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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Corticoides : Corticoïdes inhalés

Résumé de la fiche

Les glucocorticoïdes inhalés sont les anti-inflammatoires indiqués en première intention dans l’asthme persistant. Sous réserve d’une administration quotidienne, le bénéfice thérapeutique obtenu se traduit par une diminution de la fréquence et de la sévérité des exacerbations, une réduction de l’hyperréactivité bronchique non spécifique et, le cas échéant, par une amélioration des paramètres fonctionnels ventilatoires (VEMS, DEMM25-75). Les molécules actuellement disponibles sur le marché français, béclométasone, budésonide, ciclésonide, fluticasone, mométasone peuvent être administrés seuls ou pour certains associés avec un bronchodilatateur ß2-agoniste de longue durée d’action, en fonction de la sévérité de l’asthme ou pour certains dans la bronchopenumopathie chronique obstructive avec exacerbations répétees malgré un traitement bronchodilatateur.
Le mécanisme d’action au niveau des cellules bronchiques n’est pas spécifique par rapport aux autres organes.
La fraction déposée dans les bronches, responsable des effets utiles en clinique, représente 10 à 40% de la dose inhalée. La fraction déglutie (60 à 90%) est absorbée par le système digestif et les molécules choisies sont caractérisées par un important effet de premier passage hépatique afin de réduire l’exposition systémique par cette voie. La faible proportion de médicament aboutissant dans la circulation systémique est toutefois susceptible d’induire des effets indésirables généraux pour les plus fortes doses. Les caractéristiques pharmacocinétiques différentes des corticoïdes inhalés impliquent la prise en compte d’équivalence de doses entre molécules. Une posologie journalière de 1000 µg de béclométasone forme standard à 3 µm correspond à 800 µg de budésonide,  500 µg de fluticasone, 400 µg de mométasone, 400 µg de beclometasone 1 µm, 320 µg de ciclésonide.
En pratique clinique, il n’existe pas de contre-indication absolue à la prise de corticoïde inhalé, hormis de rares cas d’allergie grave à l’un des constituants. Les effets indésirables locaux (gêne pharyngée, candidose buccale) sont facilement prévenus par le rinçage de la bouche après inhalation. La freination du fonctionnement de la glande surrénale et le retentissement sur le métabolisme osseux peuvent survenir en cas d’administration prolongée à forte doses. La recherche systématique d’une posologie minimale efficace en fonction du contrôle de l’asthme permet de s’affranchir de tels effets indésirables généraux. Comme pour tout traitement inhalé, la technique d’inhalation est un élément important de l’efficacité clinique.

Item(s) ECN

184 : Hypersensibilité et Allergies respiratoires chez l’enfant et chez l’adulte. Asthme
205 : Bronchopneumopathie chronique obstructive chez l’adulte et l’enfant

Médicaments existants

L’attention des prescripteurs sera attirée sur les équivalences de doses entre corticoïdes inhalés , dont la connaissance permet de prévenir la survenue d’effets indésirables et une meilleure prise en charge sur le long terme.

Tableau 1 :  équivalence des corticoïdes inhalés

 

Dose

Faible

Dose

Moyenne

Dose

Forte

Béclométasone 3 µm
Béclométasone 1 µg

200-500 µg/jour
100-200 µg/jour

>500-1000 µg/jour
>200-400 µg/jour

> 1000 µg/jour
>400 µg/j

Budésonide

200-400 µg/jour

400-800 µg/jour

> 800 µg/jour

Fluticasone

100-250 µg/jour

250-500 µg/jour

> 500 µg/jour

Mométasone

100-200 µg/jour

>200-400 µg/jour

>400 µg/jour

Ciclésonide

80-160 µg/jour

>160-320 µg/jour

>320 µg/jour

Mécanismes d’action des différentes molécules

Les spécificités des glucocorticoïdes inhalés sont en rapport avec le caractère topique de cette classe médicamenteuse. L’enjeu du développement de nouvelles molécules est d’obtenir des concentrations bronchiques élevées, responsables des effets cliniques, et des concentrations plasmatiques faibles, à l’origine des effets systémiques. La diminution de la taille des particules inhalées de 3 à 1 µm permet d’améliorer le dépôt bronchique mais change de ce fait l’équivalence de doses .
Au niveau bronchique, les glucocorticoïdes agissent sur de nombreux types cellulaires impliqués dans la réaction inflammatoire des voies aériennes : lymphocytes, mastocytes, cellules musculaires lisses bronchiques, polynucléaires éosinophiles, etc.... Les corticoïdes inhibent la production de la quasi-totalité des médiateurs de l’inflammation.

