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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

*Régulateurs de l'humeur / Thymorégulateurs: Les points essentiels

Résumé de la fiche

Parmi la classe thérapeutique des thymorégulateurs, on retrouve le lithium, la carbamazépine, le valpromide et le valproate, et certains neuroleptiques comme l’olanzapine, la quétiapine et l'aripiprazole.

Le lithium est prescrit non seulement pour traiter les épisodes de manie et d’hypomanie, mais aussi dans la prévention de la récurrence des épisodes. Il est également efficace dans le traitement et la prévention des épisodes dépressifs chez les patients atteints de trouble bipolaire.

Les autres thymorégulateurs comme le valpromide ou le valproate ont l’AMM dans l’indication du traitement de l’accès maniaque et comme thymorégulateur au long cours.

La physiopathologie des troubles bipolaires est mal définie, elle semble faire intervenir un déterminisme plurifactoriel avec notamment des anomalies des systèmes monoaminergiques, une dysrégulation des systèmes de transduction cellulaire.

Le mécanisme d’action de chacun des thymorégulateurs prescrits pour traiter les troubles bipolaires, i.e. lithium, valproate et carbamazépine est complexe et non complètement compris.

Compte tenu de leurs effets latéraux, l’instauration de ces traitements nécessitent un bilan clinique et biologique notamment un bilan rénal pour le lithium et un bilan hépatique et hématologique pour la carbamazépine, le valpromide et la valproate.

L’instauration d’un traitement par lithium se fait, par ajustements successifs, afin d’atteindre la dose efficace, c’est à dire celle qui permet d’obtenir une lithiémie dans la fourchette thérapeutique (0.5 à 0.8 mmol/l) permettant l’obtention de l’effet thymorégulateur

Item(s) ECN

62 : Trouble bipolaire de l’adolescent et de l’adulte
72 : Prescription et surveillance des psychotropes
326 : Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l’adulte et chez l’enfant

Rappel physiopathologique

La manie et l’association de manie et de dépression (trouble bipolaire) sont moins fréquentes que la dépression majeure unipolaire.

La manie se caractérise par une exaltation excessive, classiquement associée à une dysphorie ou une irritabilité, une insomnie sévère. La physiopathologie des troubles bipolaires reste à définir mais il semble que la chronicité d’épisodes dépressifs majeurs (cf. chap. sur les antidépresseurs pour la physiopathologie) impliquerait chez ces patients l’apparition de troubles bipolaires.

La trouble bipolare implique parmi les mecanismes physiopathologiques des alterations de la neurotransmission ainsi que de la neuroplasticité, avec modifications structurelles cérébrales observés au cours de l'évolution du trouble bipolaire et la répetition des épisodes aigus.

Chez les patients atteints de troubles bipolaires, au cours de l'accès maniaque, un rôle pour un'hyperactivation des voies dopaminergiques a été supposé, qui justifierais en particulier des symptômes comme l'insomnie, l'excitation psychomotrice, l'impulsivité. Des anomalies biologiques du système noradrénergique (en particulier cortical) et sérotoninergique (troubles communs à tous les troubles de l’humeur), les systemes qui sont la cyble therapeutique de la depression aussi, ont été relevées.

Au cours de l'évolution du trouble bipolaire, un'atrophie de plusieurs régions cérébrales a été observée (cortex cingulaire antérieur, cortex préfrontal, hippocampe, amygdale, striatum ventral), avec reduction d'activité des certaines regions (cortex préfrontal, hippocampe, striatum ventral) et augmentation d'activité dans d'autres regions (amygdale), et alterations importantes de la connectivité. Ce pattern d'anomalies structurales qui perpetue le trouble bipolaire pourrait être declenché par des phènoménes de stress, avec activation de la voie adrenergique et augmentation du stress oxydant cellulaire et figures d'apoptose neuronale. Il en resulte une perte de capacité de plasticité synaptique et connectivité cerebrale, avec manque de capacité d'adaptation, qui facilite la recidive d'episodes aigus en rendant le cerrveau plus sensible aux stress futures.

Médicaments existants

L'approche pharmacologique du traitement des accès aigus maniaques ou dépressifs repose sur les antipsychotiques. En deuxième intention, certaines antidépresseurs peuvent être utilisés, mais seulement su couvert d'un regulateur de l'humeur. D'ailleurrs, la prévention de la récurrence des épisodes maniaques aigus est l'element majeur justifiant l'utilisation des régulaterus de l'humeur (Tableau 1).

