Les "corticoïdes" est le terme communément utilisé pour parler des glucocorticoïdes, sujet traité ici dans cette page. Les glucocorticoïdes sont classés dans la classe thérapeutique des anti-inflammatoires stéroïdiens.
Les corticoïdes naturels sont composés de deux principales hormones stéroïdiennes :
Le cortisol, appelé aussi hydrocortisone, présente des propriétés glucocorticoïdes ( en particulier anti-inflammatoire) et des propriétés minéralocorticoïdes (anti-diurétique, anti-natriurétique et kaliurétique).
Les glucocorticoïdes de synthèse sont des médicaments qui dérivent de l'hormone naturelle, le cortisol, et qui furent développés en vue de maximiser les effets glucocorticoïdes et minimiser les effets minéralocorticoïdes.
La connaissance de leurs effets thérapeutiques et en premier lieu de leur action anti-inflammatoire résulte de la réussite de la synthèse du cortisol réalisée par Kendall, Reichtein et Hench (prix Nobel 1950). Les dérivés synthétiques apparus consécutivement sur le marché se distinguent par leur puissance anti-inflammatoire, leur durée d’action plus ou moins longue et leur plus ou moins grand reliquat d’action minéralocorticoïde. Le cortisol intervient dans de nombreux métabolismes ce qui explique la diversité des actions des glucocorticoïdes tantôt recherchées, tantôt indésirables.
Ils possèdent tous une analogie structurale autour d’un cycle pentanophénantrène et un mécanisme d’action commun faisant intervenir la stimulation d’un récepteur aux glucocorticoïdes appartenant à la superfamille des récepteurs nucléaires. Leur fixation sur ces récepteurs entraîne la translocation du récepteur, du cytosol vers le noyau de la cellule, où il se comporte comme un facteur de transcription.
Outre leurs effets anti-inflammatoires, les glucocorticoïdes sont aussi utilisés comme anti-allergiques, immunosuppresseurs et “adjuvants” anticancéreux.
L’hydrocortisone est employée spécifiquement comme traitement substitutif de l’insuffisance surrénale aiguë et aussi comme traitement de l’enzymopathie responsable de l’hyperplasie congénitale des surrénales.
Selon leur indication, les glucocorticoïdes peuvent être utilisés par voie parentérale, orale, inhalée, cutanée (dermocorticoïdes) ou sous forme de collyre.
Les glucocorticoïdes agissent sur un grand nombre de métabolismes. Leurs effets sont surtout significatifs pour des durées de traitement prolongées.
Le tableau 1 reprend les différents glucocorticoïdes administrés par voie orale ou parentérale (IV ou IM). Les glucocorticoïdes ont des effets courts, intermédiaires, prolongés ; leur pouvoir anti-inflammatoire est identique à celui du cortisol ou augmenté et leur pouvoir minéralocorticoïde est identique à celui du cortisol ou diminué. A noter le cas particulier du cortivazol qui s'emploie en locorégionale (intra-articulaire, péri-articulaire, épidurale).
Tableau 1.
Glucocorticoïde |
Durée d’action |
Effet minéralocorticoïde |
Puissance anti-inflammatoire |
Equivalence de dose à la prednisone |
hydrocortisone (=cortisol) |
courte |
1 |
1 |
20 mg |
cortisone |
courte |
0,8 |
0,8 |
25 mg |
prédnisone |
intermédiaire |
0.8 |
X4 |
5 mg |
prédnisolone |
intermédiaire |
0.8 |
X4 |
5 mg |
méthylprédnisolone |
intermédiaire |
0.5 |
X5 |
4 mg |
triamcinolone |
intermédiaire |
0 |
X5 |
4 mg |
bêtaméthasone |
prolongée |
0 |
x25 |
0,75 mg |
dexaméthasone |
prolongée |
0 |
X25 |
0,75 mg |
cortivazol* |
prolongée |
0 |
X50 |
Les glucocorticoïdes sont présentés aussi sous forme inhalée (voir fiche Corticoïdes inhalés), pour un usage cutané (voir fiche Dermocorticoïdes). Les glucorticoïdes peuvent également être administrés par voie oculaire, nasale, rectale (en lavement notamment), intra-auriculaire ou rachidienne par exemple.
