cohorte de Framingham. Cette cohorte, initiée en 1948, a montré dès les années 1960 qu’il existait une relation entre l’élévation du cholestérol sanguin et la cardiopathie ischémique.
Ainsi, l’objectif du traitement hypolipémiant est avant tout celui de diminuer le risque de survenue d’une complication cardiovasculaire : cardiopathie ischémique (infarctus du myocarde,..), artériopathie périphérique, accident vasculaire cérébral, complications rénales, …

Décision de traitement :

Dans le cas de la prévention secondaire, l'utilisation d'emblée d'une forte dose de statine est recommandée.

Pour la prévention primaire, la décision de traitement d'une dyslipidémie repose sur l'évaluation du risque de mortalité cardiovasculaire à 10 ans et sur la concentration cible souhaitée pour le LDL-C (Source 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk).

Évaluation de la mortalité cardiovasculaire à 10 ans :

Repose sur le calcul effectué avec la table de SCORE qui permet de prédire le risque de survenue d’évènement cardiovasculaire létal à 10 ans, chez des individus présumés sains, sans antécédent de maladie cardiovasculaire, non diabétiques, sans maladie rénale chronique (Source 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk) :

Diapositive2

Le risque cardiovasculaire est ensuite classé en quatre niveaux :

  • Bas risque cardiovasculaire : SCORE < 1% 
  • Risque cardiovasculaire modéré : 
    • Patients jeunes avec diabète de moins de 10 ans (âge < 35 ans si diabète type 1 ; < 50 ans si diabète type 2) sans autre facteurs de risque cardiovasculaire
    • 1% ≤ SCORE < 5%
  • Haut risque cardiovasculaire : 
    • Un facteur de risque cardiovasculaire (pression artérielle > 180/110 ; triglycérides > 3,1 g/L ; LDL-C > 1,9 g/L).
    • Hypercholestérolémie familiale sans autre facteur de risque cardiovasculaire
    • Diabète sans atteinte d’organe, avec durée > 10 ans ou avec autre facteur de risque cardiovasculaire
    • Insuffisance rénale modérée avec débit de filtration glomérulaire 30 < DFG < 59 mL/min/1,73 m2
    • 5% ≤ SCORE < 10%
  • Très haut risque cardiovasculaire : 
    • Prévention secondaire (syndrome coronaire aigu, angor, revascularisation coronaire, accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire, artériopathie oblitérante des membres inférieurs)
    • Hypercholestérolémie familiale avec autre facteur de risque cardiovasculaire 
    • Diabète avec atteinte d’organe ou au moins 3 facteurs de risque cardiovasculaire ou diabète de type 1 d’une durée > 20 ans
    • Insuffisance rénale chronique sévère DFG < 30 mL/min/1,73 m2
    • SCORE ≥ 10%

Le seuil d'intervention thérapeutique est ensuite défini en fonction de ce risque cardiovasculaire et de la concentration de LDL-cholestérol :

Diapositive3

Les objectifs thérapeutiques sont :

  • Faible risque cardiovasculaire : LDL-C cible < 1,16 g/L
  • Risque cardiovasculaire modéré : LDL-C cible < 1,00 g/L
  • Haut risque cardiovasculaire : réduction du LDL-C ≥ 50% et LDL-C cible < 0,70 g/L
  • Très haut risque cardiovasculaire (prévention primaire ou secondaire) : réduction du LDL-C ≥ 50% et LDL-C cible < 0,55 g/L
  • Prévention secondaire à très haut risque cardiovasculaire avec récidive d’un évènement cardiovasculaire de moins de 2 ans : réduction du LDL-C ≥ 50% et LDL-C cible < 0,40 g/L

La prise en charge des patients dyslipidémiques est initialement hygiéno-diététique et accompagnée d’une prescription adaptée d’exercice physique. Quand ces mesures ne permettent pas d’abaisser suffisamment les concentrations de LDL-C en prévention primaire, un traitement médicamenteux doit être associé. Dans ce cas, il est nécessaire de confirmer les anomalies biologiques par 2 dosages à distance avant d’entreprendre une intervention pharmacologique.

