Skip to main content

pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Adrénaline, inotropes positifs et catécholamines

Résumé de la fiche

Les médicaments appartenant à la famille « adrénaline, inotropes positifs et catécholamines » exercent leur action sur les récepteurs vasculaires (alpha et bêta-2) et myocardiques (bêta-1) du système nerveux adrénergique avec des effets variables selon les molécules. Les principales molécules utilisées sont l’adrénaline, la noradrénaline, la dobutamine et l’isoprénaline.

L’adrénaline (agoniste alpha et bêta) induit un effet inotrope positif et une vasoconstriction périphérique. Elle représente le traitement de première intention du choc anaphylactique et de l’arrêt cardiaque.
La noradrénaline (agoniste alpha prédominant) agit préférentiellement sur les récepteurs alpha. La vasoconstriction périphérique résultante est utile dans le traitement du choc septique, pathologie caractérisée par une vasoplégie initiale.
La dobutamine (agoniste bêta-1) est le traitement de choix du choc cardiogénique, en raison de l’effet inotrope positif puissant qu’elle exerce.
L’isoprénaline (agoniste bêta-1) augmente la vitesse de conduction auriculo-ventriculaire et la force contractile du myocarde et diminue le seuil d'excitabilité myocardique. Les indications spécifiques de cette molécule associent les blocs auriculo-ventriculaires de type 3 et les torsades de pointe.
Les catécholamines ont une demi-vie d’élimination très courte et ne sont pas liées aux protéines plasmatiques. Leur administration s’effectue par voie intraveineuse à la seringue électrique en milieu spécialisé (services de cardiologie ou de réanimation médicale).
La surveillance de l’efficacité et de la tolérance du traitement impose un monitorage continu (fréquence cardiaque, pression artérielle et activité électrocardiographique).

Item(s) ECN

232 : Insuffisance cardiaque de l'adulte
328 : État de choc
327 : Arrêt cardio-circulatoire

Rappel physiopathologique

 

Le système nerveux autonome participe à la régulation du fonctionnement de nombreux organes, notamment le cœur, les poumons et les vaisseaux périphériques. Deux composantes principales sont classiquement individualisées :

-        le système nerveux cholinergique (ou parasympathique),
-        le système nerveux adrénergique (anciennement nommé sympathique ou orthosympathique).
Les catécholamines endogènes, médiateurs du système nerveux adrénergique, comportent la noradrénaline (norépinéphrine), l’adrénaline (épinéphrine) et la dopamine. La noradrénaline et l’adrénaline agissent à des niveaux plus ou moins importants par l’intermédiaire de récepteurs alpha, localisés dans les vaisseaux périphériques, bêta-1, situés au niveau du myocarde et bêta-2, situés au niveau des bronches et des vaisseaux périphériques. Les récepteurs périphériques de la dopamine sont particulièrement présents dans les vaisseaux du rein et de l’appareil digestif.
La stimulation des récepteurs catécholaminergiques par un agoniste induit les effets suivants :
-          bêta-1 : effets inotrope, chronotrope, dromotrope et bathmotrope positifs.
-          bêta-2 : bronchodilatation, vasodilatation.
-          alpha : vasoconstriction artérielle et veineuse.
-          récepteurs dopaminergiques : augmentation du flux sanguin rénal, de la natriurèse et de la diurèse.

Médicaments existants

Tableau 1 : Adrénaline, inotropes positifs et catécholamines : Principales molécules

Dénomination commune internationale 

Nom commercial

Présentations

Adrénaline

Anahelp®

Anapen®

Adrénaline®

sol inj SC et IM

sol inj IM

sol inj SC, IM, IV

Noradrénaline

Noradrénaline®

sol inj IV

Dopamine

Dopamine®

sol inj IV

Dobutamine

Dobutamine®

sol inj IV

Dopéxamine

Dopacard®

sol inj IV

Isoprénaline

Isuprel®

sol inj IV

Mécanismes d’action des différentes molécules

Les principaux récepteurs mis en jeu dans la pharmacodynamie des catécholamines sont mentionnés dans la figure 1 et le tableau 2.

Tableau 2 : Récepteurs stimulés par l’adrénaline, les inotropes positifs et les catécholamines.

