Antithyroïdiens de synthèse

Résumé de la fiche

Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) sont indiqués pour le traitement d'une hyperthyroïdie en complémement d'un traitement symptomatique (repos, bétabloquants) et éventuellement un traitement radical (thyroïdectomie, iode radioactive). Le plus utilisé en France est le carbimazole. Les ATS exposent à un risque de neutropénie sévère.

Item(s) ECN

R2C: 242 : Hyperthyroïdie

Rappel physiopathologique

Les ATS sont indiqués en cas d'hyperthyroïdie, à l'occasion d'une maladie de Basedow, d'un nodule toxique, voire d'une hyperthyroïdie à l'amiodarone par exemple. Ils peuvent permettre de contrôler une maladie de Basedow (mais qui peut récidiver), ou un retour en euthyroïdie en prévision d'un traitement radical. 

Médicaments existants

Tableau 1 : les différents ATS

Famille

DCI (spécialités)

Formes et dosages

Imidazolés

Carbimazole (Néomercazole® ou NMZ)

comprimé, 5 et 20 mg

Methimazole (Thyrozol®)

comprimé, 5, 10 et 20 mg

Thiouraciles Propylthiouracyle (Proracyl® ou PTU)

comprimé, 50 mg

Benzylthiouracile (Basdène®) comprimé, 25 mg

Le carbimazole est une pro-drogue du méthimazole (aussi appelé thiamazole), qui est la substance active.

Les posologies sont variables selon les spécialités, habituellement une dose d'attaque est mise en place pendant quelques semaines (quatre à six) : entre 30 et 60 mg par jour pour le NMZ, entre 300 et 600mg pour le PTU. Puis les doses sont progressivement diminuées, en fonction de l'évolution de la maladie et des symptômes (en général plusieurs mois de traitement d'entretien). En traitement d'entretien, les imidazolés sont généralement administrés en 1 prise le matin, alors que les thiouraciles nécessitent 3 prises quotidiennes. 

Enfin, ils peuvent être associés à la lévothyroxine pour compenser une hypothyroïdie induite par les ATS.

Mécanismes d’action des différentes molécules

Les ATS sont des dérivés thiourées (ou thioamides), ils inhibent la synthèse des hormones thyroïdiennes en bloquant la thyroperoxydase (cf figure 1). Le propylthiouracyle (PTU) agit également en inhibant la monodéiodase de type 1 diminuant ainsi la transformation périphérique de T4 en T3.

Figure 1. Mécanisme d'action des ATS

La thyroglobuline (Tg) est une grosse protéine, principal constituant de la colloïde, intervenant dans la biosynthèse des hormones thyroïdiennes. Les résidus tyrosyl présent sur la Tg sont iodés sous l’influence de la thyroperoxydase (TPO) au pôle apical du thyréocyte. Pour agir, la TPO doit être sous forme oxydée (TPOox), grâce à la présence d’H202. L’iodation des résidus tyrosyl (flèches rouges) conduit à la formation de 3-monoiodotyrosine (MIT) et de 3,5-diiodotyrosine (DIT). Le couplage de ces résidus iodés va ensuite constituer les précurseurs de T3 (MIT+DIT) et de T4 (DIT+DIT). La TPO est également impliquée dans le couplage mais le mode d’action précis demeure inconnu. Les thionamides (antithyroïdiens de synthèse, ATS) inhibent la TPOox, empêchant ainsi l’iodation et le couplage, ce qui conduit à une diminution de la synthèse de T3 et T4.

Mécanisme ATS.001

 

Effets utiles en clinique

L'objectif de ces traitement est la résolution des symptômes de l'hyperthyroïdie (tachycardie, augmentation du métabolisme, amaigrissement, accélération du transit, agitation psychomotrice, ...). 

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Ils nécessitent un délai de 10 à 15 jours environ pour être efficace, car ils n'empêchent pas l'excretion des hormones déjà synthétisées. La demi-vie sanguine du NMZ varie de 4 à 12 heures selon les sujets. La demi-vie d’élimination du thyrozol est d’environ 3 à 6 heures. 

Situations à risque ou déconseillées

Contre-indications
Les ATS sont contre-indiqués en cas d'antécédents d'hypersensibilité à l'un des composants, avec notamment des allergies croisées entre les différents ATS. Ils sont également contre-indiqués en cas de cancer de la thyroïde TSH dépendant, d'affections hématologiques graves, de maladies hépatiques.

Les ATS sont également contre-indiqués en cas d'intolérance au galactose, de déficit en lactase de Lapp ou de syndrome de malabsorption du glucose ou du galactose (maladies héréditaires rares). Le PTU est également contre-indiqué en cas d'intolérance au fructose, de syndrome de malabsorption du glucose et du galactose ou un déficit en sucrase/isomaltase.

Précautions d’emploi

Grossesse et allaitement
Les ATS passent le placenta. Un syndrome polymalformatif (aplasie du cuir chevelu, atrésie de l’œsophage, dysmorphie faciales) a été observé chez des enfants de mère traitée par carbimazole ou thiamazole. Les données d'utilisation du PTU lors de la grossesse ne montrant pas d’effet malformatif, son utilisation est préférée lors du premier trimestre. Aux 2ème et 3ème trimestres, le carbimazole ou le thiamazole peuvent être utilisés.

L’usage des ATS pendant la grossesse peut provoquer la formation d'un goitre et le développement d'une hypothyroïdie chez le fœtus.

Lors de l’allaitement, le PTU est préféré : l’enfant reçoit <1% de la dose maternelle, contre près de 20 % pour le carbimazole/thiamazole. Le néomercazole est contre-indiqué.

Interactions
En cas de traitement concomittant par antivitamine K, l'INR devra être contrôlé attentivement (perturbation de l'INR avec le retour en euthyroïdie). 

Précautions d'emploi
Le diagnostic positif d'hyperthyroïdie devra avoir été confirmée biologiquement. En cas de goître intra-thoracique, celui-ci peut s'aggraver en début de traitement. Une potentialisation de l'action des antithyroïdiens de synthèse a aussi été rapportée en cas d'association avec les sulfamides hypoglycémiants, les hydantoines, l'iode et les iodures.

Effets indésirables

Le principal effet indésirable grave des ATS est l'agranulocytose (neutropénie sévère : PNN<500/mm3, rare). D’origine allergique, elle survient dans 0,3 à 0,7% des cas et est réversible à l’arrêt du traitement. Les patients doivent être informés de ce risque. En cas de fièvre, d’angine ou de tout signe d’infection, ils doivent avoir été informé de la nécessité d'arrêter le traitement, de faire réaliser une NFS en urgence et de consulter. 

De même, les ATS peuvent entrainer des effets indésirables graves au niveau hépatique, devant faire arrêter le traitement. 

Les réactions allergiques cutanées (prurit, urticaire) sont les effets indésirables les plus fréquents. Elles régressent le plus souvent sous traitement. Les arthralgies et les dysgueusies/agueusies sont plus rarement observées.

En cas de surdosage le patient risque une hypothyroïdie et une augmentation de volume d'un éventuel goître. 

Surveillance des effets

Une surveillance biologique est recommandée :

– dosage de la T4 libre à 4 semaines (la TSH est plus lente à revenir à la normale), puis surveillance régulière de la T4 libre et de la TSH (tous les 3-4 mois une fois revenu en euthyroïdie) ; 

– surveillance de la numération et de la formule sanguine avant le début du traitement et de façon hebdomadaire (pour le risque d’agranulocytose) pendant les 6 premières semaines de traitement.

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  • 13 mai 2022