Médicaments existants

Ce traitement médicamenteux doit porter sur les classes thérapeutiques ayant une AMM dans ces indications (Cf Tableau 1). Les statines et les anti-PCSK9 sont indiquées dans les hypercholestérolémies pures ou mixtes, les fibrates dans les hypertriglycéridémies endogènes isolées ou associées et les hypercholestérolémies pures, et la colestyramine et l'ézetimibe dans les hypercholestérolémies essentielles. Le choix thérapeutique repose sur le profil dyslipidémique des patients (taux de LDL-C, les triglycérides et le taux de HDL-C) et leur risque.

Tableau 1. Classes thérapeutiques ayant une indication comme hypolipémiants.

Classe médicamenteuse

DCI (Nom comercial)

Statines Atorvastatine (Tahor®)
Fluvastatine (Fractal®, Lescol® et génériques)
Pravastatine (Elisor®, Vasten® et génériques)
Simvastatine (Zocor®, Lodalès® et génériques)
Rosuvastatine (Crestor®)

Fibrates

Bézafibrate (Béfizal®)
Ciprofibrate (Lipanor® et génériques)
Fénofibrate (Lipanthyl®, Fegenor®, Secalip®, et génériques)
Gemfibrozil (Lipur®)

Inhibiteurs de l’absorption du cholestérol

Ezetimibe (seul : Ezetrol® ; en association à la simvastatine Inegy® ; en association à l’atorvastatine Liptruzet®)

Anti-PCSK9

Alirocumab (Praluent®)

Evolocumab (Repatha®)

Résines échangeuses d'ions

Colestyramine (Questran®)

Divers

Lomitapide (Lojuxta®)

Oméga 3 Polyinsaturés (Omacor®)

Tiadénol (Fonlipol®)

Volanesorsen (Waylivra®)

DCI: dénomination commune internationale

Mécanismes d’action des différentes molécules

Statines :
Ils inhibent la biosynthèse du cholestérol par inhibition compétitive de l'HMG-CoA réductase. L’HMG-CoA réductase est l’enzyme qui catalyse l'étape limitante de conversion de l’HMG-CoA en mévalonate, le précurseur du cholestérol. Son inhibition provoque une déplétion du cholestérol libre intra-hépatocytaire et une “ up-régulation ” des récepteurs des LDL hépatiques qui amplifient la clairance plasmatique du LDL-C. Au plan biologique, le blocage de l’HMG-CoA réductase entraîne donc une diminution de la concentration plasmatique des LDL-C. Ce mécanisme d’action est complété par une dégradation intracellulaire accrue de l’apo-B et une diminution de sécrétion hépatique des VLDL par défaut d’assemblage.

Fibrates :
Ils agissent sur les PPARa qui sont des facteurs de transcription intranucléaires impliqués dans la régulation du métabolisme des lipoprotéines. Ces modulations touchant plus particulièrement les VLDL et HDL, les fibrates ont une puissante action hypotriglycéridémiante. Ils ont une moindre action hypocholestérolémiante tout en augmentant le HDL-C.

Ezetimibe :
Il inhibe spécifiquement l’absorption intestinale de cholestérol et de certains phytostérols, en inhibant leur transporteur, sans modifier l’absorption des vitamines liposolubles, de triglycérides ou d’acides biliaires. Il diminue ainsi le cholestérol total et le LDL-cholestérol.

Anti-PCSK9 :
L’évolocumab et l’alirocumab sont des anticorps monoclonaux ciblant la PCSK9, une protéine responsable de la dégradation du récepteur au LDL-C. En agissant par inhibition de la PCSK9 ils induisent ainsi une augmentation de ces récepteurs à la surface hépatocellulaire, et, de ce fait, une diminution du LDL-C circulant.

