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Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Hormones thyroïdiennes de synthèse

Résumé de la fiche

Les hormones thyroïdiennes utilisées en thérapeutique sont des composés de synthèse identiques aux hormones naturelles (tableau 1, section Médicaments existants). Leur principale indication est le traitement substitutif des patients atteints d’hypothyroïdie. La lévothyroxine (T4) est la forme la plus utilisée. De nombreux facteurs peuvent modifier l'équilibre thyroïdien, la surveillance clinique et par le dosage plasmatique de TSH aident à adapter les posologies. Une vigilance particulière sera nécessaire en cas de cardiopathie. 

 

Item(s) ECN

R2C: 243 : Hypothyroïdie

Rappel physiopathologique

La thyroïde est la glande endocrine qui sécrète les hormones thyroïdiennes : les hormones iodotyronines : la 3,5,3’-triiodotyronine (T3) et la 3,5,3’,5’-tetraiodotyronine, encore appelée thyroxine (T4). C'est majoritairement la T4 qui est sécrétée directement par la thyroïde, pour être transformé en T3 (hormone active) en périphérie. Les carences en hormones thyroïdiennes sont assez fréquente, que ce soit par atteinte auto-immune de la thyroïde (maladie de Hashimoto notamment) ou après thyroïdectomie pour hyperthyroïdie ou processus tumoral, voire par insuffisance hypophysaire. En cas d'hypothyroïdie, la concentration plasmatique de TSH (hormone hypophysaire de stimulation de la thyroïde) augmente, et il convient de substituter les patients en hormones thyroïdiennes de synthèse. 

Médicaments existants

Tableau 1. Principales hormones thyroïdiennes de synthèse disponibles

DCI (spécialités)

Hormone substituée

Formes et dosages

Lévothyroxine 
(Levothyrox®, génériques)

T4

Cp à 25, 50, 75, 100, 125, 150, 175, 200 µg

Liothyronine (Cynomel®)

T3

Cp à 25 µg

Lévothyroxine + Liothyronine (Euthyral®)

T4 + T3

Cp à 100 µg
+ 20 µg

 

Mécanismes d’action des différentes molécules

Les hormones thyroïdiennes de synthèses agissent comme les hormones naturelles, via des récepteurs nucléaires. 

La lévothyroxine (T4) est la plus utilisée en traitement substitutif. Tout comme l’hormone naturelle, elle sera transformée en T3 (forme active) par les désiodases. La liothyronine (T3) peut être utilisée si un effet rapide ou transitoire est nécessaire. Bien que l’association T3 + T4 puisse paraître plus proche de la sécrétion endogène d’hormones thyroïdiennes, le ratio T3/T4 de la préparation commerciale disponible est environ 2 fois supérieur au ratio physiologique et est peu utilisé en pratique.

Effets utiles en clinique

Les hormones thyroïdiennes utilisées en thérapeutique ont les mêmes effets métaboliques, cardiovasculaires et sur le développement que les hormones naturelles et permettent de corriger les symptômes de l'hypothyroïdie. Elles peuvent également être utile en cas de tumeur de la thyroïde, en freinant la TSH qui stimule les cellules thyroïdienne.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique

Les hormones thyroïdiennes de synthèses permettent de corriger les symptômes de l'hypothyroïdie : résorbtion de l'asthénie, de la prise de poids, du myxoedème, augmentation du métabolisme de base, de la fréquence cardiaque, du transit intestinal.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

La demi-vie d’élimination de la lévothyroxine est de 6 à 7 jours. La demi-vie d’élimination de la liothyronine est de 24h environ. L'amélioration des symptômes et les éventuels effets indésirables peuvent ne se manifester qu'au bout de deux à quatre semaines. Environ cinq à six semaines sont nécessaire avant d'atteindre un équilibre dans la concentration de T4 après modification de la dose. La lévothyroxine passe faiblement la barrière placentaire. Plusieurs facteurs sont susceptibles de modifier l'absorption digestive des hormones thyroïdiennes (cf section 'Source de la variabilité de la réponse'). 

Source de la variabilité de la réponse

Les hormones thyroïdiennes de synthèse sont considérées comme des médicaments à marge thérapeutique étroite. Certains facteurs peuvent influencer leur concentration et nécessiter une adaptation posologique : l’absorption digestive de la lévothyroxine est d’environ 80% et est modifiée par l’alimentation. Il est donc recommandé de prendre le médicament le matin à jeun.
- Le soja peut diminuer l'absorption intestinale de lévothyroxine. 
- Certains médicaments diminuent l’absorption digestive des hormones thyroïdiennes de synthèse : le sucralfate, la colestyramine (Questran®), les sels de fer ou de calcium. Il est recommandé d’espacer d’au moins 2 heures les prises de ces médicaments et des hormones thyroïdiennes. 
- En modifiant l’acidité gastrique, qui joue un rôle dans l’absorption, les anti-acides (et notamment les inhibiteurs de la pompe à protons) diminuent la biodisponibilité de la lévothyroxine.
- Des inducteurs enzymatiques (ex : carbamazépine, phénytoïne, rifampicine) augmentent le métabolisme des hormones thyroïdiennes de synthèse et exposent à un risque de sous-dosage.
- L’amiodarone a des effets complexes et variés sur la fonction thyroïdienne (hypo ou hyperthyroïdie, voir section 'ANTIARYTHMIQUES'). Parmi eux, on note l’inhibition des désiodases qui convertissent T4 en T3. L’inhibition de la désiodase de type I a pour conséquence une augmentation de la concentration de T4 et une baisse de la concentration de T3. L’inhibition de la désiodase de type II (qui joue un rôle majeur dans le rétrocontrôle négatif de T3 sur la synthèse et la libération de TSH) a pour conséquence une augmentation de la TSH.