 

Le lithium est le chef de file des médicaments régulateurs de l’humeur. Il est prescrit en première intention dans la prophylaxie du trouble bipolaire. Ce thymorégulateur est utilisé pour son activité sédative dans les états d’excitation mais aussi en prévention des rechutes.

Le lithium peut être prescrit au long cours, en traitement dit d’entretien pour justement éviter les rechutes dans les formes bipolaires de la psychose maniaco-dépressive. Il est donné sous la forme d’un sel, le carbonate (Théralite®) (250 mg = 6,8 meq) ou le gluconate (Neurolithium®) (1 g = 4,95 meq), administrés par voie orale en une ou deux prises quotidiennes. La posologie habituelle est de 6 à 20 meq/jour.

La manie et sa forme atténuée (hypomanie) sont traitées par des sels de lithium pendant une première phase de courte durée puis par des sels de lithium ou certains anticonvulsivants ayant des propriétés stabilisatrices de l’humeur pour le traitement préventif à long terme des récidives.

La carbamazépine (Tégrétol®), prescrite également dans l’épilepsie et dans les douleurs neuropathiques, est un autre régulateur de l’humeur qui présente les mêmes résultats que le lithium dans la prévention des rechutes, surtout les formes à cycles rapides (plus de quatre accès par an). Les formes résistant à un produit peuvent répondre à l’autre et l’association des deux médicaments peut réussir quand un seul a échoué.

D’autres molécules comme le valpromide (Dépamide®) ou son métabolite l’acide valproïque (divalproate de sodium ; Dépakote®) ne sont indiquées qu’en seconde intention dans la prévention des rechutes du trouble bipolaire. L’olanzapine (Zyprexa®), outre son utilisation comme antipsychotique, a obtenu l’AMM dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères et dans la prévention des rechutes chez les patients ayant répondu à ce traitement lors d’un épisode aigu (Tableau 1)

Tableau 1. Médicaments régulateurs de l'humeur et leur mécanisme d'action

  Mécanisme d'action Médicaments
Acces aïgus Action sur la transmission dopaminergique antipsychotiques
Action sur la transmission śerotoninergique ou noradrénergique antidepresseurs
Action sur le fonctionnement cérebral et la plasticité cérébrale quétiapine, lamotrigine, modafinil, lithium
Régulation de l'humeur Action sur le fonctionnement neuronal et la plasticité cérébrale

acide valproique, carbamazepine, lamotrigine, lithium

Action sur la transmission dopaminergique olanzapine

 

Mécanismes d’action des différentes molécules

Le mécanisme d’action de chacun des thymorégulateurs prescrits pour traiter les troubles bipolaires, i.e. lithium, valproate et carbamazépine est complexe et non complètement compris. Aussi est-il difficile de décrire un mécanisme d’action commun.

D’une manière générale, le lithium a un effet en aval du récepteur, au niveau des systèmes de seconds messagers, en inhibant l’inositol monophosphatase ou en régulant l’expression génique de protéine kinase ou de facteur neurotrophique (Figure mode d’action lithium).

Quant aux anticonvulsivants ayant obtenus l’AMM dans les troubles bipolaires, ils agiraient sur les canaux ioniques sodiques, potassiques et calciques en bloquant le flux de ces ions. En fait, ces médicaments facilitent la neurotransmission inhibitrice par le GABA et réduisent la neurotransmission excitatrice par le glutamate.

Effets utiles en clinique

Le lithium est non seulement utilisé comme traitement curatif des épisodes de manie et d’hypomanie, mais aussi parce qu’il a démontré un effet préventif vis-à vis de la récurrence des épisodes.

Le lithium est surtout efficace dans le traitement et la prévention des épisodes dépressifs chez les patients atteints de troubles bipolaires (maladie maniaco-dépressive).