Colestyramine :
Elle augmente l’élimination fécale des acides biliaires en les séquestrant et réduisent ainsi leur circulation entéro-hépatique. Les concentrations plasmatiques du cholestérol total et du LDL-cholestérol, qui sont des précurseurs des acides biliaires, sont donc diminuées. La concentration des triglycérides plasmatiques augmente transitoirement en début de traitement.

Mécanisme schématique d'action des hypolipémiants (Figure 2) :

hypolip meca

Effets utiles en clinique

Les statines sont indiquées :

  • Dans les hypercholestérolémies et les dyslipidémies mixtes, lorsqu’un régime adapté s’avère insuffisant
  • Elles permettent une stabilisation, voire une régression des lésions athéromateuses coronariennes, une diminution de la récidive des cardiopathies ischémiques, une diminution des AVC chez les patients coronariens
  • L’efficacité des statines sur la morbi-mortalité coronaire est prouvée en prévention primaire pour la pravastatine, la simvastatine et l’atorvastatine. En prévention secondaire, la pravastatine et la simvastatine réduisent la morbi-mortalité coronaire et la mortalité totale.

Effets des statines sur les profils lipidiques :

Molécules

Posologie
journalière

Modification maximale
du LDL-C

Modification maximale
des TG 

Modification maximale
du HDL-C 

Atorvastatine

80 mg

- 60 %

- 29 %

+ 6 %

Fluvastatine

40 mg

- 32 %

- 10 %

+ 8 %

Pravastatine

40 mg

- 34 %

- 24 %

+ 12 %

Simvastatine

80 mg

- 47 %

- 18 %

+ 12 %

Rosuvastatine

80 mg

- 65 %

- 35 %

+ 14 %

Les fibrates sont indiqués lorsqu’un régime adapté et assidu s’est révélé insuffisant :

  • Pour traiter les hypertriglycéridémies endogènes de l’adulte isolées ou associées
  • Pour traiter les hypercholestérolémies
  • Les fibrates baissent très efficacement les concentrations sanguines de triglycérides et augmentent les concentrations de HDL-C. La baisse de la concentration sanguine de LDL-C est variable. Pour le gemfibrozil, la réduction de la morbi-mortalité coronaire est prouvée en prévention primaire. En prévention secondaire, le gemfibrozil diminue également les récidives chez les patients avec un HDL-C bas.

Les anti-PCSK9 sont indiqués en cas de contre-indication ou d’intolérance avérée aux statines et/ou à l’ézétimibe :

  • Dans les hypercholestérolémies familiales hétérozygotes à très haut risque cardiovasculaire, insuffisamment contrôlée par un traitement optimisé et nécessitant un traitement par LDL-aphérèse
  • En prévention secondaire en cas de maladie cardiovasculaire athéroscléreuse établie (antécédent d’IDM, d’AVC non hémorragique et/ou d’AOMI symptomatique) non contrôlés (LDL-C ≥ 0,7 g/L)
  • En association à un traitement hypolipémiant optimisé ou seul en cas de contre-indication ou d’intolérance avérée à la fois aux statines et à l’ézétimibe

La colestyramine est indiquée :

  • Dans l’hypercholestérolémie essentielle, lorsque le régime adapté et assidu s’est révélé insuffisant et /ou qu’il existe des facteurs de risque associés
  • En association aux statines ou fibrates pour permettre des baisses importantes de cholestérol
  • L’effet bénéfique de la colestyramine a été prouvé en prévention primaire sur l’incidence des accidents coronariens, sans diminution de la mortalité totale

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Les statines induisent le blocage spécifique de l’HMG CoA-réductase entraînant la diminution de synthèse du cholestérol hépatocytaire et la stimulation des récepteurs hépatiques des LDL pour produire une diminution du cholestérol circulant. En plus de leur action sur les LDL, les statines agissent sur de nombreuses autres variables athérogènes et ce, indépendamment des effets qu’elles induisent sur la baisse des lipides. Ces effets, classiquement dénommés pléïotropes, concernent les altérations de fonction de l’endothélium, l’inflammation, la coagulation, et la stabilité de la plaque d’athérome.