Agonistes 

Récepteurs

alpha

Beta-1

Beta-2

D

Adrénaline

+++

+++

++

-

Noradrénaline

+++

+

-

-

Dopamine

posologie faible

posologie moyenne

posologie forte

 

-

+

++

 

-

+++

+++

 

-

-

-

 

+++

++

+

Dobutamine

-

+++

+

-

Dopéxamine

-

+

++

+++

Isoprénaline

-

+++

+++

-

D : Récepteur dopaminergique.

+ : effet mineur ; ++ : effet modéré ; +++ : effet majeur ; - : absence d’effet.

Effets utiles en clinique

L’adrénaline est le traitement de choix du choc anaphylactique (cf. chapitre Allergie immunologie : Les points essentiels). La posologie initiale est de une injection de 1 mg, à renouveler jusqu’à l’obtention d’une pression artérielle correcte. Elle est également préconisée dans le traitement de l’arrêt cardiaque quel qu’en soit l’étiologie. La posologie recommandée est alors de 1 mg tous les 2 cycles de réanimation cardio-pulmonaire, soit environ toutes les 4 minutes, jusqu'au rétablissement de l'état hémodynamique.

En cas de vasoplégie (choc septique), la noradrénaline est le traitement de première intention. Les doses initiales recommandées sont 0.1 à 0.3 µg/kg/min, avec une escalade de posologie possible jusqu’à 3 à 5 µg/kg/min. L’absence de réponse clinique peut conduire à substituer la noradrénaline par l’adrénaline dans cette indication.

En cas de choc cardiogénique, le choix des molécules varie suivant les tableaux cliniques et les pratiques des services de réanimation. Néanmoins, l’association classique dobutamine-dopamine est moins fréquemment prescrite au profit de la dobutamine seule (2,5 à 15 µg/kg/min) lors d’une insuffisance cardiaque aiguë.

L’isoprénaline est indiquée de manière élective dans les troubles de la conduction cardiaque sévères (bloc auriculo-ventriculaire de type 3 avec pause ou bradycardie ventriculaire sévère) et dans certains troubles du rythme (torsades de pointe).

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

• Adrénaline

Les effets de l'adrénaline sont ceux de la stimulation des récepteurs alpha et bêta-adrénergiques :

- effets alpha : vasoconstriction périphérique,

- effets bêta : action cardiaque bathmotrope positive et inotrope positive, bronchodilatation et inhibition de la libération des médiateurs de l'allergie.

 

• Noradrénaline

Le mécanisme d’action de la noradrénaline diffère de celui de l’adrénaline par une action prédominante sur les récepteurs alpha, plus modérée sur les récepteurs bêta-1 et l’absence d’action sur les récepteurs bêta-2. La propriété principale de ce médicament est une vasoconstriction généralisée, hormis les coronaires dont la dilatation est liée à une augmentation de la consommation d'oxygène.

 

• Dobutamine

La propriété principale de la dobutamine est un effet inotrope positif puissant, dose dépendant, résultant d'une stimulation des récepteurs bêta-1 adrénergiques cardiaques. Les conséquences hémodynamiques sont une augmentation de l’index cardiaque et une diminution des pressions de remplissage (pression capillaire pulmonaire).

La régression de la vasoconstriction secondaire au bas débit cardiaque permet d’obtenir une diminution des résistances artérielles systémiques. La dobutamine exerce un effet modéré sur la pression artérielle car la baisse des résistances vasculaires périphériques compense l'augmentation concomitante du débit cardiaque.

N’étant pas un agoniste des récepteurs dopaminergiques, la dobutamine ne dilate pas spécifiquement les vaisseaux rénaux ou splanchniques. Néanmoins, l’augmentation du débit cardiaque par la dobutamine est susceptible de provoquer indirectement une vasodilatation rénale. Les conséquences bénéfiques de cet effet associent une augmentation du débit sanguin rénal, du taux de filtration glomérulaire, du débit urinaire et de la natriurèse.

Les effets sur la fréquence cardiaque et la conduction intra-cardiaque sont modérés et inférieurs à ceux observés après une dose équivalente d'isoprénaline.

