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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Phénothiazines

Résumé de la fiche

La découverte de la chlorpromazine a fondé la psychopharmacologie et les phénothiazines représentent la plus ancienne famille d’antipsychotiques disponibles. Actuellement, le nombre de molécules commercialisées s’est réduit à six : chlorpromazine, cyamémazine, fluphénazine, lévomépromazine, pipotiazine et propériciazine.


Leur profil de liaison aux récepteurs, de nature antagoniste, comprend les récepteurs dopaminergiques D2, liaison rendant compte de leur efficacité et histaminergique H1, muscarinique et adrénergique 11 à l’origine de certains de leurs effets indésirables.

L’indication principale des phénothiazines neuroleptiques est le traitement des psychoses aiguës ou chroniques de l’adulte. Ces médicaments sont aussi utilisables dans les troubles graves du comportement de l’enfant avec agitation et agressivité. En dehors de la psychiatrie, certaines de ces molécules sont également prescrites pour leurs propriétés antiémétiques et sédatives, pour des patients cancéreux et les malades en fin de vie. Les esters en suspension huileuse présentent un intérêt dans les formes chroniques, pour une meilleure observance.


Les phénothiazines possèdent un effet de premier passage important d’où une biodisponibilité variable et souvent médiocre, une demi-vie d’élimination longue et encore plus longue pour les nombreux métabolites, une métabolisation hépatique importante. Selon les molécules l’élimination est à prédominance urinaire ou fécale. Les effets indésirables sont dominés par les effets de classe et comprennent principalement des manifestations d’ordre neurologique, végétatif et endocrinien.

Item(s) ECN

61 : Trouble schizophrénique de l’adolescent et de l’adulte
72 : Prescription et surveillance des psychotropes
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l'adulte et chez l'enfant

Médicaments existants

L’histoire de la découverte de la chlorpromazine, première molécule active sur les troubles psychiatriques, est précisément connue et marque l’avènement de la psychopharmacologie. Le composé 4560RP, alias la chlorpromazine, a été synthétisé le 11 décembre 1950, par Monsieur Charpentier, chimiste chez Rhône-Poulenc, à la recherche d’un antihistaminique puissant, dans une perspective d’utilisation en anesthésiologie. 

Après que les études de pharmacologie expérimentale eurent été rapidement menées par Madame Courvoisier, la molécule fut utilisée chez l’homme par le Docteur Henri Laborit, à l’époque chirurgien de la marine, pour des cures de sommeil et l’induction d’hibernations artificielles. L’observation chez ses patients d’un état d’indifférence, de neuroplégie, de « lobotomie artificielle » induit par cette substance lui a suggéré un intérêt potentiel en psychiatrie et dès 1952 le produit était prescrit à l’hôpital Saint Anne par Pierre Deniker et Jean Delay.


Tous les antipsychotiques phénothiaziniques sont des molécules anciennes et la liste des médicaments actuellement disponibles en France, dont la liste est indiquée dans le tableau ci-dessous, s’est réduite, pour des raisons de tolérance insuffisante ou de politique industrielle. 

Thiopropérazine, trifluopérazine, perphénazine, par exemple, ont été retirés et la thioridazine n’est plus commercialisée depuis le 15 juin 2005, en raison du risque d’effets indésirables cardiaques potentiellement mortels. L’ancienneté de ces molécules fait également que les études les concernant sont anciennes et quelles sont finalement moins bien décrites et évaluées que les molécules récentes.

Mécanismes d’action des différentes molécules

Les phénothiazines sont des antagonistes, plus ou moins puissants, des récepteurs dopaminergiques D2, histaminergiques H1, cholinergiques muscariniques et adrénergiques a.

Une liaison avec des récepteurs sérotoninergiques est plus inhabituelle, mais a été décrite avec la cyamémazine.


L’effet antipsychotique est dépendant de l’action sur les récepteurs D2, la sédation médiée par la liaison sur les récepteurs H1 et a1, les effets indésirables extrapyramidaux sont inversement liés aux effets anticholinergiques, les effets indésirables cardiovasculaires sont déterminés par l’action adrénolytique. L’antagonisme direct des récepteurs cholinergiques centraux comme périphériques est à l’origine des effets indésirables atropiniques.

DCI

D2

H1

M1/M2

a1

5-HT2

Chlorpromazine

++

+++

+++

+++

 

Cyamémazine

++

+++

+++

+++

+

Fluphénazine

+++

+

+

+

 

Lévomépromazine

++

+++

+++

+++

 

Perphénazine

+++

+

+

+

 

Pipotiazine

++

+++

+++

+++

 

Propériciazine

++

+++

+++

+++

 

Effets utiles en clinique

Comme pour tous les antipsychotiques, l’indication principale des phénothiazines neuroleptiques est le traitement des psychoses aiguës ou chroniques de l’adulte. 
Ces médicaments sont aussi utilisables dans les troubles graves du comportement de l’enfant avec agitation et agressivité. 

En dehors de la psychiatrie, certaines de ces molécules sont également prescrites pour leurs propriétés additionnelles, antiémétiques et sédatives, pour des patients cancéreux et les malades en fin de vie.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Plusieurs de ces molécules (fluphénazine, perphénazine, pipotiazine) sont disponibles sous forme d’esters en suspension huileuse (décanoate, énanthate, palmitate) administrables par voie intramusculaire profonde. 