Les fibrates stimulent la lipolyse en activant les récepteurs PPAR-alpha qui modifient la transcription des gènes régulateurs du métabolisme des VLDL et HDL. Les fibrates diminuent surtout les triglycérides et augmentent le HDL-C. Ils sont donc utilisés en première intention pour traiter les hypertriglycéridémies majeures (concentration de triglycérides élevée dépassant 4 g/L et LDL-C normal).

Compte tenu des mécanismes d’action différents entre les fibrates et les statines, leur association apparaît synergique pour traiter les augmentations conjointes et élevées de LDL-C et triglycérides. Cependant, suite à des problèmes toxiques graves liés à des interactions médicamenteuses pharmacodynamiques (rhabdomyolyse sous association de cérivastatine et gemfibrozil), ces associations très puissantes sont réservées aux seuls spécialistes.

L’ezétimibe est un inhibiteur sélectif de l’absorption intestinale de cholestérol et de phytostérols apparentés, en ciblant le transporteur des stérols NPC1L1 (Niemann-Pick C1-like 1). Il diminue ainsi l’apport de cholestérol intestinal au foie. Il n’affecte pas l’absorption des acides gras, des triglycérides, des vitamines liposolubles, des acides biliaires. Il est indiqué dans les hypercholestérolémies primaires (familiales hétérozygotes ou non familiales) en association avec une statine, lorsque celle-ci ne suffit pas, ou en monothérapie lorsque la statine est mal tolérée. Il possède également une indication dans la sitostérolémie homozygote (phytostérolémie) comme traitement adjuvant au régime.

Les anti-PCSK9 sont des anticorps monoclonaux qui se lie avec une haute affinité et une haute spécificité à la PCSK9. La PCSK9 se lie aux récepteurs au LDL-C présents à la surface des hépatocytes et favorise ainsi leur dégradation dans le foie. En empêchant la PCSK9 de se lier aux récepteurs au LDL-C, les anti-PCSK9 augmente le nombre de récepteurs disponibles pour capter le LDL-C circulant et permet donc de diminuer le taux de LDL-C dans le sang. Les récepteurs au LDL-C se liant également à d’autres lipoprotéines, les anti-PCSK9 permettent une réduction des taux d'Apo B, de non HDL-C et de TG. 

La colestyramine est une résine basique synthétique possédant une forte affinité pour les sels biliaires. Elle les fixe sous forme d’un complexe insoluble, éliminé par voie fécale, qui inhibe leur cycle entérohépatique. La colestyramine permet donc de diminuer le cholestérol plasmatique en accélérant son élimination sous forme de sels biliaires. Elle est indiquée dans les hypercholestérolémies essentielles, en deuxième intention, du fait de ses effets indésirables digestifs et de la bonne efficacité des statines. Dans les hypercholestérolémies pures, l’association colestyramine-statine a démontré un effet synergique en renforçant la déplétion intracellulaire hépatique de cholestérol.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Certaines statines (simvastatine, lovastatine et atorvastatine) sont métabolisées par le cytochrome P450 3A4 (Cf. tableau fiche statines). Les inhibiteurs enzymatiques de ces cytochromes (antifongiques azolés, erythromycine, clarythromycine, ciclosporine , diltiazem, verapamil, anti-protéases, jus de pamplemousse, …) peuvent, en diminuant leur métabolisme, majorer le risque d’effets indésirables (rhabdomyolyse) en entraînant un surdosage. La fluvastatine et la rosuvastatine, principalement métabolisées par le cytochrome 2C9 et la pravastatine non métabolisée au niveau hépatique présentent un moindre risque d’interaction médicamenteuse. Les statines sont majoritairement éliminées par excrétion biliaire (60 - 98%). L’insuffisance hépatique augmente considérablement les concentrations plasmatiques des statines. L’insuffisance rénale ne modifie pas de façon majeure la pharmacocinétique des statines, mais en cas d’insuffisance rénale il faut préférer l’utilisation de l’atorvastatine et la fluvastatine dont l’élimination rénale est très faible. L’association statines-fibrates augmente les risques de rhabdomyolyse par interaction pharmacodynamique et est donc réservée aux seuls spécialistes.

