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pharmaco-medicale

Site du Collège National de Pharmacologie Médicale

Bisphosphonates

Résumé de la fiche

Les bisphosphonates sont des ralentisseurs du remodelage osseux, utilisés dans la plupart des pathologies osseuses, qui sont généralement caractérisées par une augmentation de la résorption osseuse. Ils agissent principalement par inhibition de l'activité ostéoclastique.
Ces molécules existant sous forme orale et injectable, sont indiquées aussi bien dans l’ostéoporose postménopausique ou masculine que dans le myélome multiple, les métastases osseuses ostéolytiques, la maladie osseuse de Paget ou encore certaines hypercalcémies.
Les aminobisphosphonates oraux (alendronate, risédronate) permettent de réduire le risque de fracture ostoporotique. Les bisphosphonates IV sont le traitement le plus efficace de la plupart des hypercalcémies.
Leur biodisponibilité orale est mauvaise, et les conditions de prise doivent donc être strictes pour préserver l’absorption.
Ces produits sont généralement bien tolérés. On relèvera essentiellement le risque d’oesophagite avec l’alendronate et le risédronate si les précautions d'emploi ne sont pas respectées.

Item(s) ECN

124 : Ostéopathies fragilisantes

Rappel physiopathologique

L’os est un tissu dynamique et le remodelage osseux dépend surtout de deux types cellulaires: les ostéoclastes, issus de la lignée macrophagique, qui ont un rôle dans la résorption osseuse, et les ostéoblastes, issus de la lignée fibroblastique, qui ont un rôle de synthèse de l’os.
La résorption et la formation osseuses sont couplées, si bien que la formation osseuse par les ostéoblastes suit toujours la résorption osseuse par les ostéoclastes. La quantité d’os résorbé est généralement compensée par la quantité d’os formé, sauf dans certaines situations pathologiques, où la résorption peut prendre le pas sur la formation, engendrant une fragilisation osseuse. C’est le cas par exemple de l’ostéoporose post-ménopausique, dans laquelle l’hyperrésorption osseuse provoquée par la carence oestrogénique est à l’origine d’une perte osseuse accélérée.
Les médicaments anti-résorptifs, c’est-à-dire qui bloquent la résorption osseuse ostéoclastique sont indiqués dans le traitement des maladies osseuses caractérisées par une hyperrésorption osseuse, locale ou diffuse. Les bisphosphonates font parti de ces thérapeutiques. Les bisphosphonates sont utiles aussi bien dans les pathologies où l’hyperrésorption osseuse est localisée, comme dans la maladie osseuse de Paget, ou bien diffuse, comme dans l’ostéoporose.

Médicaments existants

Plusieurs molécules de cette classe ont montré leur efficacité mais 3 molécules apportent un service médical rendu suffisant dans le traitement de l'ostéoporose post-ménopausique pour réduire le risque de fracture vertébrale et de hanche chez les patientes à risque élevé de fracture. On peut les différencier par leurs indications autres (ostéoporose masculine, cortisonique...), leur rythme et leur voie d'administration ainsi que par leur tolérance et leur précaution d'emploi.

Il s'agit de:

- L’acide alendronique. En comprimé de 10 mg, 1 fois par jour ou de 70 mg, une fois par semaine, plus ou moins associé à la vitamine D3. Cette molécule est également indiquée dans le traitement de l'ostéoporose masculine.

- L'acide zolédronique. En ampoules IV de 5 mg pour le traitement des hypercalcémies et la prévention des événements osseux des métastases ostéolytiques et du myélome. Cette molécule est également indiquée dans le traitement de l'ostéoporose masculine et cortisonique. Des altérations parfois graves de la fonction rénale ont été observées. Cette molécule ne doit pas être administrée en cas de clairance de la créatinine inférieure à 35 mL/min et la fonction rénale est à surveiller chez les patients à risque. Des fibrillations auriculaires dans la maladie de Paget ont été également rapportées. 

