Les sources de variabilité de la réponse au médicament

Inductions enzymatiques

Le métabolisme des médicaments dépend de l’activité de nombreux enzymes essentiellement exprimés dans le foie. Les enzymes du métabolisme des médicaments peuvent être induits par de nombreuses substances étrangères dont la plupart sont des médicaments. Le tableau I reprend les principales substances considérées comme des inducteurs des enzymes du métabolisme des médicaments et plus particulièrement du CYP3A4.

Exemple de médicaments éliminés (métabolisés) par le CYP3A4 Inducteurs du métabolisme dépendant du CYP3A4 à l’origine d’interactions médicamenteuses

Médicaments cardiovasculaires
- Antiarythmiques : quinidine, lidocaine, amiodarone
- Statines: lovastatine, simvastatine, atorvastatine, cerivastatine
- Inhibiteurs calciques: nifedipine, nitrendipine, nimodipine, amlodipine, felodipine, verapamil, diltiazem

Autres médicaments
- Anti-infectieux : anti-protéases du VIH (amprenavir, saquinavir, indinavir, nelfinavir, ritonavir, lopinavir,...), macrolides (erythromycine, clarythromycine, josamycine, télithromycine,...)
- Immunosuppresseurs : cyclosporine, tacrolimus, sirolimus, prednisolone, 
- Benzodiazépines : midazolam, triazolam, 
- Anticancéreux : étoposide, ifosfamide, tamoxifen

Antiviraux
Efavirenz, Elvitravir, Etravirine

Anti-épileptiques
Carbamazepine, Phenobarbital, Phenytoine, Topiramate, Felbamate, Oxcarbazépine

Divers
Pioglitazone, rifampicine, Bosentan, dexaméthasone,            métamizole, (meprobamate)
millepertuis (St. John's wort)

Tableau I : Médicaments éliminés par le CYP3A4 (colonne de gauche). Médicaments induisant le CYP3A4 (colonne de droite). Les médicaments inducteurs sont des composés qui augmentent l’expression, c’est à dire la quantité de protéine hépatique (dans l’exemple du tableau le CYP3A4). 

- La plupart des substances qui induisent des enzymes du métabolisme des médicaments sont d’autres médicaments. Les conséquences d’une induction du métabolisme d’un médicament donné sont une accélération (parfois considérable) de l’élimination du médicament (augmentation de sa clairance orale). Il s’en suit une diminution des concentrations plasmatiques avec une diminution de l’efficacité clinique voir une disparition de l’effet.

Figure n°1A: induction enzymatique. Le médicament inducteur augmente l’expression des enzymes du métabolisme par un effet transcriptionnel

5.2.4.figure1A

Figure n°1B: induction enzymatique: conséquences pharmacocinétiques

5.2.4.figure1B

L’ induction de l’enzyme responsable du métabolisme et de la clairance du médicament entraîne une diminution des concentrations plasmatiques du médicaments avec un risque de perte d’efficacité. La courbe rouge indique les concentrations circulantes d’un médicament métabolisé par le CYP3A4 lorsqu’il est pris seul. La courbe bleue indique les concentrations circulantes du même médicament chez le même sujet lorsqu’il prend conjointement un médicament inducteur du CYP3A4.

- Contrairement aux interactions par inhibition enzymatique, les interactions médicamenteuses par induction enzymatique ont des conséquences relativement retardées (de l’ordre de quelques jours à quelques semaines) tant sur le plan de la diminution des concentrations plasmatiques que sur le plan des conséquences cliniques (diminution ou disparition de l’effet souhaité ; ex. grossesse sous oestroprogestatif). Cela tient au fait que le phénomène d’induction est un processus transcriptionnel et l’augmentation de l’expression d’enzymes du métabolisme des médicaments prend quelques jours pour arriver à l’effet maximum. Si l’on maintient l’inducteur enzymatique avec le médicament initial, on est obligé d’augmenter les doses de ce dernier afin d’obtenir des concentrations circulantes satisfaisantes (nouvel état d’équilibre). Si une fois ce nouvel état d’équilibre atteint on décide d’arrêter le médicament inducteur, il faut impérativement penser à diminuer la posologie du premier médicament sous peine de déclencher un surdosage quelques jours après l’arrêt de l’inducteur.

Figure 2: mécanisme de l’induction du CYP3A4.

Le récepteur nucléaire PXR lie les inducteurs du CYP3A4. PXR et son ligand se dimérisent avec RXR (récepteur de l’acide rétinoïque. L’hétérodimère PXR-ligand-RXR vient se fixer sur le promoteur (RE:responsive élément du promoteur) d’un certain nombre de gènes (dont celui du CYP3A4) et active la transcription de ces gènes (enzymes du métabolisme des médicaments de phase I et II et transporteurs).

- Les conséquences cliniques des interactions médicamenteuses par induction enzymatique s’observent avec des médicaments à index thérapeutique étroit, c’est à dire pour lesquels les concentrations efficaces sont proches de celles pour lesquelles l’efficacité disparaît. Les premiers exemples ont été observés avec la rifampicine et les anticonvulsivants: 

* Survenue de grossesses non désirées chez des patientes traitées par contraception orale chez lesquelles un traitement antituberculeux (comprenant de la rifampicine) était débuté (induction du métabolisme des estrogènes par la rifampicine).

* Survenue de rejet aigu de greffe d’organe chez des patients traités par immunosuppresseurs métabolisés par le CYP3A4 (ciclosporine, tacrolimus, prednisolone) et pour lesquels un traitement anticonvulsivant venait d’être entrepris (induction du métabolisme des immunosuppresseurs par les anticonvulsivants).

 

Pour une actualisation périodique des tableaux inducteurs et inhibiteurs des CYP et de la Pgp on recommandera de consulter le site : www.pharmacoclin.org (département de pharmacologie HU Genève, Suisse)