Les fibrates peuvent potentialiser l'effet anticoagulant des anti-vitamines K (AVK). Ils sont métabolisés au niveau hépatique et éliminés essentiellement par voie rénale. L’insuffisance hépatique et l'insuffisance rénale sévères sont donc des contre-indications absolues à leur utilisation. L’association fibrate-perhexilline est contre-indiquée (risque d’hépatite aiguë).

Les anti-PCSK9 sont administrés par voie sous-cutanée. Après injection l’état d’équilibre est atteint en 1 à 2 jours pour l’alirocumab et en 3 à 4 jours pour l’évolocumab. La demi-vie d’élimination est de 17-20 jours pour l’alirocumab et de 11-17 jours pour l’évolocumab permettant une administration toutes les 2 semaines ou 4 semaines suivant la posologie considérée.

La colestyramine ne présente pas d’absorption intestinale et, à ce titre, est le seul hypolipémiant sans contre-indication de principe chez la femme enceinte ou l’enfant. Elle doit être prise à distance des autres médicaments (2 heures avant ou après) pour ne pas bloquer leur absorption intestinale. Ainsi, l’association de la cholestyramine aux anticoagulants oraux, aux hormones thyroïdiennes ou digitaliques nécessite un renforcement de leur suivi thérapeutique.

Source de la variabilité de la réponse

Les effets indésirables musculaires et hépatiques des statines et des fibrates sont augmentés par l'emploi de doses élevées, les interactions médicamenteuses et l'insuffisance rénale (fibrates) ou hépatique (fibrates et statines).

Situations à risque ou déconseillées

Les contre-indications des statines sont une hypersensibilité à l’un des constituants du médicament, une myopathie, une affection hépatique évolutive et ou une élévation prolongée des transaminases, une insuffisance rénale sévère (pravastatine). La grossesse constitue une non-indication à la prescription des statines qui sont aussi, comme les fibrates, déconseillées pendant l’allaitement.

Les contre-indications des fibrates sont l’insuffisance hépatique et rénale sévères. Seules, les hypertriglycéridémies majeures insuffisamment corrigées par la diététique et qui exposent au risque maternel de pancréatite aiguë peuvent justifier de leur prescription en cours de grossesse. L’association des fibrates à la perhexilline (PEXID®) est contre-indiquée (risque d’hépatite aiguë). La prescription des fibrates est déconseilléeen période d’allaitement.

La colestyramine est contre-indiquée chez les malades insuffisants hépatiques et en particulier lors d’obstruction complète des voies biliaires. Il est déconseillé de prescrire la colestyramine chez les patients présentant une constipation chronique.

Précautions d’emploi

L’association des statines aux AVK en majeure le risque hémorragique. Comme pour les fibrates, des concentrations de transaminases supérieures à 3 fois la normale chez des patients traités par statine doivent conduire à l’arrêt du traitement. Une atteinte musculaire doit être évoquée chez tout patient présentant des myalgies diffuses, une sensibilité musculaire douloureuse, et/ou une élévation importante des CPK musculaires (>5 fois la normale) ; dans ces conditions le traitement doit être arrêté. Le traitement par statines doit être arrêté ou interrompu en cas de survenue d’un facteur prédisposant à l’apparition d’une insuffisance rénale secondaire à une rhabdomyolyse (infection aiguë sévère, hypotension, intervention chirurgicale majeure, traumatisme, perturbations métaboliques, endocriniennes ou électrolytiques sévères, épilepsie non contrôlée). Une majoration du risque de rhabdomyolyse est retrouvée en cas d’interaction pharmacocinétique entre les statines métabolisées par le CYP P450 et les inhibiteurs enzymatiques de ce même cytochrome (Cf. interactions médicamenteuses pharmacocinétiques).