 

• Isoprénaline

La fixation de l’isoprénaline sur les récepteurs bêta-1 myocardiques induit une amélioration de la vitesse de conduction auriculo-ventriculaire, une diminution du seuil d'excitabilité myocardique, une augmentation de la force contractile du myocarde et une augmentation de la fréquence cardiaque. À l’instar de la dobutamine, l’isoprénaline favorise une vasodilatation artérielle systémique et pulmonaire.

Au niveau pulmonaire, l’effet bêta-2 stimulant se traduit par une bronchodilatation.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

L’adrénaline, la noradrénaline, la dobutamine et l’isoprénaline ont une structure comportant une fonction amine primaire qui empêche l’absorption intestinale et le passage de la barrière hémato-encéphalique. Le volume de distribution de ces molécules est proche du volume plasmatique. Elles ne sont pas liées aux protéines plasmatiques et leur demi-vie d'élimination est très courte, inférieure à 3 minutes pour la dobutamine par exemple. Ces paramètres pharmacocinétiques imposent une administration par perfusion intraveineuse continue. L’élimination de ces molécules est essentiellement rénale.

Source de la variabilité de la réponse

Les données disponibles sur ces molécules sont issues d’observations cliniques et non pas d’essais cliniques standardisés. La variabilité de la réponse est par conséquent difficile à évaluer. Elle dépend de la nature et de la gravité du tableau clinique mais aussi du délai de prise en charge médicale. Dans le cas de l’arrêt cardiaque, le pronostic est conditionné par la présence à proximité d’un personnel médical et infirmier formé aux manœuvres de réanimation cardio-pulmonaire et par la possibilité d’effectuer un choc électrique externe.

L’âge supérieur à 70 ans, les comorbidités cardiovasculaires et la fonction ventriculaire gauche à l’état de base sont également des facteurs pronostiques importants.

Situations à risque ou déconseillées

L’adrénaline par voie intraveineuse est contre-indiquée en cas d’arythmie ventriculaire et de cardiomyopathie obstructive.

Une hypotension artérielle causée par une hypovolémie est une contre-indication pour la noradrénaline. En cas d’urgence, l’administration de noradrénaline est cependant possible pour maintenir la perfusion des artères coronaires et cérébrales jusqu'à ce qu'une thérapie de remplacement du volume sanguin soit mise en place.

La dobutamine est contre-indiquée lors de cardiomyopathie ou valvulopathies obstructives sévères (cardiomyopathie obstructive, rétrécissement aortique, rétrécissement mitral).

Du fait de ses propriétés pharmacodynamiques, l’isoprénaline ne doit pas être administrée dans les affections suivantes : tachycardie sinusale, arythmie, intoxication par les digitaliques, accident coronarien aigu et infarctus du myocarde. Un antécédent d’hypersensibilité aux sulfites (conservateurs) doit être également recherché (contre-indication absolue).

Précautions d’emploi

 

D’une manière générale, l’administration intraveineuse de ces molécules impose une surveillance cardiologique continue, comportant un monitorage électrocardiographique et de la pression artérielle afin d’évaluer l’efficacité du traitement mais également sa tolérance (exemple : risque de fibrillation ventriculaire avec l’adrénaline). Ces molécules sont le plus souvent administrées par perfusion IV en continu à la seringue électrique en utilisant une voie veineuse de préférence centrale, réservée aux catécholamines afin d’éviter tout bolus inopiné d’un autre médicament. La tubulure doit être la plus courte afin de raccourcir le délai d’efficacité du traitement.
En cas de collapsus hypovolémique, il est conseillé d'administrer le médicament qu'après correction de la volémie.
Le médicament ne doit pas être dilué dans une solution alcaline en raison du risque de précipitation à l’intérieur de la tubulure. Les diluants recommandés sont le sérum physiologique (NaCl 0,9%) ou glucosé 5%.
Certaines formulations contiennent des sulfites (métabisulfite de sodium) pouvant, de manière exceptionnelle, provoquer des réactions allergiques généralisées avec bronchospasme.
L’arrêt du traitement doit être progressif le plus souvent et adapté à la réponse clinique.
Certaines pathologies cardiaques incitent à l’administration prudente de catécholamines, notamment la noradrénaline : insuffisance ventriculaire gauche majeure, insuffisance coronarienne aiguë, infarctus du myocarde récent, troubles du rythme cardiaque survenus pendant le traitement. Une diminution de la posologie s’avère souvent nécessaire dans ce type de situations.
Concernant l’isoprénaline, l’apparition d’extrasystoles polymorphes, répétitives en salves ou d’une tachycardie ventriculaire traduit une hyperexcitabilité myocardique ventriculaire, imposant une réduction des doses. Ce médicament doit être utilisé avec précaution chez le patient coronarien, diabétique ou en cas d'hyperthyroïdie.