L'intérêt des thymorégulateurs anticonvulsivants comme le valproate, serait ainsi particulièrement important lors des troubles où la lithiémie est relativement inefficace ainsi que dans les formes à cycles rapides, les états mixtes, les troubles dysphoriques et les troubles de l'humeur associés à une pathologie organique cérébrale.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

La pharmacodynamie des effets utiles en clinique du lithium est complexe et non complètement comprise. Les effets utiles du lithium passent probablement par une augmentation de la libération de sérotonine par activité sur les récepteurs 5-HT1B et un effet neuroprotecteur rendu possible par la facilitation de l’expression de facteur de transcription.

Quant au mécanisme d’action de la carbamazépine, du valpromide ou du valproate, ces derniers exercent effet stabilisateur de membrane en inhibant les canaux sodiques et calciques et peut-être potentialiser l'activité inhibitrice GABAergique tout en réduisant l’action excitatrice du glutamate. Il en résulterait un effet anti-embrasement (effet « antikindling »). 

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

Les caractéristiques pharmacocinétiques sont à regrouper en deux grands groupes : le lithium et les anticonvulsivants.

Le lithium a le même devenir que l'ion Na+ dans l'organisme. Sa demi-vie est de 24 heures. Il est complètement résorbé au niveau digestif et non lié aux protéines, il diffuse donc dans l'eau totale.

La demi-vie de la carbamazépine est de 36 h alors que celle du valproate est de 15 à 17 heures et la concentration plasmatique d’équilibre est atteinte en 3 à 4 jours.

Les caractéristiques pharmacocinétiques du valpromide sont proches de celle du valproate.

La concentration sérique maximale est atteinte en moyenne après 24 heures et l’obtention d’un taux stable demande environ 48 h L’élimination du lithium, de la carbamazépine du valpromide ou du valproate est principalement urinaire.

Source de la variabilité de la réponse

Chez les sujets âgés la posologie de lithium doit être plus faible et plus progressive.

Situations à risque ou déconseillées

Les normothymiques sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale (relative), de pathologie cardio-vasculaire et rénale, de déshydratation et dans les situations de déplétion sodée (se méfier de la transpiration, des régimes amaigrissants, diurétiques, diarrhées, vomissements) et lors d’association avec les AINS pouvant entraîner une augmentation du lithium.

De même que l’association du lithium et des électrochocs est contre-indiquée, l’association de cette même classe médicamenteuse avec un neuroleptique peut entraîner parfois confusions et augmentation de la lithiémie.

Précautions d’emploi

Avant l’instauration d’un traitement par lithium, un bilan clinique et biologique (rénal thyroïdien, cardiaque, hématologique notamment) est nécessaire.


Du fait d’une modification de la repolarisation, le lithium doit être utilisé avec prudence dans le cas de pathologie cardio-vasculaire. En raison d’une forte concentration du lithium dans le lait, l’allaitement est contre-indiqué (forte concentration).

Lors d’un traitement par du valpromide ou de valproate, un contrôle impératif du bilan hépatique doit être pratiqué avant le début du traitement puis une surveillance périodique et en fin de traitement.


L’instauration d’un traitement par lithium se fait, par ajustements successifs, afin d’atteindre la dose efficace, c’est à dire celle qui permet d’obtenir une lithiémie dans la fourchette thérapeutique (0.5 à 0.8 mmol/l) permettant l’obtention de l’effet thymorégulateur.

Effets indésirables

Les effets indésirables avec le lithium sont de trois ordres (tableau ci dessous) allant des incidents mineurs aux effets toxiques graves en passant par les effets tardifs. Il ne faut pas oublier le risque d’effets tératogènes.

Avec les anticonvulsivants, des signes essentiellement neurologiques et psychiques s'observent fréquemment en début de traitement : somnolence, vertiges, anorexie, nausées, diarrhée, constipation, sécheresse de la bouche, troubles de l'accommodation, diplopie, céphalées, ataxie ainsi que confusion et agitation chez les personnes âgées.


Les effets indésirables de la carbamazépine à surveiller sont principalement les effets hématologiques (agranulocytose, thrombopénie) et hépatiques nécessitant un bilan pré-thérapeutique et un suivi régulier.

Surveillance des effets

Lors de la mise sous traitement, puis régulièrement, Lorsque des signes de surdosage apparaissent, il est nécessaire de doser la lithiémie en urgence. Des hémogrammes et bilans hépatiques seront réalisés avant le début du traitement par la carbamazépine, une fois par semaine le premier mois, puis devant tout signe clinique d’appel.

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  • 13 mai 2022