Tous les médicaments glucocorticoïdes ont un mécanisme d’action commun. Ils agissent en modulant l’expression génique d’un certain nombre de protéines impliquées dans la réaction inflammatoire. Cette action passe par la fixation à un récepteur nucléaire ubiquitaire appartenant à la superfamille des récepteurs aux stéroïdes (récepteur en doigt de zinc). Le récepteur aux glucocorticoïdes possède 3 domaines fonctionnels (figure 1) :
Il est présent sous forme inactive dans le cytosol, lié à un complexe protéique comprenant la "heat-shock protein" HSP 90 (protéine de choc thermique) et l’immunophiline (Figure 1).
La fraction libre du corticoïde (10 à 20%) est responsable de l'activité pharmacologique : le corticoïde traverse la membrane cellulaire par diffusion passive pour se lier au récepteur, provocant la dissociation du complexe protéique. L'ensemble ligand-récepteur migre dans le noyau (translocation nucléaire) (figure 1)
Figure 1.
Les glucocorticoïdes peuvent réguler l’expression de gènes cibles selon 3 mécanismes d’action distincts :
Figure 2.
Enfin, les glucorticoïdes aurait aussi un effet non génomique, expliquant leurs effets rapides : actions membranaires, actions post-transcriptionnelles sur les ARNm, sur les protéines.
Les 3 principaux effets recherchés des glucocorticoïdes en thérapeutique sont les suivants :
Les glucocorticoïdes peuvent faire partie du protocole de traitement de certaines formes de leucémies et lymphomes en raison de leur action sur le tissu lymphoïde. Ils font aussi classiquement partie d’un certain nombre de protocoles thérapeutiques de cancers d’organe.
Compte tenu de leurs effets très variés, les glucocorticoïdes peuvent être utilisés également dans un nombre varié d’autres situations : hypercalcémie maligne, œdème cérébral, certaines infections, paralysie faciale a frigore, etc…
Enfin, l'ensemble des effets des glucocorticoïdes (hydrocortisone) est recherché en cas de thérapie substitutive (insuffisance surrénale, hyperplasie congénitale des surrénales).
Effets pharmacologiques |
Mécanisme d’action |
Conséquences biologiques |
Effets anti-inflammatoires |
Inhibition de la production de cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, IL-8, TNFalpha |
Diminution de l’afflux de macrophages et de granulocytes sur le site inflammatoire |
Effets immunosuppresseurs |
Diminution de l’expression des molécules du CMH II |
Diminution de l’antigénicité des protéines |
Effets pro-apoptotiques |
Induction de gènes de mort cellulaire ou répression de facteurs ou de gènes indispensables à la vie cellulaire |
Mort cellulaire |
Résorption
Le cortisol et les anti-inflammatoires stéroïdiens sont bien résorbés par voie digestive. Leur vitesse de résorption varie selon la structure chimique. Sous forme d’esters hydrosolubles, ils peuvent être administrés par voie parentérale.
En application locale (muqueuse, cutanée, articulaire), ils diffusent facilement dans le reste de l’organisme, ce qui peut entraîner des effets secondaires d’origine systémique.
Transport
Le cortisol est transporté dans le sang, dans les conditions basales, à 75/90 % par la transcortine (Corticoid Binding Globuline, CBG) à laquelle il se lie de façon forte et spécifique, et par l'albumine avec une liaison peu spécifique et de faible affinité. Les autres médicaments corticoïdes, de même que d'autres dérivés hormonaux de structure stéroïde, entrent en compétition sur ces sites de liaison. Seule la dexaméthasone circule sous forme libre.
Biotransformation
Le cortisol est presque complètement biotransformé, essentiellement dans le foie, avec disparition de la double liaison 4-5 du cycle A, et de nombreuses autres réactions de fonctionnalisation qui rendent le produit inactif; une glycuro ou sulfoconjugaison intervient ensuite en position 3. Sur les dérivés synthétiques, un halogène en 9, une double liaison en 1-2 sur le cycle A, un groupement méthyle en 2 ou en 16 retarde la transformation et prolonge la demi-vie de 50 % environ.
figure 3: structure chimique du cortisol
La durée des effets biologiques dépasse toujours celle de la demi-vie plasmatique (Tableau 3).
Tableau 3.
Glucocorticoïdes | Demi-vie plasmatique (min) | Demi-vie biologique (h) |
cortisol | 90 | 10 |
prednisone | 200 | 18-36 |
déxaméthasone | 300 | 35-54 |
trimacinolone | - | 1 à 6 semaine |
cortivazol | - | 1 à 6 semaines |
Elimination
Les corticoïdes sont éliminés sous forme de dérivés inactifs dans les urines.
