Antiacides et pansements digestifs

Résumé de la fiche

Le traitement de la maladie ulcéreuse repose, après avoir éliminé les facteurs de risque associés, sur différents médicaments parmi lesquels le sucralfate n’a plus qu’une place marginale. Une des indications préférentielle serait la prévention des ulcères de stress. Cette molécule n’est pas indiquée dans la prévention des ulcères induits par les AINS.


L’action pharmacologique du sucralfate sur la muqueuse gastrique est triple :
- formation d’un gel visqueux se fixant sur les lésions muqueuses ;
- action anti-pepsine et anti-sels biliaires, limitant leur action sur les muqueuses lésées ;
- et stimulation des processus physiologiques de défense par une action sur la production de prostaglandines.


L’utilisation de ces molécules est plus contraignante que celle des autres anti-ulcéreux du fait de la nécessité de prises pluriquotidiennes. L’utilisation du sucralfate est limitée par la concurrence de molécules mieux tolérées et d’utilisation plus simple comme les IPP et les anti-H2.


En pratique courante, l’effet indésirable le plus fréquemment rapporté est la constipation. Les autres effets indésirables sont plus rares. Il existe un risque théorique de déplétion phosphorée et d’intoxication aluminique en cas de traitement prolongé.


La surveillance des effets du traitement est principalement centrée sur le dépistage du cancer gastrique. En cas de mauvaise réponse il faudra vérifier l’observance et changer de classe thérapeutique avant de rechercher une hypersécrétion acide pathologique (syndrome de Zollinger-Elisson par exemple).

Item(s) ECN

268 : Reflux gastro-oesophagien chez le nourrisson, chez l'enfant et chez l'adulte. Hernie hiatale
269 : Ulcère gastrique et duodénal. Gastrite

Mécanismes d’action des différentes molécules

Action cytoprotectrice : Le sucralfate se transforme en une substance visqueuse polarisée et adhésive capable de se fixer préférentiellement sur les lésions muqueuses gastrique, duodénales et oesophagiennes. Cette substance s’oppose à la rétro-diffusion des ions H+ ainsi qu’à l’action de la pepsine et des sels biliaires, deux autres facteurs agressifs pour la muqueuse gastro-duodénale. Le sucralfate favorise également la production de prostaglandines avec les conséquences favorables que cela entraîne. De plus, il a été décrit que le sucralfate peut fixer le facteur de croissance basique des fibroblastes (bFGF) et le délivrer à haute concentration dans le site de l’ulcère. Ceci stimulerait la formation de tissu de granulation, l’angiogénèse et la réépithélialisation favorisant la cicatrisation de l’ulcère.

Effets utiles en clinique

Dans la maladie ulcéreuse, les indications du sucralfate sont limitées au traitement curatif de la maladie ulcéreuse ainsi qu’au traitement préventif de la récidive lorsque l’infection par Helicobacter pylori est absente ou n’a pu être éradiquée. Mais ce médicament n’est pas à conseiller en première ligne compte tenu de la plus grande efficacité avec une utilisation bien plus simple (1 prise par jour) des IPP ou des anti-H2.


Le sucralfate est capable de conduire à une éradication d’Helicobacter pylori en association avec une double antibiothérapie mais cette indication n’est pas validée par l’AMM.


L’indication élective pourrait être la prévention des ulcères de stress (malades de réanimation, grands brûlés, etc.). En effet il a été montré que le sucralfate serait probablement un peu moins efficace que les anti-H2 mais serait responsable de moins d’effets indésirables en particulier de pneumopathies nosocomiales.


Le sucralfate a un profil de tolérance qui est bon, autorisant son utilisation dans une large part de la population, en particulier chez la femme enceinte (même si son utilisation n’est pas indiquée chez la femme enceinte dans le résumé des caractéristiques du produit).


Par contre, la nécessité de le prendre de 2 à 4 fois par jour est un facteur de moins bonne observance.


Le coût journalier de traitement (2004) est de 0,85 € pour 4 g/j/ de Keal®. L’Ulcar® n’est pas remboursé.


Dans la dyspepsie non ulcéreuse. Cette pathologie a des contours mal définis, mais il semble que le sucralfate ne soit pas une option thérapeutique intéressante.


Dans la prévention ou le traitement des lésions induites par la radiothérapie, l’indication du sucralfate est controversée mais peut être proposée pour les rectites ou les stomatites post-radiques.


