Anti-aldostérone et apparentés

Résumé de la fiche

Les diurétiques anti-aldostérone et leurs apparentés agissent dans la fin du tube contourné distal et le tube collecteur. Les anti-aldostérone, dont le chef de file est la spironolactone, sont des antagonistes du récepteur de l’aldostérone (hormone minéralocorticoïde) qui diminuent l’expression du transporteur luminal de sodium sensible à l’amiloride (ENaC). Les apparentés agissent directement en inhibant l’ENaC.

Ils induisent une augmentation de l’excrétion du sodium (natriurétiques) et par un mécanisme indirect une réabsorption de potassium (diurétiques dits « épargneurs de potassium » ou « hyperkaliémiants »).

Comme pour tous les natriurétiques ils induisent une contraction des volumes extracellulaires qui peut conduire à une déshydratation extracellulaire, une insuffisance rénale fonctionnelle (pré rénale) et une hypotension artérielle orthostatique. Ils augmentent le risque d’hyperkaliémie (diurétiques hyperkaliémiants).

Les anti-aldostérones "vrais" sont de loin les plus utilisés et les plus prescrits. Leurs apparentés sont beaucoup plus rarement prescrits.

Parmis les anti-aldostérones "vrais", il faut distinguer 2 sous-groupes en fonction de leur spécificité (ou non) pour le récepteur de l'aldostérone (récepteur aux minéralocorticoïdes). Cet élément permet d'expliquer les effets indésirables "hormonaux" de la spironolactone (antagoniste non spécifique, pourvoyeur de gynécomasties, troubles menstruels...) que ne présente pas l'éplérénone (antagoniste spécifique).

Les deux indications essentielles sont le traitement de fond de l’insuffisance cardiaque chronique systolique (aux stades II, III et IV de la NYHA) et l’hypertension artérielle essentielle.

Tous les anti-aldostérone sont pourvoyeurs d’hyperkaliémie et par conséquent sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale.

Item(s) ECN

221 : Hypertension artérielle de l'adulte
232 : Insuffisance cardiaque de l'adulte
254 : OEdèmes des membres inférieurs localisés ou généralisés
264 : Prescription et surveillance des diurétiques
276 : Cirrhose et complications
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant

Rappel physiopathologique

Les anti-aldostérone agissent sur la portion terminale du tube contourné distal et le tube collecteur (figure 1) en agissant sur le transporteur luminal du sodium sensible à l’amiloride (ENaC). Les anti aldostérone sont des antagonistes du récepteur de l’aldostérone (hormone minéralocorticoïde) qui par un mécanisme transcriptionnel (fixation au récepteur des minéralocorticoïdes) va baisser l’expression de ENaC. Les diurétiques apparentés aux anti-aldostérone agissent directement en inhibant ENaC.

L’inhibition de la réabsorption de Na+ via ENaC entraine des effets indirects comme l’hyperkaliémie et l’acidose : dans le tube collecteur, la sécrétion luminale de K+ et de H+ (figures 1 et 2) dépend d’une différence de potentiel transmembranaire (ddp) générée par l’entrée de Na+ via ENaC. Lorsque l’on bloque la réabsorption de Na+ via ENaC, on diminue de ce fait indirectement la sécrétion urinaire de potassium et de protons ; il en résulte un risque d’hyperkaliémie et d’acidose métabolique.

Tableau 1

 

Diurétiques de l’anse

(Furosémide)

Diurétiques thiazidiques

(hydrochlorothiazide)

Diurétiques anti aldostérone et apparentés

Lieu d’action

Branche large ascendante de l’anse de Henlé

Segment cortical de dilution et tube contourné distal

Fin du tube contourné distal et début du collecteur

Cible pharmacologique

Inhibition du cotransporteur

Na+K+/2Cl-

Inhibition du cotransporteur

Na+Cl-

Antagonisme du récepteur de l’aldostérone ou inhibition directe du canal sodique (ENaC) par les diurétiques apparentés