Il n'existe pas de contre-indications absolues à l'utilisation des glucorticoïdes dans une indication vitale.
Toutefois, on note une contre-indication à l'utilisation des glucocorticoïdes en présence d'une infection active (herpès virus, virus varicelle-zona,..) et une vaccination récente à un vaccin vivant, et une pathologie psychiatrique sévère non contrôlée par un traitement adéquat. Cependant, si une inffection survient chez un malade soumis à une corticothérapie, celle–ci devra être poursuivie voire augmentée en association avec un traitement spécifique.
En raison du risque d'hypokaliémie, une précaution d'emploi est nécessaire lors de l'utilisation de médicaments torsadogènes (érythromycine, amiodarone, sotalol, quinidines...), de médiaments majorant un risque d'hypokaliémie (diurétique hypokaliémant, laxatifs...).
L'association d'anticoagulants ou d'antiagrégants plaquettaires avec un glucocorticoïde peut majorer le risque hémorragique.
En cas d'ulcère gastro-duodénal, il est recommandé d'associer un inhibiteur de la pompe à protons avec le glucocorticoïde.
La concentration de glucocorticoïdes peut être abaissée en cas d'assocation avec des médicaments inducteurs enzymatiques (rifampicine, carbamazépine, phénytoïne, phénobarbital).
Les glucorticoïdes peuvent être utilisés pendant la grossesse et l'allitement si la pathologie maternelle l'exige.
Les glucocorticoides sont substances dopantes (amélioration des capacités mentales et physiques des sportifs).
Les glucorticoïdes peuvent diminuer l'efficacité d'un dispositif contraceptif intra-utérin ; il n'y a en revanche aucune contre-indication avec les pilules oestro-progestatives.
En cas d'introduction d'un traitement glucocorticoïde pour une durée prolongée, il est recommandé d’effectuer un bilan infectieux, le traitement corticoïde étant susceptible de réveiller un foyer latent (tuberculose par exemple).
Pour un traitement à long terme, il est impératif de rechercher les doses efficaces les plus faibles. Le traitement sera également accompagné de mesure préventive visant à limiter certains effets indésirables : régime pauvre en sel, en sucre rapide et riche en protéïnes, activité physique, apport de calcium-vitamine D voire de biphosphonates dans certains cas, traitement anti-ulcéreux.
Le médicament glucocorticoïde est administré en une prise quotidienne le matin au réveil, au moment du pic nycthéméral de sécrétion afin de permettre le maintien d’une stimulation hypothalamo-hypophysaire.
L’arrêt d’un traitement maintenu plus de 2 semaines doit être progressif pour permettre une relance étalée de la sécrétion physiologique de la cortico-surrénale mise au repos et pour éviter la survenue d’une insuffisance surrénale aiguë par sidération la zone médullo-surrénale assurant la sécrétion de cortisol.
L'administration de forte dose méthyl-prednisolone IV se fera toujours en milieu hospitalier en vue de surveiller les effets du traitement (poussé hypertensive en particulier).
En cas d’infection, sur terrain immunodéprimé, le traitement ne doit pas être interrompu, voire renforcé, l’épisode représentant une agression devant laquelle l’organisme ne dispose pas du fonctionnement cortico-surrénal.
Lorsque le traitement corticoïde est utilisé dans un but substitutif (insuffisance surrrénale aigue, hyperplasie congénitale des surrénales), le choix strict de l’hormone naturelle, l’hydrocortisone est obligatoire.
Les effets indésirables des glucocorticoïdes sont liés à leurs propriétés. Les effets indésirables augmentent de façon dose dépendante et temps dépendant (au-delà d’une semaine de traitement). L'âge, la nature du glucocorticoïde, la voie et le mode d'administration influence la survenue des effets indésirables.
La surveillance reposera sur la recherche de survenue des effets indésirables, en particulier une surveillance de pression artérielle et de la glycémie, du poids/oedèmes. En cas de traitement chronique, un bilan régulier doit être conduit (poids, adiposité, état cardio-vasculaire, intégrité muqueuse digestive, densité osseuse, état psychologique, recherche de cataracte). Chez l’enfant, on surveillera en plus la courbe de la croissance.