- Le risédronate. En comprimé de 5 mg, 1 fois par jour ou de 35 mg, une fois par semaine plus ou moins associé à la vitamine D3 ou de 75 mg, 2 jours consécutifs, une fois par mois. Cette molécule est également indiquée dans le traitement de l'ostéoporose masculine et cortisonique et dans la maladie de Paget.

D'autres molécules sont également disponibles mais n'ont pas démontrées leur efficacité en prévention des fractures non vertébrales liées à l'ostéoporose:

- L’ibandronate est indiqué en prévention des complications osseuses chez les patients atteints de cancer du sein et de métastases osseuses.

- L’étidronate est indiqué dans le traitement cyclique de la maladie de Paget ou pour la perte osseuse ostéoporotique.

- Le clodronate est indiqué dans la prévention des événements osseux des métastases ostéolytiques et du myélome.

- Le tiludronate est indiqué dans le traitement cyclique de la maladie de Paget.

- Le pamidronate est indiqué dans le traitement des hypercalcémies et la prévention des événements osseux des métastases ostéolytiques et du myélome, ainsi que de la maladie de Paget.

Puissance relative des Biphosphonates
(par rapport à Etidronate = 1)

Produit

Puissance relative

Etidronate

Clodronate

Tiludronate

Pamidronate

Alendronate

Risédronate

Ibandronate

Zolédronate

1

10

10

100

1.000

1.000-5.000

10.000

10.000

Mécanismes d’action des différentes molécules

Les bisphosphonates ont été synthétisés pour la première fois en Allemagne en 1865, et utilisés comme agents anticalcaires ménagers, mais le premier bisphosphonate introduit en thérapeutique a été l’étidronate, à la fin des années 60.
Les bisphosphonates, anciennement appelés les diphosphonates, se caractérisent par une structure P-C-P, ce qui en fait des analogues structuraux du pyrophosphate inorganique, caractérisé par la liaison P-O-P (Figure 1).
Cette substitution de l’oxygène par un carbone rend la liaison résistante à la dégradation enzymatique. Les bisphosphonates ont une forte affinité pour le phosphate de calcium solide.

Les propriétés pharmacologiques de chaque bisphosphonate dépendent de la nature des deux chaînes, et les différents composés  ont des propriétés variables dépendant de la structure de ces deux chaînes. La liaison P-C-P, ainsi que la chaîne R1 servent à la liaison à la matrice osseuse (crochet osseux), alors que la chaîne R2 est responsable des propriétés biologiques. L’affinité pour le minéral osseux est augmentée par le radical hydroxyle sur la chaîne R1. La puissance du bisphosphonate s’accroît avec la présence d’un radical amine (aminobisphosphonates).  
Les mécanismes d’action potentiels des bisphosphonates sont résumés sur la Figure 1. Ils agissent directement sur les ostéoclastes en inhibant leurs propriétés lytiques.

M19-1-bisphospho2 2

Figure 1: Mécanisme d'action des bisphosphonates

Effets utiles en clinique

  • Traitement des hypercalcémies : normalisation de la calcémie en 2 à 5 jours.
  • Traitement de la maladie osseuse de Paget : suppression des douleurs, comblement des lésions ostéolytiques, et diminution du remodelage osseux.
  • Prévention des événements osseux dus aux métastases osseuses ostéolytiques et au myélome comme les hypercalcémies, les fractures, les douleurs et le recours à la radiothérapie antalgique.
  • Prévention de la perte osseuse post-ménopausique.
  • Traitement de l’ostéoporose post-ménopausique.
  • Traitement de l’ostéoporose masculine.
  • Prévention de la perte osseuse induite par les glucocorticoïdes, et traitement de l’ostéoporose cortico-induite.
  • Traitement des hyperrésorptions osseuses en général, ce qui inclut diverses maladies rares, par exemple, la dysplasie fibreuse des os.

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique

La biodisponibilité orale est très faible de 1 à 5% selon les molécules et améliorée à jeun. La faible absorption intestinale est attribuée aux charges négatives des bisphosphonates qui limitent leur diffusion à travers les membranes lipophiles.