Excrétion urinaire de sodium

Jusqu’à 20% du sodium filtré du glomérule

Jusqu’à 4% du sodium filtré du glomérule

Jusqu’à 2% du sodium filtré du glomérule

Excrétion urinaire de potassium

Très augmentée

Augmentée

Diminuée

Diurèse

Très augmentée

Modérément augmentée

Modérément augmentée

Excrétion urinaire d’acide urique

Diminuée

Diminuée

Diminuée

Excrétion urinaire de calcium

Augmentée

Diminuée

Inchangée

Médicaments existants

  • Anti aldostérone "vrais"

- Antagonistes non spécifiques du récepteur de l'aldostérone : spironolactone (voie orale) et canrénoate de potassium (voie IV)

- Antagonistes spécifiques du récepteur de l'aldostérone : eplérénone (voie orale)

  • Anti aldostérone apparentés

- Amiloride et triamtérene (formes orales d’action immédiate et IV)

Mécanismes d’action des différentes molécules

Tous les diurétiques anti-aldostérone et les apparentés agissent en bloquant la sécrétion urinaire de sodium via le canal (transporteur) ENaC. Les anti-aldostérone antagonisent le récepteur de l’aldostérone et par un mécanisme transciptionnel diminuent l’expression membranaire du canal ENaC (Figure 1). Les anti-aldostérone apparentés agissent directement en bloquant l’activité de ENaC.

Figure 1.

Anti aldo Schéma mécanisme J.Alexandre

La spironolactone étant un antagoniste non spécifique du récepteur aux minéralocorticoïdes, elle interagit également avec les récepteurs aux androgènes et progestérone à l’origine d’effets indésirables "hormonaux" (gynécomastie). L’éplérénone étant un antagoniste spécifique du récepteur aux minéralocorticoïdes, elle permet de s'affranchir de ces effets indésirables.

Effets utiles en clinique

  • Les deux indications principales sont l’insuffisance cardiaque chronique systolique (Fraction d'éjection du ventricule gauche < 35%, en stade II, III et IV de la NYHA) et l’HTA essentielle (à noter que l’éplérénone ne possède comme indication officielle que l’insuffisance cardiaque).
  • Les anti-aldostérone ont démontré, dans des essais cliniques prospectifs et randomisés, une diminution de 30% de la mortalité dans l’insuffisance cardiaque chronique systolique en complément des autres traitements de référence de l’insuffisance cardiaque (IEC et Béta-bloquants).
  • Etats oedémateux s'accompagant d'un hyperaldostéronisme secondaire : oèdemes de l'insuffisance cardiaque, oedèmes cirrhotiques, oedèmes du syndrome néphrotique.
  • Traitement de l'hyperaldostéronisme primaire (adénome de Cohn ou hyperplasie bilatérale des surrénales) sans indication chirurgicale. Dans cette indication, la spironolactone est le traitement de choix.
  • L'association de ces diurétiques à des diurétiques hypokaliémiants limite les effets dyskaliémiants et potentialise l’effet natriurétique.
  • Les anti-aldostérone étant tous hyperkaliémiants, ils peuvent trouver une utilité lors de certaines corrections d'hypokaliémies.

Ces médicaments s’associent en règle générale à un régime pauvre en sel, puisque leur utilisation principale est celle de natriurétiques. 

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Il s’agit principalement de natriurétiques dont découlent les indications citées plus haut. Les effets indésirables secondaires à la déplétion hydrosodée (hypotension orthostatique, insuffisance rénale fonctionnelle) sont également la conséquence de l’effet natriurétique (tableau 1).

L’inhibition de la sécrétion urinaire de K+ entraine la tendance à l’hyperkaliémie.

La baisse de sécrétion de proton dans le collecteur entraine une tendance à l’acidose.

La spironolactone interagit également avec les récepteurs androgénique et de la progestérone à l’origine de gynécomastie et d’impuissance dose dépendante.