Effets utiles en clinique

Depuis leur introduction dans la pratique en 1986, les corticoïdes inhalés sont devenus le traitement anti-inflammatoire de référence dans l’asthme. Leur administration quotidienne permet de réduire la fréquence des exacerbations d’asthme, avec des effets secondaires le plus souvent négligeables. Ils ne constituent en aucun cas le traitement de la crise d’asthme, qu’ils soient administrés par aérosol-doseur ou par voie nébulisée.
Les  molécules sont indiquées dans le traitement continu de l’asthme persistant. Les consensus internationaux recommandent de moduler la posologie des corticoïdes inhalés, initialement en fonction de la sévérité de la maladie puis selon le contrôle de la maladie asthmatique. Exprimées en équivalent-béclométasone, les posologies quotidiennes recommandées pour l’asthme persistant léger, persistant modéré et persistant sévère, sont respectivement de : ≤ 500 µg - ≤ 1000 µg et > 1000 µg.

Aucun corticoïde inhalé n'a démontré son intérêt et n'a donc d'indication seul dans la BPCO.

Les associations fixes corticoïde / ß2-agoniste de longue durée d’action sont réservés aux asthmes non contrôlés par l'utilisation quotidienne de corticoïdes inhalés avec une bonne technique d'inhalation, et seulement en deuxième intention dans la BPCO pour réduire le risque d'exacerbations chez les patients exacerbateurs fréquents malgré un traitement bronchodilatateur optimal associant un .

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

L’efficacité clinique des corticoïdes inhalés dans la maladie asthmatique a été démontré pour de nombreux paramètres : diminution du recours au traitement de secours (ß2-agoniste de courte durée d’action), amélioration des scores de symptômes et de la fonction respiratoire, diminution de la fréquence et de la sévérité des exacerbations, amélioration des scores de qualité de vie.
L’action anti-inflammatoire des glucocorticoïdes inhalés se manifeste dès 10 jours de traitement continu, sous réserve d’une observance et d’une technique d’inhalation satisfaisantes. Cependant, l’efficacité maximale du traitement est obtenu à l’issue d’un traitement minimal de 6 semaines.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Les caractéristiques pharmacocinétiques communes des corticoïdes inhalés sont liées aux voies de résorption.

Métabolisme des corticoïdes inhalés

M26

Comme pour toute thérapeutique inhalée, leur grande marge de sécurité tient au rapport élevé entre les concentrations locales (à l’origine des effets thérapeutiques) et systémiques, responsables des principaux effets secondaires. De plus les molécules de corticoïdes ayant l'indication par inhalation subissent toutes un effet de premier passage hépatique important avec transformation en métabolites de très faible activité glucocorticoïde. Cela assure très une faible biodisponibilité orale et peu ou pas d'effet corticoïde systémique de la fraction déglutie absorbée dans le système gastro-intestinal.

La lipophilie du corticoïde influe sur la pénétration cellulaire et l’activité de la molécule, car les récepteurs aux glucocorticoïdes sont intracellulaires. Une lipophilie élevée facilite la pénétration du corticoïde dans les cellules, garant d’une activité intense et prolongée, mais est également un facteur de stockage dans les tissus et de majoration des effets systémiques. Ainsi, la lipophilie variable des glucocorticoïdes se traduit en terme de différences de volume de distribution : 3 litres/kg pour le budésonide, environ 300 litres pour la fluticasone. Pour un volume de distribution plus élevé, les concentrations plasmatiques sont apparemment plus faibles car le corticoïde quitte le plasma pour être stocké dans les tissus.

D’un point de vue pratique, l’existence de ces spécificités pharmacocinétiques impose de prendre en compte l’équivalence de doses entre molécules et il ne faut pas utiliser par voie inhalée d'autres corticoides que ceux qui ont l'indication.

Source de la variabilité de la réponse

Comme pour les bronchodilatateurs inhalés, l’absence de réponse thérapeutique est fréquemment en rapport avec une technique d’inhalation déficiente.  Il est probable qu’une mauvaise observance chez certains asthmatiques est également en cause dans la variabilité de la réponse.
L’éducation du patient, et notamment la compréhension par le patient des bénéfices thérapeutiques attendus, conditionne l’observance.
Au-delà de facteurs liés à la prise du produit, un faible nombre de sujets est affecté d’asthme persistant sévère : ces patients demeurent symptomatiques malgré une corticothérapie inhalée à fortes doses et l’association avec une corticothérapie orale. Les mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent cette corticorésistance demeurent inconnus à l’heure actuelle.