Pour les fibrates, si  l’objectif thérapeutique biologique n’est pas atteint après plusieurs mois de traitements, des moyens thérapeutiques complémentaires ou différents doivent être envisagés. La surveillance biologique systématique des transaminases hépatiques doit être effectuée tous les 3 mois durant la première année de traitement. En cas d’association avec des anticoagulants oraux, une surveillance de l'INR est nécessaire. Une prudence particulière s’impose lors de syndrome néphrotique, ou lors d’altération des fonctions hépatiques ou rénales du patient (Cf. Contre-indications). L’association fibrates-statines doit être évitée sauf cas particulier, du fait du risque majoré d’effets indésirables musculaires.

La colestyramine doit être débutée à faible dose et à distance des repas, surtout chez les personnes âgées, pour améliorer sa tolérance digestive.

Effets indésirables

Les statines sont susceptibles d’entraîner des troubles musculaires. La myotoxicité des statines reste peu fréquente (1% des patients) et se traduit le plus souvent par une fatigue musculaire, des myalgies ou des crampes associées ou non à une élévation des CPK régressives à l’arrêt du traitement. Beaucoup plus rarement survient une rhabdomyolyse qui apparaît en quelques jours de façon imprévisible, généralement en début de traitement, avec une élévation majeure des CPK (>30 à 40 fois la norme) conduisant à une myoglobinurie. Des élévations modérées des transaminases, à l’instauration du traitement, et le plus souvent transitoires ont été observées. Toutefois, leur élévation supérieure à 3 fois la normale doit conduire à l’arrêt du traitement.

Les fibrates sont globalement bien tolérés. Une augmentation discrète et transitoire des enzymes hépatiques est possible en début de traitement. Une atteinte musculaire doit être évoquée chez tout patient présentant des myalgies diffuses, une sensibilité musculaire douloureuse et une élévation importante des CPK (>5 fois la normale) qui implique l’arrêt des fibrates. La survenue d’accidents de rhabdomyolyse est accrue lors d’accumulation plasmatique (surdosage, interaction médicamenteuse, insuffisance hépatique ou rénale). Plus rarement, des réactions cutanées (éruptions, urticaire ou des réactions de photosensibilité) ont été rapportées. Parmi les effets indésirables à long terme, le risque de lithiase biliaire reste encore mal évalué.

Les anti-PCSK9 exposent principalement à des réactions au site d’injection. La survenue d’infection ou de syndrome pseudo-grippal a également été fréquemment rapporté. 

La colestyramine expose essentiellement à des effets indésirables digestifs nécessitant rarement l’arrêt du traitement. Il s’agit de constipation, douleurs abdominales, éructation, ballonnements, diarrhée, voire de stéatorrhée. Une acidose hyperchlorémique ou la perturbation des tests hépatiques sont possibles.

Surveillance des effets

La prise en charge hygiéno-diététique ou médicamenteuse d’une dyslipidémie vise à obtenir un abaissement du LDL-C au-dessous du seuil de décision thérapeutique. Aussi, pour l’efficacité du traitement, la surveillance portera sur la concentration de LDL-C ou des triglycérides.
Pour les fibrates et les statines, la surveillance des effets indésirables repose sur l’interrogatoire des patients et l’examen clinique, et le suivi biologique des transaminases hépatiques tous les trois mois durant la première année de traitement, le dosage des CPK en cas de douleur musculaire ou de courbatures.
Dans tous les cas, l'objectif du traitement étant la prévention des événements cardiovasculaires, le bénéfice ne peut pas être jugé au plan individuel, pas plus qu'à court terme. Il s'agit d'un bénéfice statistique, pour la population traitée, à moyen et long terme.

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  • 15 février 2024