Après absorption, 50% de la dose de bisphosphonates est adsorbée au niveau osseux avec demi-vie d'élimination longue d'une dizaine d'années parfois, et 50% est éliminée dans les urines avec une demi-vie d'élimination courte de quelques heures.

Aucun métabolisme n'a été mis en évidence.

Source de la variabilité de la réponse

Il n’y a pas de variabilité du métabolisme des bisphosphonates selon les individus. Il n’y a pas non plus de résistance d’emblée connue à l’action des bisphosphonates.
Dans le seul cas de la maladie osseuse de Paget, les patients peuvent devenir résistants à une molécule de bisphosphonate, auquel cas le changement de molécule suffit généralement à obtenir de nouveau l’efficacité.
Les bisphosphonates ne sont pas efficaces dans les hypercalcémies dont le mécanisme principal n’est pas l’hyperrésorption osseuse comme la sarcoïdose, l’hyperparathyroïdie primitive et l’hypercalcémie humorale maligne.

Situations à risque ou déconseillées

Populations physiologiques particulières :

Possibilité théorique d’hypotrophie osseuse ou de trouble de la minéralisation du fœtus en cas de prise des bisphosphonates à un stade précoce de la grossesse ou pendant l’allaitement. Des cas d'hypocalcémie du nouveau-né ont été observés après le pamidronate IV. Il est recommandé d'interrompre le traitement dès le début de la grossesse et de mesurer la calcémie chez le nouveau-né.

En cas d’ostéomalacie ou de rachitisme, il y a un risque d'aggravation des troubles de minéralisation.

Populations pathologiques particulières :

  • Insuffisant rénal. Risque théorique d’ostéomalacie. L'acide zolédronique est contre-indiqué en cas de clairance de la créatinine inférieure à 35 mL/min.
  • En cas de fracture récente, les bisphosphonates pourraient ralentir la formation du cal, mais cela reste controversé et non démontré chez l’homme.

Contre-indications :

  • Ostéomalacie et rachitisme
  • Grossesse, allaitement (innocuité non démontrée)
  • Insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/mn)
  • Hypocalcémie
  • Hypersensibilité à l’un des composants
  • Fracture récente (uniquement pour l’étidronate)

Précautions d’emploi

Les bisphosphonates oraux doivent être administrés debout ou assis, à jeun (30 minutes avant ou au moins 3 heures après un repas), accompagné d'un grand verre d’eau peu minéralisée (eau du robinet par exemple) et il est conseillé de ne pas s’allonger dans la demi-heure qui suit la prise (notamment en cas de reflux gastro-oesophagien) afin de réduire le risque de lésion oesophagienne. Le café, le thé, le jus d'orange, les antiacides et les produits riches en calcium comme le lait sont à éviter car ils diminuent l'absortion des bisphosphonates.

Un bilan bucco-dentaire prélable est recommandé en raison du risque exceptionnel d'ostéonécrose mandibulaire. Ce bilan devra être répété au moins une fois par an pendant toute la durée du traitement.

Effets indésirables

  • Gastro-intestinaux
    • Ulcère oesophagien, sténose (pour les formulations orales)
    • Constipations, douleurs abdominales, flatulences
  • Musculo-squelettiques
    • Douleurs ostéoarticulaires et musculaires
    • Ostéonécrose de la machoire
  • Neurologiques
    • Céphalées
  • Métaboliques
    • Hypocalcémie
  • Immunitaires
    • Hypersensibilité: urticaire, angiooedème
    • Syndrome pseudogrippal

Surveillance des effets

Pas de surveillance biologique systématique des effets indésirables (hypocalcémie par exemple).

Surveillance des effets thérapeutiques :

  • régression de l’hypercalcémie,
  • augmentation de la densité minérale osseuse (mesurer après au moins 2 ans de traitement) dans le traitement de l’ostéoporose,
  • réduction des marqueurs de résorption osseuse (après 3 mois de traitement dans l’ostéoporose, 3 mois après la fin de la cure dans la maladie de Paget).

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  • 31 mai 2017