Note : la substitution d’une spécialité par un générique peut affecter l’équilibre thyroïdien du fait d’une bioéquivalence insuffisante. Une surveillance accrue est donc recommandée en cas de changement de spécialité.

Situations à risque ou déconseillées

Contre-indication
hypersensibilité à l'un des constituants, hyperthyroïdie non contrôlée. Ces médicaments sont déconseillés en cas de cardiopathie décompensée, coronaropathie, trouble du rythme non contrôlé, et ne doivent pas être initié lors d'un syndrome coronarien aigu ou d'une myocardite.  
La liothyronine est contre-indiqué chez les patients présentant une allergie au blé (autre que la maladie cœliaque) du fait de la présence d'amidon de blé dans la formulation. 

Allaitement et grossesse 
Leur association avec des antithyroïdiens de synthèse est déconseillé pendant la grossesse. La lévothyroxine a un faible passage placentaire, mais est indispensable en cas de grossesse en hypothyroïdie. Lors d'une grossesse, l'objectif est d'atteindre une euthyroïdie chez la mère, l'hypo et l'hyperthyroïde pouvant retentir sur le foetus. 

Précautions d’emploi

Mises en garde spéciale
L'obésité sans hypothyroïdie n'est pas une indication d'hormone thyroïdienne par elle même.

Précautions d'emploi
Les hormones thyroïdiennes ont un impact important sur la charge de travail myocardique (augmentation de la fréquence cardiaque, du métabolisme de base). En cas de pathologie cardiaque, une coopération entre cardiologue et endocrinologue est donc particulièrement importante pour discuter des bénéfices et risques de l'introduction et l'adaptation des doses d'une supplémentation en hormones thyroïdiennes. En cas de cardiopathie chronique, l'introduction des hormones thyroïdiennes, si elle est décidée, sera très progressive, une surveillance hospitalière étant légitime lors des palliers. 

En cas d'insuffisance corticotrope associée, la supplémentation en hydrocortisone devra être instaurée préalablement. 

Du fait de la présence de lactose dans la formulation, l'utilisation de la lévothyroxine est déconseillée chez les patients atteints d'une intolérance au galactose, un déficit en lactase de lapp ou un syndrome de malabsorption du glucose ou du galactose (maladies héréditaires rares). La liothyronine est déconseillée en cas d'intolérance au saccharose (présence de saccharose dans la formulation). 

En cas de changement de spécialité, l'équilibre thyroïdien sera à surveiller. 

Interactions
Les résines échangeuses d'ions, les sels de calcium, peuvent diminuer l'absorption intestinale du lévothyroxine (cf section 'Source de la variabilité de la réponse'). 

Plusieurs anticonovulsivants (carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne, primidone, barbituriques) et d'autres médicaments (griséofulvine, rifampicine, rifabutine) sont des inducteurs enzymatiques et peuvent induire des diminutions de la concentration des hormones thyrodïenne de synthèse, justifiant d'une surveillance en cas d'introduction et/ou de modification de posologie.

Il existe également un risque de diminution de l'efficacité de la lévothyroxine avec l'utilisation concomittante de chloroquine/proguanil, des inhibiteurs de protéases boostés par ritonavir (indinavir, lopinavir…), les estrogènes non contraceptifs, l'imatinib, le sumatinib, nécessitant une surveillance de la TSH plasmatique pour adapter les doses de lévothyroxine. 

 Enfin, les hormones thyroïdiennes de synthèse interagissent également avec les anticoagulants oraux antivitamine K, et sont susceptible de modifier l’INR.

Effets indésirables

Effets indésirables
- Aggravation de toute cardiopathie (insuffisance cardiaque, angor, troubles du rythme...) au premier plan.

- Des signes d’hyperthyroïdie, tels que tachycardie, tremblements, troubles du rythme cardiaque, insomnie, excitabilité, élévation de la température, sueurs, amaigrissement rapide, diarrhée, doivent faire pratiquer un dosage hormonal, diminuer ou interrompre pendant plusieurs jours le traitement qui sera repris ensuite à doses plus faibles.
- Possibilité d’hypercalciurie chez l’enfant.
- Des réactions d’hypersensibilité, aux excipients et/ou à la substance active, ont été rapportées (symptômes les plus fréquents : urticaire, prurit, angio-œdème, dyspnée, érythème). 

Surdosage
Les signes et les conséquences d'un surdosage sont les mêmes que ceux d'une hyperthyroïdie. Le délai d'apparition des signes cliniques en cas d'ingestion accidentelles peuvent survenir en quelques heures ou être retardés de quelques jours. Le retentissement cardiaque est fondamental à évaluer. Les effets tels que tachycardie, anxiété, agitation ou hyperkinésie peuvent être soulagés par un bêtabloquant. 
De rares cas de convulsion ont été rapportés chez des patients épileptiques en cas de doses excessives. De façon exceptionnelle en cas de mise en jeu du pronostic vital, une plasmaphérèse ou une hémoperfusion sur charbon peut être discutée.

Surveillance des effets

La surveillance de la fonction thyroïdienne est clinico-biologique. Les signes cliniques de dysthyroïdies et le dosage de la concentration plasmatique de TSH (de T4 en cas d'insuffisance thyréotrope hypophysaire) permettent d'ajuster la posologie. Le rythme de ces contrôles sera régulier, rapproché à l'initiation du traitement puis progressivement espacé. 

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  • 13 mai 2022