Pour en savoir plus :

Un article de revue (2000) sur le rôle du sucralfate dans le traitement des maladies digestives.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Le sucralfate agit principalement, comme énoncé dans le chapitre « Mécanismes d’actions », par la formation d’un gel visqueux adhésif sur les lésions muqueuses favorisant la cicatrisation et s’opposant à l’action de molécules délétères comme la pepsine et les acides biliaires.


De plus, une action sur la production de mucus et d’ions bicarbonates a également été décrite.


Lors d’une étude comparant, dans la prise en charge d’ulcères prouvés par endoscopie, le sucralfate (2 g matin et soir, pris à jeun) et la ranitidine (150 mg matin et soir), les taux de guérison à 4 semaines étaient de 54 % dans le groupe sucralfate contre 45 % dans le groupe ranitidine (non significatif). A 8 semaines, les taux de guérison cumulés étaient de 88 % et 84 % respectivement (non significatif). Ceci confirme que le sucralfate possède une authentique action anti-ulcéreuse.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

L’absorption est très faible, de 1 % à 2 %, et l’élimination de cette fraction absorbée se fait essentiellement par voie rénale.


Il n’y a pas de métabolite connu.


Le sucralfate peut-être retrouvé sur le site de l’ulcère jusqu’à 8 heures après la prise.

Source de la variabilité de la réponse

Le mode d’action étant local, la pharmacocinétique n’est pas un facteur important pouvant faire varier la réponse.


Sources de variabilité pharmacodynamique


- Statut hypersécréteur de certains patients (en particulier dans le cadre du syndrome de Zollinger-Elisson qui se caractérise par une sécrétion pathologique, par un gastrinome le plus souvent, de gastrine). Mais par rapport aux autres anti-ulcéreux, le sucralfate est moins sensible au statut hyper-sécréteur. 

Situations à risque ou déconseillées

Du fait de la libération d’aluminium lors d’un traitement prolongé, en particulier chez les sujets insuffisants rénaux, le sucralfate devra être utilisé avec précaution.


Cette toxicité peut-être renforcée par l’utilisation concomitante d’autre médicaments pouvant libérer de l’aluminium, en particulier les chélateurs de phosphore ou certains agents anti-diarrhéiques (diosmectite = Smecta®).


Le sucralfate peut interagir de façon significative avec l’absorption des médicaments suivants : anti-coagulants oraux, digoxine, phénytoïne, fluoroquinolones. Ceci nécessite d’espacer la prise de ces médicaments et du sucralfate (2 heures au minimum).


Pour en savoir plus :

Un article de revue (2001) sur l’utilisation du sucralfate dans l’insuffisance rénale, et un second article (2001) sur le même sujet mais chez l’enfant.

Précautions d’emploi

Pour le sucralfate comme pour les anti-H2 ou les IPP, la principale précaution d’emploi est la vérification de la bénignité des lésions gastriques (Cf section « Situations à risques ou déconseillées »).


Prudence en cas d’insuffisance rénale.


Espacer la prise de sucralfate par rapport aux médicaments dont l’absorption peut être diminuée par la prise de sucralfate.


Possibilité de déplétion phosphorée lors de l’utilisation prolongée : ceci est donc à éviter chez les sujets en état d’hypophosphatémie (hyperparathyroïdie primitive, rachitisme dystrophique vitamino-resistant).

Effets indésirables

Le principal effet indésirable du sucralfate est la survenue d’une constipation.


Les autres effets indésirables sont beaucoup plus rares, sécheresse de la bouche, nausées, rash cutané, vertiges.


La survenue de bézoards est possible surtout chez les patients en soins intensifs et/ou alimentés par sonde nasogastrique ainsi que chez les nouveaux nés ou les prématurés.


Pour en savoir plus :


Un article de revue (1991) sur la sécurité et les effets indésirables du sucralfate.

Surveillance des effets

La règle d’or quand on traite un ulcère gastrique est de ne pas passer à coté d’un cancer. Comme le rappelle un numéro spécial du World Journal of Surgery de 2000. Il convient donc dans cette situation de contrôler la guérison et la bénignité de l’ulcère.


L’absence de guérison d’ulcère chez un patients prenant du sucralfate doit en premier conduire à s’assure de l’observance thérapeutique. Ce n’est qu’après avoir franchi un palier thérapeutique supplémentaire (IPP), surtout si ces ulcères sont multiples il faudra rechercher une hyper-gastrinémie dans le cadre d’un syndrome de Zollinger-Ellison.


Dans le cadre de l’ulcère duodénal il n’y a pas de nécessité d’effectuer un contrôle endoscopique. La persistance des symptômes pourra conduire à une nouvelle endoscopie.

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  • 31 mai 2017