Du fait du risque d’hyperkaliémie, ces diurétiques sont contre indiqués en cas d’insuffisance rénale.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

  • Voie orale

- Biodisponibilité de 70%. Métabolisme hépatique (CYP 3A4) aboutissant à des métabolites actifs qui seront éliminés par voie urinaire. L’effet maximal est atteint en 24-48h.

- L'éplérénone a également une biodisponibilité de 70%, sa demie-vie d'élimination est de 3-5h.

  • Voie intraveineuse

- Canrénoate : Deux des 3 principaux métabolites sont rapidement éliminés du plasma (demie-vie de 5min et 50 min), tandis que le 3ème a une demie-vie de 43h.

La spironolactone et le canrénoate traversent la barrière placentaire et apparait dans le lait maternel.

Source de la variabilité de la réponse

La survenue de gynécomasties chez les hommes traités par spironolactone est la première cause de non observance de ce traitement. Dans ce cas, il est habituel de remplacer la spironolactone par l'éplérénone qui ne présente pas ces inconvénients.

Situations à risque ou déconseillées

  • Hyperkaliémie pré existante (risque de troubles du rythme cardiaque)
  • Hypovolémie et déshydradation extracellulaire
  • Hypotension artérielle
  • Hyponatrémie (risque d’aggravation)
  • Goutte (hyperuricémie induite par les diurétiques)
  • Encéphalopathie hépatique
  • Grossesse et allaitement
  • Patients traités conjointement par des médicaments néphrotoxiques et du lithium

Précautions d’emploi

  • Risque important d’hyperkaliémie, surtout en cas d’insuffisance rénale

  • Interactions médicamenteuses

- Prudence en cas d’association à des médicaments hyperkaliémiants comme la ciclosporine ou les sels de régime à base de potassium ou les AINS ou les IEC ou ARAII.

- En l’absence d’insuffisance rénale, les diurétiques anti aldostérone et apparentés peuvent être associés aux diurétiques épargneurs de potassium (diurétiques de l’anse et thiazidiques) afin de limiter les risques d’hyperkaliémie et de renforcer l’effet natriurétique.

- Il faut être très prudent avant d’associer un médicament néphrotoxique, dont la néphrotoxicité pourrait être potentialisée par une insuffisance rénale fonctionnelle des diurétiques.

- Ne pas utiliser avec le lithium (risque de surdosage en lithium et néphrotoxicité).

- Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les AINS peuvent altérer le maintien de la filtration glomérulaire. L’association d’un ou 2 de ces médicaments aux diurétiques augmente fortement le risque d’insuffisance rénale aigue.

  • Réponse des populations pathologiques particulières

- Eviter pendant la grossesse sauf nécessité absolue, les œdèmes de la grossesse sont le plus souvent physiologiques (et donc à ne pas traiter).

- Ne pas donner pendant l’allaitement (passage dans le lait maternel).

- Contre indiqués chez l’insuffisant rénal chronique (risque d’hyperkaliémie).

Effets indésirables

  • Communs à l'ensemble des diurétiques:

- Déplétion sodée excessive avec hyponatrémie et déshydratation extracellulaire, surtout si associé à un régime désodé trop strict
- Hypotension orthostatique chez le sujet âge (par la déplétion hydro-sodée, favorisée par la polymédication)
- Hyperuricémie par augmentation de la réabsorption proximale et diminution de la sécrétion tubulaire d’acide urique. Crises de goutte

  • Spécifiques aux anti-aldostérones et apparentés:

- Hyperkaliéme
- Gynécomasties, impuissance, troubles mentruels pour les antagonistes non spécifiques
- Acidose métabolique
- Réactions immunoallergiques (rare)

Surveillance des effets

  • Surveillance régulière de l’hydratation extracellulaire (poids, œdèmes, tension artérielle +++, pli cutané).
  • ECG pour surveiller les conséquences d’une hyperkaliémie.
  • Surveillance biologique : kaliémie, natrémie, créatininémie.

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  • 30 mai 2018