Situations à risque ou déconseillées

Il n’existe pas de contre-indication formelle, hormis l’allergie à l’un des composants.

La fluticasone est métabolisée par les cyp 3A4 et des cas d'insuffisance surrénalienne ou de syndrome de Cushing on été décrits en cas de coprescription avec des inhibiteurs enzymatiques

Précautions d’emploi

La compréhension de la différence entre traitement continu et traitement de secours est un préalable indispensable à la prise en charge de l’asthme.
Seule une administration régulière des glucocorticoïdes inhalés permet d’obtenir le bénéfice thérapeutique attendu. Pour autant, la survenue d’exacerbations de l’asthme n’est pas exclue malgré un traitement anti-inflammatoire bien conduit. Les signes d’alerte (augmentation de la consommation de ß2-agoniste de courte durée d’action et/ou, à un moindre degré, diminution de valeurs du débitmètre de pointe) doivent inciter les patients à consulter leur médecin pour envisager une mise sous corticothérapie orale.
La recherche de la dose minimale efficace permet de prévenir l’apparition d’effets délétères systémiques. Cette stratégie ne doit pas être remise en cause par la survenue d’une exacerbation unique sans critère de gravité.
Le contrôle de la maladie est en effet évalué à partir de critères cliniques et spirométriques sur une période de 3 mois.

Il convient de s'assurer de la bonne utilisation des systèmes d'inhalation idéalement à chaque consultation et au moins une fois par an.
Enfin, le rinçage de la bouche après inhalation et l’utilisation de chambre d’inhalations préviennent la survenue de manifestations oropharyngées.

Effets indésirables

Il existe un contraste entre les effets indésirables locaux des corticoïdes inhalés, généralement fréquents et bénins, et les effets systémiques, dont la prévalence n’est pas clairement établie mais dont le potentiel de gravité est important.

Tableau 2 : Principaux effets indésirables

 

Nature de l'effet indésirable

Gravité

Estimation de la fréquence

Locaux

Candidose oropharyngée
Gêne pharyngée, raucité voix, dysphonie
Réactions hypersensibilité cutanée

Faible
Faible
Faible

Fréquent
Fréquent
Exceptionnel

Généraux

Amincissement cutané, hématomes sous-cutanés

Insuffisance surrénaliennes biologiques

Raréfaction tissu osseux

Faible

Potentiel très grave
Potentiel très grave

Rare

Rare

Rare

Le rinçage systématique de la bouche après inhalation est un moyen simple de prévenir la survenue de candidose buccale ou de gêne pharyngée.
Le problème des effets des corticoïdes inhalés sur le métabolisme osseux et la fonction surrénalienne est un sujet de controverse, pour lequel de nombreuses questions sans réponses persistent. Il est cependant admis que les corticoïdes administrés par voie inhalée entraînent des modifications mineures de fonction de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Ces effets freinateurs exercés sur l’axe hypothalamo-hypophysaire concernent toutes les molécules et sont dose dépendant. La significativité clinique de ces troubles biologiques n’est pas clairement établie. Plusieurs études tendent à démontrer que la probabilité de survenue d’insuffisance surrénalienne ou de syndrome de Cushing sous corticoïde inhalé est faible, sauf à fortes doses.
De même, à doses conventionnelles pendant une durée de traitement de 3 ans, les corticoïdes inhalés n’induisent pas de diminution de la densité minérale osseuse, ni d’augmentation du risque fracture vertébrale. A doses fortes, les examens complémentaires mettent en évidence la présence de déminéralisation osseuse, alors qu’il manque de données fiables sur le risque fracturaire.
En résumé, les effets indésirables généraux des corticostéroïdes inhalés sont susceptibles de survenir pour des posologies quotidiennes supérieures à 1000 µg chez l’adulte et 500 µg chez l’enfant (doses exprimées en équivalent béclométasone). Même si le rapport bénéfice-risque des corticoïdes inhalés est élevé, la recherche de la posologie minimale efficace doit être systématique.

Surveillance des effets

Dans le cas d’une corticothérapie inhalée à forte dose, la surveillance clinique prime sur les examens complémentaires. L’examen de la cavité buccale et la recherche de signes cutanés sont systématiques.
L’apparition de signes cliniques évocateurs d’insuffisance surrénalienne ou de syndrome de Cushing justifie la réalisation d’examens biologiques comme dosage du cortisol libre urinaire ou un test fonctionnel surrénalien.

Le manque ou la perte d'efficacité est souvent liée à un défaut d'observance ou à une mauvaise utilisation des systèmes d'inhalation.

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  • Dernière modification: : P. Devillier, M. Molimard
  • 12 mai 2022