Ces formes galéniques sont adaptées au traitement au long cours des états psychotiques chroniques. Elles autorisent des administrations espacées de 2 à 4 semaines permettant, en évitant les oublis volontaires ou non, une plus grande régularité du traitement et un moindre risque de récidive.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

 

Biodisponibilité

Tmax

Liaison aux protéines

Demi-vie d’élimination

Métabolisation

Elimination

Chlorpromazine

10-70 %, Effet de 1er passage

30-60 min (PO)

15-30 min (IM)

> 90 %

30 h

Plusieurs semaines pour les métabolites

Hépatique importante

Au moins 12 métabolites, actifs ou inactifs, décrits

Urinaire et fécale

Cyamémazine

     

10 h

 

Urinaire

Fluphénazine

25 %, %, Effet de 1er passage

3 h

Importante

15 h

Hépatique

Urinaire (50 %) et fécale

Lévomépromazine

50 %, %, Effet de 1er passage

1-3 h (PO) 30-90 min (IM)

 

15-80 h

Hépatique

 

Perphénazine
énanthate

Très variable

12 h-5 jours

 

20 h

Hépatique

Urinaire et fécale

Pipotiazine

 

1 h 30

 

7-8 h

Hépatique

Urinaire (5-10 %) et fécale

Source de la variabilité de la réponse

Interactions médicamenteuses 
Interactions pharmacodynamiques : il existe un antagonisme réciproque avec tous les agonistes dopaminergiques, directs ou indirects. L'effet sédatif est majoré par la consommation d'alcool et les dépresseurs du système nerveux central. 

L’effet antihypertenseur et le risque d’hypotension orthostatique sont majorés par l’association avec un médicament antihypertenseur. Une association avec un médicament pouvant induire des torsades de pointes est déconseillée. 

Interactions pharmacocinétiques : Une augmentation de la lithiémie a été décrite avec de fortes doses de chlopromazine ou de fluphénazine. Les topiques gastro-intestinaux diminuent l’absorption digestive des antipsychotiques phénothiaziniques.

Réponse des populations physiologiques particulières

Par mesure de précaution, il est préférable de réduire la durée de prescription pendant la grossesse et de diminuer les doses en fin de grossesse. En raison du risque de passage de ces molécules dans le lait maternel, l’allaitement est déconseillé pendant la durée du traitement.
Chez l’enfant, du fait du retentissement cognitif, un examen clinique annuel évaluant les capacités d’apprentissage est recommandé.
Chez le sujet âgé, présentant une plus grande sensibilité à l’hypotension orthostatique, à la sédation, aux effets extrapyramidaux, à la constipation chronique, à l’hypertrophie prostatique, une surveillance renforcée est à considérer.

Réponse des populations pathologiques particulières

Ces antipsychotiques ne doivent pas être utilisés dans la maladie de Parkinson.
En raison de la possibilité d’abaissement du seuil épileptogène, une surveillance renforcée doit être mise en place chez les patients à risque, plus spécialement avec la chlorpromazine.
Une prudence particulière est de rigueur pour les patients atteints d’affections cardiovasculaires en raison des effets quinidiniques, tachycardisants et hypotenseurs de cette classe de produits.
Une adaptation posologique est à envisager en cas d’insuffisance hépatique ou rénale sévère

Situations à risque ou déconseillées

- Hypersensibilité au principe actif ou à un excipient
- Risque de glaucome par fermeture de l’angle
- Risque de rétention urinaire
- Antécédent d’agranulocytose

Précautions d’emploi

L’apparition de signes d’infection doit faire contrôler l’hémogramme.
Une hyperthermie inexpliquée doit faire envisager un syndrome malin.
Des douleurs abdominales doivent faire envisager un iléus paralytique.
Les antipsychotiques risquant d’induire un allongement de l’intervalle QTc, il est nécessaire de s’assurer de l’absence de facteurs de risque pouvant favoriser la survenue d’un trouble du rythme. Il est recommandé d’effectuer un ECG dans le bilan initial des patients devant être traités par un antipsychotique.
La consommation d’alcool est vivement déconseillée pendant la durée du traitement.
Les formes injectables sont réservées à l’adulte.

Effets indésirables

Troubles neurologiques centraux
- Syndrome extrapyramidal
- Dyskinésies précoces et tardives

Troubles endocriniens et métaboliques
- Hyperprolactinémie
- Prise de poids
- Hyperglycémie

Troubles neuropsychiques
- Sédation

Troubles neurovégétatifs
- Hypotension orthostatique
- Effets anticholinergiques

Troubles cardiaques
- Allongement de l’intervalle QT
- Troubles du rythme

Plus rarement

Troubles cutanés
- Manifestations allergiques
- Photosensibilisation

Troubles hématologiques

Troubles ophtalmologiques
- Dépôts dus à l’accumulation du produit

Priapisme
Ictère cholestatique
Syndrome malin des neuroleptiques

Des effets indésirables, de nature allergique, peuvent également être déclenchés par les excipients (huile de sésame, composé jaune orangé S, sulfite et disulfite de sodium).

Surveillance des effets

La surveillance des taux plasmatiques des phénothiazines n’a pas d’intérêt.

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  • 30 mai 2018