Effets indésirables

L’adrénaline, les inotropes positifs et les catécholamines ne dérogent pas à la règle spécifiant que tout médicament ayant une efficacité clinique avérée est susceptible d’induire des effets indésirables, dont certains sont potentiellement graves (tableau 3). La nature de ces effets et les situations d’urgence durant lesquelles ces molécules sont administrées imposent une surveillance des fonctions vitales en milieu spécialisé (cf. paragraphe « surveillance des effets »).

Tableau 3 : Adrénaline, inotropes positifs et catécholamines : Principaux effets indésirables.

Nature de l'effet indésirable

Gravité

Fréquence estimée

Adrénaline

Palpitations, tachycardie

Pâleur, refroidissement des extrémités

Sueurs, nausées

Céphalées, anxiété

Hypokaliémie, acidose métabolique

Rétention urinaire

Asthme

Allergie

Accès HTA, hémorragie cérébrale

Fibrillation ventriculaire, arrêt cardiaque

Infarctus du myocarde

Faible

Faible

Faible

Faible

Grave

Grave

Grave

Grave

Potentiel très grave

Potentiel très grave

Potentiel très grave

Fréquent

Fréquent

Fréquent

Fréquent

Rare

Rare

Exceptionnel

Exceptionnel

Exceptionnel

Exceptionnel

Exceptionnel

Noradrénaline

Anxiété

Gêne respiratoire

Céphalée

Tremblement

Nécrose cutanée par extravasation péri-veineuse

Douleur rétrosternale

Douleur pharyngée

Photophobie

Pâleur, hypersudation

Vomissement

Tachycardie

Faible

Grave

Faible

Faible

Grave

Grave

Faible

Faible

Faible

Faible

Faible

Fréquent

Fréquent

Fréquent

Fréquent

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Nature de l'effet indésirable

Gravité

Fréquence estimée

Dobutamine

Augmentation pression artérielle systolique (10 à 20 mm Hg)

Augmentation fréquence cardiaque (5 à 15 /min)

Extrasystoles ventriculaires

Diminution pression artérielle

Accélération du rythme ventriculaire en cas de fibrillation ou flutter auriculaires

Réactions inflammatoires locales après extravasation accidentelle

Nausées

Céphalées

Douleur angineuse

Douleur thoracique non spécifique

Palpitations

Dyspnée

Réactions au site d'injection (phlébites)

Hypokaliémie

Hypersensibilité

Faible

Faible

Faible

Grave

Faible

Faible

Faible

Faible

Grave

Faible

Faible

Faible

Grave

Grave

Faible

Fréquent

Fréquent

Fréquent

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Exceptionnel

Exceptionnel

Exceptionnel

Isoprénaline

Tachycardie

Palpitations

Bouffée vasomotrice

Hypotension artérielle

Arythmie ventriculaire

Angor

Céphalée

Tremblement

Hypersensibilité

Bronchospasme

Faible

Faible

Faible

Grave

Grave

Grave

Faible

Faible

Faible

Grave

Fréquent

Fréquent

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Rare

Exceptionnel

Exceptionnel

Surveillance des effets

La surveillance clinique classique (signes fonctionnels, diurèse, auscultation cardio-pulmonaire) est nécessaire mais non suffisante. Elle est complétée par une surveillance permanente de l’électrocardiogramme (cardioscope) et de la pression artérielle. Pour les patients hospitalisés en unité de soins intensifs cardiologiques ou en service de réanimation, il peut être nécessaire de recourir à un monitorage invasif (pression artérielle sanglante, cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz). Une surveillance régulière du ionogramme sanguin, est également recommandée, notamment pour rechercher une hypokaliémie susceptible d’aggraver ou d’entretenir un trouble du rythme ou de la conduction cardiaque.

Imprimer la fiche

  • 31 mai 2017